Armel Job est un MAITRE !
Armel Job n'écrit pas, il nous susurre à l'oreille une série de petites choses quotidiennes, qui une fois semées, lentement, sournoisement, suivent le chemin de nos neurones, nous font réfléchir...et puis s'emparent de notre coeur.
Oui,
Armel Job est un maître car il réussit tout à la fois dans ce livre à captiver, à attendrir, à amuser.
Comment?
D'abord, il n'a pas son pareil pour décrire le physique des personnages. Ses peintures tout en finesse, en poésie, en justesse et en même temps avec une touche d'humour nous donnent à voir le personnage comme s'il était devant nous. C'est le seul auteur qui ne me donne pas envie de passer les lignes descriptives, alors que
Balzac m'ennuyait férocement !
Quant à la psychologie...Jamais il ne fait preuve de lourdeur ! Il nous "donne à voir" au lieu de nous servir les caractères sur un plateau. Il entre dans les coeurs et dans les têtes de ses personnages .
Et puis l'histoire en elle-même commence par des petits moments de la vie. On entre dans les maisons; on se pose déjà des questions sur certaines personnes. Et au fur et à mesure des pages, le passé surgit, à coup de petites allusions. le suspens s'installe. Et le passé (l'époque de la Résistance) devient de plus en plus lourd...pour arriver à une fin magistrale, haute en couleurs, à la fois surprenante, dramatique, puis très amusante.
Un petit mot de l'histoire, peut-être? Nous sommes dans un petit village des Ardennes liégeoises, en Belgique (je précise car beaucoup de non-Belges ne connaissent rien de la Belgique, à part Bruxelles et quelques villes flamandes, alors que la Wallonie est une perle)...
La jeune fille du charcutier, Thérèse, est approchée par le peintre José Cohen, élève de Modigliani. Il veut la peindre nue, car pour lui, "quand on fait un portrait, on observe le modèle pendant des heures. Il finit par vous oublier. A ce moment-là, ce qu'il a dans l'âme transparaît sur son corps".
Malheureusement, ce portrait "
Baigneuse nue sur un rocher" n'est pas "compréhensible" par ces paysans frustres, ou plutôt par cette mentalité encore arriérée...Nous sommes en 1957 !
Le village va commencer à jaser; les secrets datant de la guerre vont refaire surface...pour notre plus grand plaisir !
Il va falloir que je m'arrête. Ce roman va encore me trotter dans la tête pendant longtemps.
Armel Job, je l'adore. Il me fait penser à d'autres auteurs belges, comme
Marie Gevers,
Paul Willems, au 20e siècle. D'autres auteurs, contemporains d'
Armel Job, comme
Eva Kavian,
Nicolas Ancion...sont aussi dignes d'être découverts. Ils n'ont pas leur pareil pour recréer une atmosphère. Il n'y a pas qu'
Amélie Nothomb, que diable !
Quand donc finira-t-on par apprécier la littérature belge à sa juste valeur ?