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Citations sur Rois du monde, tome 3 : Chasse royale II, Les grands .. (39)

Avant la traversée du Locu par le héros. Je cite la description pour le style:
"Devant nous, la berge agréablement arborée vient se baigner dans une onde paisible; saules et aulnes mirent leurs parures au fil du courant. En revanche, par-delà la rivière, l'autre rive offre au regard un territoire largement dévasté. Les bois ont été abattus sur une aire très étendue; le terrain, bouleversé, est grêlé de trous et de fosses; certaines tranchées, fort longues, zigzaguent en suivant le serpentement d'un filon. Partout, la pluie a raviné talus et déblais en ruissellements rougeâtres, a étalé de larges coulées de boue que le pied des hommes comme l'ongle des boeufs ont abondamment repétries. La berge elle même n'est qu'un immense dépotoir, où versent d'énormes glissements de gravats. Au bas de ces éboulis, des hommes et des enfants nus, plongés dans la rivière jusqu'à la taille, débourbent le minerai au fond de récipients grossiers. Ils obscurcissent le courant de gros bouillon argileux, qui se diluent vers l'aval en lavures ocrées. Plus loin, en haute rive, des palissades qu'ensevelissent à demi les ferriers nous dissimulent un village d'artisans et ses fourneaux."
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Elle hésite, vibrante, semblable au chevreuil qui vient de flairer l’approche du loup.

« Ne t'en fais pas, petite. Je ne te ferai pas de mal. j‘ai des filles qui ont presque ton âge. »

Ces mots n’ont pas l’effet escompté. Certes, la gamine ne décampe pas; mais la voici qui se penche pour ramasser des pierres. Le premier projectile, lancé sans précision, se perd dans le fossé. Le deuxième, mieux ajusté, ricoche contre le poteau un peu au-dessus de ma tête.

« Eh ! Qu'est-ce que tu fais ? Tu vas offenser les Gardiennes ! »

Je me crois astucieux en jouant sur sa piété plutôt qu’en lui reprochant de frapper un prisonnier. En me touchant dans les côtes, un troisième caillou a tôt fait de me détromper. Ce n’est guère qu’une pichenette, mais le coup est cuisant pour mon amour-propre. Me faire caillasser par une morveuse ! J’en oublie toute mesure et je me rue en avant, tirant inutilement sur mes chaînes.

« Putain ! Sale petite teigne je vais te décoller la tête des épaules ! »
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Dès lors, tu dois te demander pourquoi je te parle, à toi, de ma captivité. Peut-être parce que tu es un étranger : cela me rend les choses moins difficiles. Sans doute parce qu’avec les ans, j’ai fini par acquérir un vernis de sagesse. On n’est pas seulement un héros les armes à la main. Pour forger une bonne lame, il faut la fondre et puis il faut la tremper. Cela la rend deux fois plus solide, parce que cela rajoute la souplesse à la dureté. Après le feu, il me faut donc raconter l’eau. Ma captivité a été une trempe. J’aurais pu m’y noyer ; j’en suis sorti, non pas plus fort, mais plus complet. Je suis resté un homme, dans la défaite comme dans la victoire. J’ai su faire ce que mon père avait refusé d’accomplir.
Dans un certain sens, je finis par l’admettre, c’est l’esclave qui a fait le roi.
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Entre les troncs obscurs, je devine des formes trapues, au crin blanchâtre, qui se faufilent parmi les ombres. Il me semble même accrocher les prunelles phosphorescentes d'un loup.
"Ne te fais pas de souci, me conseille le druide d'un ton léger. Ce ne sont que mes ovates."
Du reste, il m'entraîne déjà par-delà la lisière, nous quittons la ramée ténébreuse, nous arrivons au pied du palais et de sa butte.

p. 301
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J'aurai à répondre de ma trahison la plus profonde : comment j'ai préféré l'affection de Sumarios à la mémoire du père.
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Voler des bêtes, les offrir en sacrifice ou les abattre pour un festin : autant de pratiques coutumières et honorables. Mais les tuer pour rien, en souiller l'eau d'une rivière, gâcher toute cette richesse sans même la consacrer aux dieux, voilà qui tient du scandale. C'est pire que de la cruauté : cela relève d'une forme de folie qui voisine avec l'impiété. Pour nous les Celtes, le massacre gratuit d'un troupeau est plus effrayant que les trophées humains cloués aux portes des forteresses ou dans l'enceinte des nemetons.
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Avec n’importe qui d’autre que mon frère, j’aurais refusé la reddition. Je me serais fait tuer. Même avec Ségovèse, je n’ai pas vraiment eu conscience de me rendre. J’ai plutôt fait la paix avec lui. Ou disons une trêve, pour partager le poids du deuil. Mais derrières Segillos, il y avait pour le moins trois cents héros hostiles ; et parmi eux, nombreux étaient ceux qui avaient perdu un ami ou un parent dans les combats de la veille. Autant de dire que ceux-là, ils n’ont pas pactisé avec moi. Les plus féroces ont vu dans ma capture l’occasion de me supplicier avec des raffinements de cruauté. La plupart désiraient tout simplement ma mort, le plus vite possible, pour se lancer ensuite dans la traque de mon oncle.
Ce matin-là, ma capture a donc bien failli sceller mon destin.
Des années durant, je me suis gardé de raconter cet épisode de mon existence. Cela s’accordait plutôt mal avec l’autorité que j’avais acquise ; un héros tue ou est tué. Mais se rend-il ? Comment peut-il accepter le joug ? Comment concilier le roi d’aujourd’hui avec le captif d’hier ? J’ai tout fait pour étouffer ce souvenir. Dans leurs éloges, mes bardes font l’ellipse sur cette période. Non qu’ils mentent par omission : ils ignorent ce qui m’est réellement arrivé. Je n’ai laissé filtrer que quelques allusions à propos de ma rencontre avec Prittuse ; la flagornerie et l’imagination s’en sont emparées et l’ont travestie en un duel entre le guerrier et la magicienne. Ce conte a fini par participer à ma gloire. Il prépare en quelque sorte l’autre légende, bien plus véridique, celle qui raconte comment j’ai terrassé l’invocateur de foudre, Avile Amthura. Et dans un sens, c’est vrai, j’ai affronté Prittuse et je l’ai vaincue, après avoir été très près de me perdre… Mais les péripéties qui sont chantées pendant mes banquets ne sont que sottises. J’aurais été bien en peine de défier l’enchanteresse les armes à la main, parce que je me trouvais doublement lié : j’étais son prisonnier et je demeurais sous le coup de l’interdit qui m’empêchait de faire violence aux femmes.
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Le reste de la troupe dévale déjà le coteau, une centaine de pas devant nous, en direction des berges inondées de l'Autura. Dans ce matin morose, les eaux somnolentes se couvrent d'une laitance de fumerolles, qui vont épaississant au-dessus du lit de la rivière. Au loin sur l'autre rive, derrière l'écharpe de brouillard, se dressent les frondaisons touffues de la forêt. Je respire un grand coup. Ce paysage sent le danger, la liberté et la course. Malgré la fatigue, malgré le désastre, malgré la dangereuse faiblesse de nos effectifs, une pointe d'allégresse se remet à papillonner au fond de ma poitrine. C'est reparti ! Galoper à travers les royaumes, franchir les rivières, filer par monts et par vaux ! Voici le premier jour de l'été, et le grand jeu des armes s'offre à nous ! Comme si l'important n'était pas le péril, mais le territoire immense, semé de forêts, de fleuves, de plaines et de forteresses, que la guerre nous jette en pâture.

(P194)
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J'ai haï ton père Bellovèse. Je l'ai haï de m'avoir épargné, de m'avoir offert, avec la vie, l'occasion d'accomplir un exploit vide de sens, et la douleur de pleurer sur l'ami abandonné. Je l'ai haï, oui, et je le hais toujours bien qu'il soit mort depuis si longtemps ; et pourtant, j'éprouve aussi pour lui une certaine gratitude. Grâce à la terrible leçon d'Autricon, il m'a enseigné une chose essentielle. Grâce à lui j'ai compris ce qu'est la guerre. Oublie les sottises qu'enseignent les bardes, les druides et les héros. La guerre, elle est comme le puits de la Déesse, ce conduit obscur par lequel circulent le passé et l'avenir. C'est un abîme au fond duquel miroitent des mystères trompeurs : nous dansons tous sur ses lèvres, nous y jouons avec la peur du vide. Et, tôt ou tard, nous y basculons tous.

(P114)
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