![]() |
Tout ce qui est excessif est insignifiant, c'est ce que m'ont inspiré la lecture de Zéro déchet et l'attitude extrémiste de Béa Johnson, qui dit avoir relu tous les tomes de la Petite Maison dans la Prairie (p. 13) avant d'attaquer la rédaction de son vademecum. On peut donc légitimement penser que la vie de la famille Ingalls est son modèle. Il est difficile de critiquer sévèrement un livre dont les intentions paraissent louables, arrêter le gaspillage, vivre mieux avec moins, sauver la planète avec nos petits bras musclés. Ce n'est donc pas l'intention de Béa qui m'a gênée mais sa méthode, qui ressemble à un trouble obsessionnel compulsif, chaque minute de son temps étant consacrée à traquer l'objet, le geste gaspilleur pour le terrasser, sans répit, toujours dans l'hyper-contrôle, gommant toute spontanéité de sa vie. Après avoir enfoncé quelques portes déjà ouvertes, par d'autres bien avant elle : prendre des douches au lieu de bains, éteindre la lumière, refuser la publicité dans sa boîte aux lettres, utiliser un panier pour aller au marché, elle passe en revue toutes les pièces de la maison, et toutes les activités domestiques dans le but de réduire au maximum les déchets produits. Je n'irai pas par 4 chemins : non, je ne suis pas prête pour les toilettes sèches ni pour la cabane au fonds du jardin ; non, je ne me maquillerai pas les yeux avec de la cendre, du curcuma ou du cacao en fonction de l'effet séducteur recherché ; non, je n'irai pas à la boulangerie équipée d'une taie d'oreiller pour y ranger mon pain ou chez le poissonnier avec un bocal en verre pour y déposer des truites ; non, je ne composterai pas les excréments de mon chat et ne comptez pas sur moi pour me laver les cheveux au bicarbonate de soude ni davantage pour confectionner des protections intimes taillées dans une vieille chemise en flanelle ou masquer un trou dans mon chemisier avec une fleur. Pourquoi ce ton sarcastique ? Parce qu'il y a une frontière que je ne franchirai jamais, c'est celle de l'hygiène élémentaire, et dans une moindre mesure, celle d'un confort minimal. Je me demande combien de temps passe Béa à laver les innombrables bocaux, bouteilles en verre et autres sacs en tissu, qui faute d'une désinfection rigoureuse doivent rapidement se transformer en réservoirs de germes. Combien de temps lui prennent ses confections diverses de crèmes de beauté, shampoings et autres substances étranges. Qui lave puis repasse les mouchoirs en tissu utilisés dans sa famille en cas d'épidémie de rhume touchant tous ses membres ? Qui racommode les chaussettes trouées comme elle le préconise ? Combien de mètres cubes d'eau, de kilowatts-heures utilise-t-elle pour limiter sa production de déchets ? Pourquoi, lors de son voyage annuel en France, ne vient-elle pas à la nage ? Mais surtout, en filigrane, la question qui me taraude le plus est celle-ci : à travers un ouvrage étiqueté « écolo-radical », l'auteur ne prône-t-elle pas pernicieusement, le retour au foyer d'une maman parfaite cuisinière, parfaite employée de maison ? Une vraie petite fée du logis, comme dans la famille Ingalls qu'elle affectionne tant. A mon sens, et ce n'est bien évidemment que mon avis, ce type de catalogue quasi-intégriste affaiblit la pensée écologiste et de tous ceux qui sont conscients de la gravité de la situation et de l'urgence qu'il y a à trouver des solutions de grande envergure, planétairement politiques. Béa Johnson se contente d'infliger des pénitences aux consommateurs-pécheurs sous forme de solutions souvent irréalistes, quelquefois dangereuses, quand elles ne frôlent pas le ridicule. Parce que je suis optimiste, je veux croire que rien qu'avec du bon sens, on peut réaliser des petits miracles dans sa vie quotidienne. Je laisse d'ailleurs à propos de bon sens, la parole au plus grand économiste de tous les temps, Coluche, qui en 1978 déjà, disait : "Quand on pense qu'il suffirait que les gens n'achètent pas pour que ça ne se vende plus ! ". Bon, il faut que je vous laisse, je m'en vais dans mon jardin profiter du réchauffement climatique :-) + Lire la suite |