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3,64

sur 294 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Il est de ces lectures qui nous troublent profondément. Pour ma part, les romans de Kazuo Ishiguro en font partie. Sa plume empreinte d'humanité nous envoûte, nous enveloppe, lentement, très lentement, jusqu'à la dernière page, nous laissant avec ce sentiment de douce mélancolie si particulier, une fois que le voyage a pris fin.

Lumière pâle sur les collines est le premier roman de l'auteur, il a été récompensé par le "Winifred Holtby Prize of the Royal Society of Literature" l'année de sa parution en 1982 comme l'intégralité de son oeuvre par la suite.

L'ecriture est fluide, élégante, habituel chez l'auteur, avec ce petit je-ne-sais-quoi de retenue qui fait tout le charme de ce récit dont l'approche historique, omniprésente, apporte de l'épaisseur aux personnages de cette histoire à la limite de l'étrange dont les faits se déroulent sur deux périodes et en deux lieux bien distincts : l'Angleterre des années 80 et le Japon de l'après-guerre dans les années 50.

La narratrice du récit, Etsuko, veuve, dont l'âge ne nous est pas dévoilé mais que l'on suppose rendue à l'aube de ses 60 ans, est une expatriée japonaise qui vit dans la campagne anglaise durant les années 80. Sa fille Niki, qui vit à Londres vient lui rendre visite. L'occasion d'un séjour au fil duquel les souvenirs d'Etsuko concernant la disparition tragique de sa fille aînée, Keiko, née d'une première union avec Jiro au Japon, vont remonter peu à peu à la surface et se juxtaposer avec les souvenirs de sa vie passée, alors qu'elle est une toute jeune mariée et attend son premier enfant, à Nagasaki, au pied des collines d'Inasa (auxquelles le titre fait écho). Nagasaki, qui se reconstruit et panse ses plaies mais porte encore les stigmates de la guerre.

Tout au long de son roman l'auteur laisse sciemment planer une aura de mystère ce qui le rend d'autant plus fascinant. Une atmosphère brumeuse comme éthérée, des personnages ambigus mais touchants de vérité. Mariko, petite fille fantasque, en mal d'amour qui invente des histoires pour se protéger des traumatismes qu'elle a subis, qui protège ses chatons comme si sa vie en dépendait ; Sachiko, sa mère, qui fait preuve d'une telle dureté envers elle et semble incapable de l'aimer comme il le faudrait ; le grand-père Ogata, éminent professeur à la retraite, dépassé par ce Japon en renouveau qui s'éloigne de ses valeurs ancestrales, dont le portrait oscille entre malice et humilité et enfin Etsuko, digne, qui tente de vivre malgré la disparition de son enfant.

Kazuo Ishiguro nous livre les évènements petit à petit, de manière suggestive, toujours à demi-mot, nous laissant en permanence dans l'expectative comme si nous touchions quelque chose du bout des doigts sans pouvoir l'atteindre et il le fait avec beaucoup de justesse et de pudeur pour finalement nous amener à la réflexion sur des sujets lourds de sens comme l'acceptation de ce qui doit être après la perte d'un proche et la capacité à vivre après un traumatisme quel qu'il soit car il est évident que chacun des personnages de ce récit porte en lui les traces indélébiles liées à l'horreur que fut ce jour funeste du 9 août 1945 durant lequel les américains larguèrent la deuxième bombe atomique sur Nagasaki, trois jours après celle d'Hiroshima, rasant la ville en dix secondes, la réduisant en un tas de cendres béantes, faisant 74 000 victimes, 210 000 au total avec Hiroshima.

Que dire de plus sinon que je vous invite à lire ce magnifique roman et qu'il est impensable pour moi de ne pas conclure ce billet sur une note poétique avec ces quelques lignes d'un texte extrait du roman de Lajos Zilahy "L'âme qui s'éteint", qui je trouve, s'accordent merveilleusement bien avec l'univers de l'auteur dans lequel les souvenirs et la mémoire ont une place à part.

"Il y a dans la vie des instants inoubliables,
des instants qui s'enfonçent comme de
minuscules aiguilles dans votre chair et dans
vos nerfs, qui pénètrent si profondément
et d'une façon si tranchante dans votre
mémoire, que le temps ne peut jamais
les effacer..."
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Etsuko, japonaise installée en Angleterre, reçoit pour quelques jours sa fille Niki, née de son second mariage avec un anglais. Entre elles, les paroles se font rares. Niki est venue de Manchester pour réconforter sa mère qui vient de perdre Keiko, sa première fille née au Japon. Pourtant, elle ne trouve pas les mots pour évoquer cette soeur qui jamais n'en fut une. Keiko était renfermée, hostile à tout et à tous. Elle n'avait jamais accepté d'être déracinée de son pays natal. Elle considérait l'Angleterre, son beau-père, sa demi-soeur comme des ennemis et restait le plus souvent enfermée dans sa chambre. Elle a fini par se pendre dans le petit appartement qu'elle louait à Londres. Cette fin tragique ramène Etsuko au temps où elle attendait sa naissance avec autant d'impatience que d'appréhension. A cette époque, Nagasaki se relevait courageusement de ses cendres, le Japon tout entier se tournait vers l'avenir et Etsuko, mariée à un salary man très occupé, faisait la connaissance de ses voisines, Sashiko, une jeune veuve et sa fille Mariko.

Premier roman du nobelisé Kazuo Ishiguro et déjà on trouve sa plume subtile, sa façon poétique d'évoquer les choses sans vraiment les dire, sa pudeur et sa délicatesse. Et ben sûr le Japon de l'après-guerre quand le pays s'est confronté au défi de se relever et de se moderniser. Si certains se sont jetés à corps perdu dans ce travail de reconstruction, d'autres ont souffert de l'abandon des traditions et des valeurs ancestrales. A travers les souvenirs d'Etsuko, on découvre Nagasaki dans les années 50. La ville a subi le pire des traumatismes mais veut aller de l'avant, oublier le passé. Etsuko observe les transformations des mentalités et des moeurs. Son mari a refusé de vivre chez son père comme la coutume l'exigeait, son beau-père ne comprend pas l'évolution de la société, la condamnation de ceux qui ont défendu le pays et combattu jusqu'au bout. Et, si elle reste focalisée sur sa grossesse, elle ne peut s'empêcher de s'inquiéter pour sa voisine et sa petite fille trop souvent délaissée. La jeune veuve qui rêve d'Amérique est prête à tout pour partir avec un G.I. vers une autre vie, d'autres possibilités, loin du Japon alors que sa fille refuse farouchement de quitter son pays. Une histoire qui fait écho à celle d'Etsuko qui a fini par émigrer en Angleterre sans le consentement de sa propre fille, alimentant un profond sentiment de culpabilité.
Avec finesse et pudeur, Ishiguro raconte les souffrances des japonais, de ceux qui ont perdu des êtres chers sous la bombe, ceux qui ont vu disparaître leur monde, ceux qui ont quitté leur pays et les souvenirs trop douloureux. Un roman très doux malgré les thèmes abordés, une histoire qu'on ressasse pour la réinterpréter, la comprendre, la redécouvrir. Un coup de coeur.
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Pour le style, pour la narration, pour les mots, pour l'écriture , pour toute cette joliesse, je mets 5 étoiles. L'art de Kazuo Ishiguro de mettre en scène des vies ordinaires et de me tenir intéressée tout au long de la lecture me fascine.
Je crois que malgré le peu d'action, de rebondissements ou d'intrigue, il réussit toujours et avec brio à mettre la lumière sur une société et à nous faire réfléchir. Dans Lumière pâle sur les collines, on se situe à Nagasaki et autour après la bombe. C'est la fin (ou presque) de l'occupation américaine. le monde a changé. On sent bien que plus rien ne sera comme avant. En filigrane, on nous parle des femmes de leur vie, leur rôle dans la société , leurs rêves , leurs préoccupations dans ce Japon en reconstruction et oui ça m'interpelle. C'est la fin d'un monde et le début d'un autre. Et ce récit en est la preuve. Une chronique de vie, une tranche de vie qui ne finit pas, dont on ne peut connaître le dénouement. C'est comme juste une jolie et très intéressante conversation dans laquelle on se remémore un lointain souvenir. À lire pour la magnifique plume de Kazuo Ishiguro.
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Ma première lecture de Kazuo Ishiguro, avec son premier roman, Lumière pâle sur les collines. Une bonne surprise. Etsuko, femme japonaise d'âge mûr émigrée dans la campagne anglaise, se souvient après le suicide récent de sa fille aînée Keiko, des événements qui ont marqué sa vie. Keiko, née d'un premier mariage au Japon avec Jiro n'a jamais supporté l'émigration à Londres, six ans plus tôt, la perte de ses racines, se confinant dans la solitude et n'étant proche ni de sa demi-soeur Niki ni de son beau-père aujourd'hui disparu également. Etsuko dans une pudeur et une retenue toute nippone, ne cède pas à l'émotion mais voit resurgir des scènes de vie, des dialogues avec les personnes fréquentées dans son passé japonais à Nagasaki, quelques années après les ravages de la bombe.
À travers la voix d'Etsuko, nous observons ses relations avec son mari Jiro, avec son beau-père Ogata-San, avec une vieille tenancière d'auberge Mme Fujiwara, et avec une amie voisine, Sachiko et sa jeune fille Mariko. Et derrière ces moments et conversations apparemment anodins se dessinent le traumatisme du passé récent, la vie est parfois bien difficile financièrement notamment pour des familles décimées et déracinées (Etsuko va aider Sachiko à trouver un travail chez Mme Fujiwara et devoir lui prêter de l'argent).

Lorsqu'ils étaient jeunes adultes, ils rêvaient d'une vie meilleure. Jiro était un bourreau de travail, Etsuko était enceinte de Keiko, Sachiko ne pensait plus qu'à émigrer aux États-Unis avec son amoureux américain...Mais les anciens comme Ogata ruminaient la nostalgie d'un glorieux passé impérial et semblaient déjà ne plus trop comprendre ce qui se passait dans ce monde nouveau qui évoluait si vite.

Pourtant, l'attachement à cette terre anime aussi la petite Mariko, têtue et si proche de la nature et de ses petits chats, qui pour rien au monde ne voudrait partir...Mais sa mère Sachiko, quelque peu négligente et obnubilée par ses rêves d'évasion américaine, ne prête pas assez attention aux incessantes fugues de sa fille dans les bois alentours. Etsuko s'inquiète pour cette petite fille à la fois garçon manqué et sensibilisée par ses horribles visions encore récentes de la guerre. À juste titre...

Ce roman se lit avec grand plaisir, l'écriture est de qualité, simple et fluide mais sans être indigente. Les dialogues sont intelligents (À comparer avec le trop fréquent enculage de mouches de Haruki Murakami !). Nous comprenons mieux les difficultés qui ont saisi la société japonaise à la fin des années 40, la reconstruction s'étant doublée d'un traumatisme jamais connu avant et d'une profonde transformation de la société, vécu souvent douloureusement comme une perte du monde ancien par la vieille génération. Nous voyons également dans ce contexte les inégalités de revenus accentuées par cette période post-apocalyptique. Nous saisissons aussi l'importance des liens familiaux, avec ces générations qui vivent sous le même toit, mais des liens qui finissent parfois par peser.

L'auteur utilise le procédé de la répétition pour faire passer l'état d'esprit et le caractère de ses personnages : Ogata tourne en rond dans ses dialogues avec son fils et sa belle-fille, sans doute parce qu'il ne comprend plus ce monde qui change. La petite Mariko en fait de même, elle est obsédée par ses chatons et n'en démord pas. Et face aux réflexions égoïstes et idéalistes de Sachiko, les "Je vois..." répétés d'Etsuko démontrent sa perplexité sur le sens des responsabilités de cette femme.

Ishiguro suggère beaucoup par l'attitude de ses personnages, leurs inter-relations, mais laisse une grande part au non-dit, au mystère...nous devinons qu'Etsuko et Jiro ont divorcé, qu'Etsuko a émigré à Londres avec Keiko, s'est remise en couple avec un britannique, aujourd'hui décédé, qu'elle a eu avec lui sa seconde fille Niki...Mais il reste bien des zones de mystère, confinant même à un certain malaise, face à la répétition de l'histoire personnelle des deux femmes, Etsuko et Sachiko...Comme un cercle, un cycle maudit...A moins qu'Etsuko et Sachiko ne fassent qu'une ?

Un beau roman sur les souvenirs et la mémoire qui s'embrume, sur les déchirements provoqués par la guerre, sur les femmes et leur condition au Japon, la difficulté des relations familiales et inter-générationnelles, les racines géographiques (urbaines ou rurales) et culturelles, sur la résilience, qui laisse le lecteur libre de sa propre compréhension de cette histoire. Et puis j'ai été ému par la personnalité de la petite Mariko, enfant écorchée et définitivement incomprise de sa mère, qui trouve son réconfort dans l'amour obsessionnel qu'elle porte à ses petits chats, jusqu'à sceller son sort au leur...

Un grand roman par un Japonais exilé, qui explore l'histoire et l'âme des japonais comme peut-être mieux que les Japonais "de l'intérieur" eux-mêmes, un peu comme ceux d'Aki Shimazaki.
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Ce premier roman de Kazuo Ishiguro est à mon sens beaucoup plus japonais que ses romans plus récents, à la fois par le rythme, le ton et les personnages. La narratrice est une femme d'un certain âge, Etsuko, installée en Angleterre depuis longtemps, et qui revient sur les moments où elle était mariée au Japon et enceinte de sa fille Keiko, cette même fille qui s'est suicidée en Angleterre peu de temps auparavant.
Au fil de quelques conversations avec sa deuxième fille, Niki, Etsuko se souvient notamment d'une voisine qui vivait dans une petite maison face à chez elle, et qui élevait une enfant assez difficile…

Le roman entremêle avec fluidité le présent et le passé, évoque les années d'après-guerre à Nagasaki, la reconstruction, les images obsédantes de la guerre, les relations familiales conflictuelles, la tentation de l'immigration… Ce qui rend déjà le roman passionnant jusqu'aux dernières pages qui replacent tout le texte dans une nouvelle perspective, et qui m'ont vraiment éblouie !
Relire trois la fin, y traquer des petits détails significatifs, échafauder différentes hypothèses pour finalement en trouver une satisfaisante, et qui explique après coup tout le reste du roman, n'est pas un exercice qu'on pratique si souvent au cours de ses lectures. Cela m'a rappelé Une fille, qui danse, roman de Julian Barnes qui utilisait aussi ce procédé. le thème de la mémoire est bien sûr au centre du roman, avec ses failles, ses interprétations, ses occultations… Pour un premier roman, c'est parfaitement maîtrisé, et je le recommande à qui veut faire connaissance avec l'auteur.

Lien : https://lettresexpres.wordpr..
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A Pale View of Hills
Traduction : Sophie Mayoux

Qu'il s'agisse du magique et surréaliste « Inconsolé » ou de l'onirique « Quand nous étions orphelins », l'oeuvre de Kazuo Ishiguro, écrivain anglophone d'origine japonaise, déçoit rarement et se prête volontiers à plusieurs lectures. C'est que l'art de son auteur s'exprime toujours en demi-teintes et en non-dits, ainsi que le prouve son plus que célèbre « Les Vestiges du Jour. »
« Lumière Pâle Sur Les Collines », dont, par extraordinaire, l'action se situe pour l'essentiel dans le Japon de l'immédiate Après-guerre, très précisément à Nagasaki, ville-martyr, ne contrevient pas à ce principe. Mieux : de tous les romans d'Ishiguro, celui-là est sans conteste celui qu'il faut lire avec le plus grand soin, l'attention la plus éveillée et une lenteur qui confine au rituel d'une authentique « cérémonie du thé". Et, avant tout, il faut s'attacher au titre original du livre - « A Pale View of Hills » - dont la traduction française, plus classique, n'a pas su préserver l'ambiguïté.
L'histoire débute dans la campagne anglaise, où la narratrice, une Japonaise, possède une maison que lui a léguée le Britannique qui fut son second époux. C'est là que la rejoint la fille qu'elle a eue avec Bill, Nikki, jeune fille émancipée qui, d'ordinaire, vit à Londres.
Nikki vient apporter un peu de réconfort à sa mère, qui vient de perdre sa fille aînée, Keiko, née de son premier mariage au Japon. Keiko, transplantée fillette dans un pays qu'elle n'apprécia jamais et par l'entremise du remariage de sa mère avec un homme qu'elle considéra toute sa vie comme un parfait étranger – Keiko ne s'est jamais acclimatée à l'Angleterre. Un jour, elle partit elle aussi pour Londres et elle s'y pendit, toute seule dans son minuscule appartement. Pour sa soeur cadette comme pour sa mère, le deuil est récent et, inévitablement, les deux femmes vont s'en entretenir.
Et puis – et surtout – Etsuko, la narratrice, laisse affleurer à nouveau à la surface de ses souvenirs tout son passé à Nagasaki et cet étrange été où, pendant quelques semaines, alors qu'elle attendait la naissance de Keiko, elle se lia d'amitié avec la plus solitaire de ses voisines, Sachiko, une jeune veuve qui élevait sa fille, la petite Mariko, pour laquelle Etsuko devait se prendre de sympathie.
A partir de là, sous peine d'en révéler ses subtilités, il me devient impossible de résumer l'intrigue. Qu'il vous suffise de savoir qu'on devine rapidement le mélange de fascination et de répulsion qu'Etsuko ressent envers Sachiko, femme cynique, hautaine et émancipée, bien décidée à épouser Frank, un soldat américain, afin de s'ouvrir une vie nouvelle sur un continent nouveau. Que la petite Mariko, que le lecteur, comme Etsuko, voit trop souvent laissée à elle-même et à son imaginaire, ne cache pas son hostilité à pareil projet importe peu à cette mère si peu maternelle et dont on est tenté de croire qu'elle voit en son enfant plus un boulet qu'une fillette à aimer et à protéger.
Lentement, sûrement, implacablement, Ishiguro mène son lecteur à l'étonnante conclusion de son roman, conclusion devant laquelle on se frotte les yeux tant on reste ébahi par la subtilité du texte. Puis, on repart une ou deux pages plus loin, on les relit et, comme cela ne suffit pas, on repart encore un peu plus loin dans les pages déjà lues, on fouille, on cherche … Une trace, une preuve, un mot plus révélateur qu'un autre … Mais ce n'est qu'au bout de plusieurs lectures et d'infiniment de patience qu'on finit par apercevoir ce « pâle éclairage sur les collines », le mot « éclairage » devant être pris ici dans le sens de « point de vue. » ;o)
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La narratrice, Etsuko, est veuve et vit seule dans la campagne anglaise. Elle reçoit la visite de sa fille Nikki, jeune femme émancipée qui vit à Londres, alors que sa fille aînée Keiko vient de se suicider.

Durant ce séjour, des souvenirs troublants vont refaire surface. Etsuko va en effet se remémorer la période où elle vivait encore à Nagasaki alors qu'elle était enceinte de Keiko et s'était liée à une voisine elle même mère célibataire d'une petite Sachiko.

À partir de cette intrigue, somme toute des plus simple, la lecture navigue en pleine période de transition de la société japonaise qui semble perdre son essence même face à une modernité imposée dans cette période d'après-guerre .
Et c'est dans une étrangeté croissante associée à une douce mélancolie que les pages défilent au milieu de non-dits qui génèrent une tension incroyable !

De nombreux autres thèmes sont intégrés insidieusement, le deuil bien entendu, la culpabilité parentale, l'exil, la place de la femme dans la société ....

L'écriture est dépouillée , plutôt fluide et poétique, cependant ce roman extrêmement complexe demande non seulement une lecture posée mais aussi un travail d'interprétation qui laisse finalement dans une certaine ambiguïté où chacun trouvera ses propres réponses.

Très belle découverte que ce premier roman de Kazuo Ishiguro, prix Nobel de littérature en 2017, paru pour la première fois en anglais en 1982 et publié en France en 1984 aux presses de la renaissance
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Encore une fois époustouflée par le talent d'Ishiguro

Après Klara et le soleil, je me suis dit que ça serait bien de commencer par le début, son premier roman, Pâle lumière sur les collines.

Etsuko est une femme japonaise vivant en Angleterre depuis une vingtaine d'années. Suite à un drame survenu dans sa famille, elle se remémore l'époque où elle vivait encore au Japon, à Nagasaki.

Je ne veux pas trop en dire pour ne rien spoiler, mais cette lecture est : déroutante. Plus le récit avance, plus une sorte d'atmosphère étrange s'installe. On sent que quelque chose cloche, que la narratrice ne révèle pas tout ou déforme (volontairement ou non) le cours de ses souvenirs. Tout comme dans Klara et le soleil, c'est au lecteur d'essayer de décrypter au mieux ce qui se passe, en prenant de la distance avec la narratrice.
Ce roman aborde des thèmes que j'affectionne particulièrement et la plume d'Ishiguro y est encore une fois délicieuse à lire, lumineuse et délicate tout en restant très dynamique (ça se lit tout seul). (j'allais oublier : la finesse des portraits psychologiques...!)
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Nikki est arrivée de Londres pour rendre visite à sa mère Etsuko. Quelques jours pour se remémorer l'après-guerre là-bas au Japon à Nagasaki, évoquer Jito et Ogata-san, et puis son amie Sachiko qui élève l'étrange petite Mariko. Raconter la vie là-bas, le poids de la culture et tenter de comprendre l'absence, l'arrachement des êtres.
Un très beau livre, à l'écriture claire qui se lit comme un murmure.
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A Nagasaki, quelques années après la bombe, Etsuko et Jiro vont avoir leur première fille.

Une trentaine d'années plus tard, Etsuko et sa fille cadette, Niki, vivent en Angleterre.
L'aînée, Keiko, est morte 6 ans auparavant.

La relation entre Niki et Etsuko est tendue. Niki n'avait plus aucune relation avec sa soeur lorsqu'elle est décédée et lui reprochait d'avoir coupé les ponts avec son père à elle (on ignore ce qu'est devenu Jiro, le père de Keiko).

25 ou 30 ans plus tôt, alors qu'Etsuko vivait à Nagasaki et était enceinte de Keiko, elle s'était liée d'amitié avec une voisine, Sachiko, dont le comportement était assez étrange.

La fille de Sachiko, Mariko, prétendait voir près de chez elle une femme que personne ne connaissait. Mariko s'absentait plusieurs heures dans les bois sans raison.
Et Sachiko niait ou ignorait les bizarreries de sa fille.
Malgré l'amitié de Sachiko et Etsuko, le comportement de Mariko et de sa mère génère une tension palpable, d'autant plus lorsque Sachiko prétend qu'elle va partir vivre avec sa fille aux États-Unis du jour au lendemain avec un mystérieux Frank, ou lorsqu'elle explique les violents traumatismes subis par Mariko à la fin de la guerre.

Tout en non-dits et en tensions palpables mais maîtrisées, l'auteur rend le lecteur presque mal à l'aise en décrivant ces personnages qui cachent de vieilles rancoeurs et des blessures profondes.

Page après page, les scènes les plus banales génèrent entre les personnages des tensions telles que j'ai presque envie de reposer le livre pour prendre le temps d'encaisser le stress et le malaise que je ressens.

Que ce soit à cause du suicide de Keiko, la mort du père de Niki, le souvenir de la guerre, le comportement de Mariko, l'attitude de Jiro vis-à-vis de son travail ou l'incompréhension grandissante entre Etsuko et Niki, les personnages subissent une pression permanente sans qu'il n'y ait jamais d'éclats ou de paroles agressives.

Le seul personnage qui semble stable et rassurant est Ogata-san, le beau-père d'Etsuko, à l'image de l'ancien monde, avant la guerre, constant et prévisible.

Ce livre est une superbe réflexion sur les conséquences de la bombe, les conflits de génération (Sachiko à autant de mal à comprendre Mariko qu'Ogata-san en a à comprendre les jeunes), le deuil lorsqu'on perd un enfant, la disparition des traditions du Japon ancien influencé par les américains qui occupent le pays a partir de 1945, la réalité des souvenirs qui se mélangent avec des scènes qui n'ont pas réellement eu lieu...

L'un des livres les plus émouvants que j'ai pu lire grâce à une écriture à la fois poétique et précise. Extraordinaire.
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