Un tableau sème la panique dans un petit village des Ardennes belges où coule une rivière torrentueuse..
Il y de quoi enflammer Landernau : nous sommes en 1957, et la toile représente la charmante fille du charcutier, sur un rocher au bord dudit torrent.. en costume d'Eve !!
Si le tableau, comme on s'y attend, offense les pruderies du temps, il réveille surtout les vieilles inimitiés, et même les crimes de la sombre période de la guerre, pas si lointaine que cela, et de la résistance, pas toujours ralliée pour le bon motif !
Ce n'est plus un scandale c'est une bombe à fragmentation !
Mais on n'est pas chez
Simenon, qui avec un rien tisse une atmosphère oppressante, glauque, irrespirable : rien de sombre ni de cruel dans ce récit joyeux, savoureux, truculent où chacun a des choses à cacher, à venger, à régler pourtant !
Armel Job, découvert grâce à l'ambassade efficace et inspirée de Latina, prend un malin plaisir à camper ses personnages dont il croque le portrait avec une gourmandise parfois féroce- celui de la « patronne » que son mari charcutier tue à petit feu en la bourrant de saucisses vaut son pesant de .. saindoux !
Il campe ainsi tout un petit peuple d'artisans et de commerçants haut en couleurs : un chauffeur de maître qui cache mal son humiliation, ses préférences sexuelles et sa grande intelligence, une femme d'artiste peintre que son double rôle a nerveusement perturbée, une veuve de guerre pas si éplorée qu'elle ne veut bien le dire, un petit jeune homme moderne malgré son prénom démodé et surtout plein de charme qui, sans le vouloir, émeut plus d'un coeur , un charcutier secret, ombrageux et au coup de couteau professionnel, et enfin un curé assez gaillard, rompu aux disputes théologiques – le culte marial lui paraît une offense à la rationalité et à la féminité à la fois, il va falloir qu'il s'en explique avec son évêque, à la fin !
Tout ce petit monde s'agite, le passé remonte à la surface dangereusement, un homme meurt : crime, accident, règlement de compte ? Je vous laisse découvrir ce petit livre drôle et délicieux, campé dans une Ardenne bien vivante et charnelle et, paraît-il, inspiré de faits réels…
Juste deux choses encore.
La première : le déjeuner de réconciliation familiale et de quasi fiançailles a de quoi vous caler l'estomac pour un moment : soupe au boudin noir, gratin de chicons au jambon, carré de porc au chou rouge, et coup de grâce, deux tartes aux prunes !! On sait vivre en pays wallon ! Il n'y a pas que les truculentes flamandes de Brel à savoir ripailler !
Quant à la deuxième, je resterai volontairement évasive: finalement le curé rationaliste n'enverra pas sa lettre au diocèse ! Il a trouvé un autre moyen de se réconcilier avec ce révoltant culte marial.. Je vous laisse le plaisir de découvrir lequel !
Bonne lecture – mais prenez un peu d'Alka Seltzer quand même !…