En 2011, à la suite du crossover
Flashpoint, DC Comics remet à zéro l'ensemble de son univers partagé dans une opération baptisée "New 52". Parmi les 52 nouvelles séries lancées à cette occasion, se trouve celle attribuée à Aquaman que
Geoff Johns avait déjà ramené sur le devant de la scène dans Brightest Day (en anglais) en 2010. Ce tome comprend les épisodes 1 à 6 de cette nouvelle série, parus en 2011/2012 (scénario de
Geoff Johns, dessins d'
Ivan Reis, encrage de
Joe Prado, aidé par Eber Ferreira pour les épisodes 4 & 5).
Quelque part au fond des mers, dans une faille sous-marine, des créatures affamées aux dents acérées surgissent et se dirigent vers la surface pour se nourrir de chair humaine. À Boston, Aquaman (Arthur Curry) remplit son rôle de superhéros, même si personne ne le prend au sérieux. Un importun plus insolent que les autres n'hésite pas à lui résumer sa situation : il porte une tunique orange du plus mauvais goût, il sert surtout de chute à toutes les blagues moqueuses sur les superhéros inutiles et dépassés, et il n'est le superhéros favori de personne. Malgré tout, Aquaman a pris sa décision : il préfère vivre à la surface qu'essayer de s'imposer comme souverain auprès d'un peuple qui ne veut pas de lui, sous l'océan. Il s'est installé dans un phare, avec Mera sa compagne. Quand un policier vient quérir son aide après le premier massacre perpétré par les créatures des profondeurs, il n'hésite pas un seul instant à combattre contre elles, et à partir à la recherche des habitants enlevés.
Geoff Johns joue le jeu du redémarrage à zéro du personnage. Il raconte son histoire comme si le lecteur ne savait rien d'Arthur Curry et de son passé et il insère les éléments de continuité au fur et à mesure des scènes de manière un peu artificielle. Arthur se confie régulièrement à Mera pour évoquer son passé. La première fois, il s'agit d'une scène intimiste entre 2 individus qui s'aiment, la deuxième fois le lecteur a repéré le dispositif pour ce qu'il est, la troisième fois cela devient un truc narratif peu habile. le coup des méchantes créatures pleines de dents en guise de premier adversaire est assez basique (pourquoi pas des méchants extraterrestres, ou des robots géants ?), même si Johns laisse planer le doute sur le fait qu'ils sont liés au passé d'Aquaman. Dans un grand moment à la
Geoff Johns, Arthur Curry finit par assister à une apparition fantomatique de son père décédé avec lequel il se met à converser pour bénéficier de sa sagesse post-mortem. Là encore, Johns utilise un dispositif narratif usé jusqu'à la corde, avec une absence de nuances et de finesse désolante.
Après tout, utiliser un ennemi basique n'est pas forcément si soporifique que ça si Arthur Curry en sort grandi. Effectivement dans la première moitié, Johns fait le nécessaire pour installer son héros, pour qu'il en impose. D'un coté, il laisse passer les railleries des habitants avec patience, en prenant sur lui, montrant bien qu'il est au dessus de ces petites piques mesquines. de l'autre il se bat comme un lion malgré les dents acérées capables de déchirer sa cotte de mailles orange, et de le faire saigner. Il se permet même un petit moment de satisfaction en se laissant tirer dessus par des petits malfrats, pour avoir le plaisir de voir leur réaction lorsque les balles ricochent sur sa peau. Il est courageux Aquaman ; par contre il n'est pas très futé. Après avoir été presque déchiqueté par un petit groupe d'amphibiens voraces, il n'hésite pas à s'élancer (avec Mera à ses cotés) contre un véritable bataillon de ces créatures, sans aucun plan de bataille, ni stratégie, ni arme particulière. Cette attitude irréfléchie et imbécile contraste fortement avec ses réactions posées et mesurées face aux quolibets et autres lazzis qu'il essuyait quelques pages avant.
Le dernier épisode est consacré à Mera qui sort du phare pour aller acheter des croquettes pour chien en ville. le récit n'est pas aussi insipide que ça, mais là encore une prise d'otage arrive à point nommé (étonnante coïncidence) pour injecter un peu d'action. Et la prise de conscience de Mera est subtile comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.
Heureusement, il reste les illustrations d'
Ivan Reis encré par
Joe Prado (au moins pour les 5 premiers épisodes parce que pour le dernier Reis a effectué la mise en page et les croquis, et Prado a réalisé les dessins). Ça fait plaisir de retrouver ce dessinateur qui sait comment imposer visuellement un personnage. Aquaman apparaît pour la première fois dans une pleine page, de plein pied dessiné en contreplongée, et il en impose. Son trident a une forme impossible, mais le lecteur voit qu'il a une attitude de quelqu'un d'assuré et déterminé. Dans la page d'après (4 cases de la largeur de la page superposées), les 2 policiers dans leur voiture de patrouille sont réalistes et convaincants, Aquaman est silencieux et posé. Lorsqu'il essuie une pluie de balles, il attend stoïquement la fin, sûr du résultat. En tant que superhéros, Aquaman est rendu visuellement crédible et impressionnant.
Ivan Reis réalise des dessins minutieux (méticuleusement encrés), avec une densité d'informations visuelles soigneusement dosée. Il a toujours un peu de mal à rendre les créatures vraiment horrifiques (ses zombies dans Blackest night n'étaient déjà pas très angoissants). Par contre les combats sont chorégraphiés avec intelligence, les décors des différents lieux de la ville et la décoration intérieure du phare sont rendus tangibles et agréables. le passage dans lequel Aquaman est coincé dans un désert de sable dégage une chaleur intense et donne à voir le dessèchement progressif du héros. Les combats sous-marins donnent la mpossibilité à Reis de s'économiser sur les décors. le dernier épisode dessiné par
Joe Prado permet de se rendre compte de la raison pour laquelle il a choisi le métier d'encreur (les proportions sont gauches).
À l'annonce de l'équipe de créateurs de la série, le lecteur pouvait être en droit de s'attendre à une histoire solide, des visuels inoubliables, comme
Geoff Johns et Ivan reis avaient si bien su le faire des épisodes durant pour Green Lantern dans sa série. La déception en est d'autant plus forte. Johns semble avoir listé tout ce qu'il souhaitait mettre dans le scénario, et jeté ses éléments sur une intrigue anémique à base de méchantes créatures pleines de dents.
Ivan Reis effectue un travail à la hauteur, mais rendu moins palpitant du fait de cette histoire poussive. Il m'aura fallu moitié moins de temps pour lire ce tome qu'un autre équivalent de la même pagination. Si vous n'avez pas eu l'occasion de lire les épisodes de "Brightest day", ce tome vous réserve la surprise de découvrir Arthur Curry sous son meilleur jour et il mérite 4 étoiles. Si vous avez déjà lu Aquaman dans "Brightest day", ces épisodes vous sembleront assez fades.