C'est bien, et c'est pas bien.
La couverture est bien : buildings, autoroutes pleines de bagnoles, fumées industrielles, avions, dans un brouillard jaune pollution où tournent péniblement deux pauvres éoliennes.
Et sur une terrasse, deux témoins,
Jean-Marc Jancovici et Blain.
Un prologue raconte la prise de conscience environnementale de Blain (ça c'est moi en 1974, salut et fraternité aux personnes qui ont la référence). Ensuite, il nous présente
Jean-Marc Jancovici, ingénieur, scientifique et vulgarisateur, l'inventeur du bilan carbone - et à partir de là, j'écrirai JMJ.
Blain loue l'art de JMJ à trouver "l'image parlante et lumineuse". Et lui, Blain le dessinateur, en fait autant : il rend les chiffres à la fois limpides et passionnants, trouve des images parlantes et lumineuses, et drôles aussi avec l'énergie sous forme d'Iron Man, et sa métaphore de l'extraction du pétrole avec une pierre ponce (Je vous appâte, là.) Je termine vite fait mon avis sur les dessins, qui sont super réussis, simples et efficaces, notamment les flashbacks au 19è siècle, ou encore dans les années 50 ou 70. Réussi aussi le travail de la coloriste Clémence Sapin.
Parlons maintenant du contenu : 100 pages sur les causes du réchauffement, 25 pages sur ses effets, 70 sur les solutions éventuelles.
Le point de départ, c'est l'énergie (ce sur quoi j'ai commencé à me documenter en 1977, re-salut et fraternité aux personnes qui re-ont la référence). J'ai appris beaucoup de choses en plus grâce à JMJ, qui convertit l'énergie en… cyclistes - très pertinent et visuel. Tout y est abordé, de l'agriculture à l'urbanisation, c'est très complet.
La partie sur les effets est assez exhaustive elle aussi (et effrayante).
Puis arrivent les solutions. Pour JMJ : décarboner grâce au nucléaire (plus : circuler en vélo électrique, manger deux fois moins de viande et ne plus prendre l'avion. Point.)
Et là, au moment où je me dis à moi-même : "Je suis d'accord sur tout avec Janco…. sauf sur le nucléaire"… arrive un personnage en tee-shirt fleuri qui dit : "Moi je suis d'accord sur tout avec Janco…. sauf sur le nucléaire". Mouhaha.
Il n'évacue pas les problèmes, JMJ, c'est documenté, pensé, pesé. Mais là où il dit "Il faut arbitrer entre le nucléaire et consommer moins", je trouve que son pragmatisme, ça ne fait pas rêver.
Il est bien trop général sur la question de la production d'énergie, et n'aborde jamais la question des productions locales (Avez-vous remarqué qu'on a plus de vent et de marées en Bretagne, que de soleil ou d'uranium?)
Il ne parle que du court ou moyen terme, pas du temps long des déchets nucléaires ou des réserves d'uranium et de lithium.
Il aborde en trois phrases l'échelle mondiale, trois phrases qui se résument à "éducation des femmes, accès à la contraception, caisses de retraite". On s'en tape de la pauvreté et des inégalités mondiales, en gros qu'ils fassent moins de gosses, et basta.
Alors ça fait quand même trois gros points noirs à mes yeux. Moi je ne veux pas avoir à "arbitrer entre le nucléaire et consommer moins". Je ne veux pas laisser après moi des espaces naturels ravagés par la course aux terres rares, une planète piégée par les déchets radioactifs.
JMJ est ingénieur, et moi géographe, ça doit être pour ça.
Pour ma part, l'arbitrage est fait : mon fournisseur d'énergie me dit que je consomme trois fois moins d'électricité que la moyenne. Normal : je n'ai ni voiture, ni smartphone, ni aspirateur, ni sèche-cheveux, ni lave-vaisselle, ni micro-ondes, ni télé, ni robot ménager, ni grille-pain, ni cafetière électrique, ni congélateur, ni sèche-linge... J'ai des pieds pour me rendre à la bibliothèque et des transports publics pour aller au marché.
Et non, monsieur JMJ, je ne désire pas de tout mon coeur un vélo électrique.
Le monde a davantage besoin de trouver tout près de chez soi petits marchés et bibliothèques publiques, que de vélos électriques.
Donc s'il avait consacré autant de pages à la question de la RÉDUCTION de la consommation d'énergie, j'aurais pris ce livre davantage au sérieux.
Tel quel, c'est un livre pour bobos.