On retrouve dans ce roman dystopique d'Ishiguro l'atmosphère d'
Auprès de moi toujours, avec une certaine lenteur voire lourdeur dans l'écriture. Mais cette froideur du style est aussi due au fait que la narratrice est une androïde, (que le lecteur ne perçoit d'ailleurs pas comme telle), avec des distorsions par rapport aux perceptions humaines.
La réflexion sur ce qui fait l'humanité est donc portée par Klara, une AA : une amie artificielle, celle de la jeune Josie. Pourquoi les être humains sont-ils si compliqués à déchiffrer pour une AA ? Peut-on remplacer un être cher par un robot humanisé ? Y a-t-il un mystère indéchiffrable de l'humanité, ou bien peut-on explorer toutes les pièces, si nombreuses soient-elles, qui construisent la demeure de l'âme humaine ? Quel est ce futur proche où on peut "relever" les enfants (mystère à découvrir) ? A quel prix ? Que deviennent les exclus, ceux qui n'ont pas été "relevés" ? Pourquoi seule Klara est-elle porteuse du religieux, d'une foi (dans le Soleil )? Josie et son ami Rick, ainsi que leurs parents respectifs, apportent des éclairages différents sur ces questions.
C'est un roman troublant, un peu longuet par moments, une peu dilué, un peu attendu aussi. Rien de nouveau sous le soleil de la SF mais malgré tout un étrange objet à lire qui imprime des images frappantes : l'Homme au Chien, la femme Tasse à Café, la cruauté bienveillante des mères, le restaurant en forme de part de tarte, l'effrayant taureau tellurique, la terrible (in)constance de l'amour.
P.S.
A propos du style, la traduction n'aide pas, notamment en raison des ambiguïtés de référent, par exemple des déterminants possessifs ("il posa la main sur son bras" : à lui ou à elle ? "his" ou "her" ?) ; ou à cause de maladresses : "Maman, il faut vraiment qu'on parle de ça maintenant ? Rick n'en pas besoin" ( = "n'a pas besoin de ça" serait plus approprié)