Une lecture faite au son du shamisen (guitare traditionnelle japonaise à trois cordes dont jouent les geishas), de manière très fluide, je l'ai pour ainsi dire dévorée.
On peut dire qu'il s'agit d'une forme de documentaire sur le monde des fleurs et des saules, il contient de nombreux termes japonais. En arrière-plan, le contexte, et quelques éléments d'histoire. Par exemple, je connaissais le Miyako Odori (danse des cerisiers, réalisée en avril) sans savoir qu'il était dû au déménagement de la capitale. En cela, on en apprend beaucoup sur un système artistique, très strict et hiérarchisé, très traditionnel et fermé. Et c'est là qu'on se rend compte des limites de celui-ci, raisons pour lesquelles
Mineko Iwasaki a démissionné à l'âge de vingt-neuf ans. Ce livre permet aussi de critiquer ce système (il ne s'agit pas d'un drama accusateur mais d'un exposé honnête).
Ce monde, notamment par son étiquette, est assez éloigné du nôtre. Cette autobiographie, écrite en anglais à destination d'un public occidental, montre bien des aspects de cette éducation "à l'ancienne". Certains passages sont assez étranges pour un public occidental du 21e siècle, comme l'ignorance d'
Iwasaki en matière de sexualité, le baiser volé qui n'est pas pris au sérieux par les supérieures de la jeune artiste, et surtout l'adoption de l'atotori (héritière) par sa nouvelle okiya (maison de geisha) alors qu'elle a déjà une famille et devient morte pour celle-ci (non seulement elle ne porte plus leur nom, mais elle ne peut plus les voir).
En général, je ne lis pas les autres critiques quand je m'apprête à en écrire une (pas par snobisme mais pour ne pas qu'elles m'influencent, je les lis après), mais, exceptionnellement, je l'ai fait. Un aspect récurrent est que l'autrice se montre prétentieuse : je rejoins les critiques à ce sujet. Certes, elle est réellement riche et admirée, mais dans l'écriture on se rend compte d'un certain orgueil. La rivalité entre geishas est un peu agaçante, on m'a déjà dit que c'est un peu la même chose dans le milieu de la danse classique (que je ne fréquente pas).
Mineko Iwasaki, en dépit de sa fierté, sait quand même se remettre en question :
sa relation avec "Vieille Sorcière" évolue au point qu'elle arrête de la surnommer ainsi, elle dresse une fois la liste de ses défauts et de ses résolutions. Cependant, une phrase vers la fin est assez choquante :
Yaeko, une femme antipathique finit par être atteinte de la maladie d'Alzheimer, et Iwasaki commente : "c'est triste, mais je ne peux pas m'empêcher de penser qu'elle a récolté ce qu'elle a semé". Je veux bien admettre que c'est ce qu'elle ressent, j'ai déjà ressenti des choses semblables (une personne méchante avec moi à qui il arriva un malheur), mais je ne l'écrirais pas dans un livre ! Justement, le fait de dire du mal de d'autres personnages passe tout à fait dans un roman, puisqu'il s'agit de personnages. Mais dans le cadre d'une autobiographie, il s'agit de personnes réelles, et je pense que l'on devrait prendre cela en compte. C'est une des questions de l'autobiographie.
Les geishas me fascinent, et je m'intéresse à l'esthétique (philo du beau et de l'art). L'art préféré d'
Iwasaki est la danse. J'ai donc, en dépit du point ci-dessus, apprécié cet ouvrage. Je vous le conseille, mais je préviens qu'il est difficile à trouver : il n'est plus imprimé et n'existe pas en français en format liseuse (on le trouve en anglais sous ce format). Je l'ai donc obtenu d'occasion.