Citations sur Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte (24)
Après tout, quitte à être un chien de garde, autant montrer carrément les crocs. (page 245)
Et pourtant, les faits étaient là. Les avocats commis d'office ne savaient plus quel article du Code Pénal appeler à la rescousse durant leurs plaidoiries, qui n'excédaient pas les cinq minutes. Quelles circonstances atténuantes invoquer pour un prévenu qui avait caillassé un camion de pompiers, mis le feu à un tas de poubelles au risque de faire flamber tout un immeuble, balancé un parpaing depuis le dernier étage d'une tour, qu'importait la cible ? (page 223)
Sur une heure de cours, si l'on soustrayait la phase d'installation, interminable, les différents rappels à l'ordre, les précieux instants gaspillés à chercher ses affaires, les manuels, quand ils n'avaient pas été oubliés à la maison, le temps réellement rentable se réduisait comme une peau de chagrin. (page 111)
En ce début du mois de septembre 2005, le seul écho du monde qui avait ému la classe, entre deux pubs, deux clips de rap, deux matchs de foot et la rencontre sur le ring de 'fight' Foster vs Kupitea, les idoles de Moussa, ce fut bien le cyclone Katrina. La Louisiane dévastée. A la fin de la maudite heure du vendredi après-midi, de dix-sept à dix-huit, Anna relâcha un peu la pression pour laisser ses élèves organiser un "débat". Bien mal lui en prit.
Djamel ouvrit le bal en affirmant qu'Allah avait puni l'Amérique à cause de la guerre que les juifs et les croisés menaient contre les frères irakiens ! Moussa sursauta, indigné. La télé, il l'avait bien regardée. C'étaient ses frères noirs à lui, les pauvres, les descendants d'esclaves, qui souffraient le plus, alors quoi, Allah, Il en voulait aux blacks ? Fallait le dire tout de suite ! A ce train-là, c'était peut-être aussi Allah qui avait foutu le feu dans les immeubles parisiens durant l'été, où des tas de familles africaines avaient crevé brûlées vives ? Partout, pas seulement en Louisiane, les blacks n'en finissaient plus de dérouiller ! Même que les crocodiles, ils avaient envahi les rues de la Nouvelle-Orléans pour s'attaquer aux survivants, Moussa l'avait bien lu dans 'Choc' avec les photos et tout ! Djamel, il allait se faire pécho dans pas longtemps s'il continuait à raconter ses conneries de baltringue ! [...] En moins d'une minute, les "apprenants" d'origine africaine, pourtant musulmans dans bien des cas, s'étaient dressés face aux Maghrébins qui, même s'ils n'étaient pas certains d'avoir raison, soutenaient Djamel.
Anna fut épouvantée d'avoir, bien malgré elle, déclenché un conflit ethnique sous prétexte de "débattre".
La violence qui régnait au collège, dans la cour de récré comme dans les couloirs, les incidents à répétition en classe, les bagarres incessantes, le niveau effarant des élèves après tant d'années de scolarité, les trois cent mots de vocabulaire dont ils disposaient, en comptant large, le néant culturel, l'agressivité à fleur de peau, la détresse sous-jacente, l'océan de misère dans lequel ils surnageaient, oui, c'était dur, très dur. Ce n'était pas réellement un travail de prof.
La confusion la plus totale régnait dans les esprits [de 3e B]. Moussa s'acharnait contre un musulman, ça, c'était pas bien, mais d'un autre côté, Djamel, il avait pas le droit d'insulter les blacks, et justement, dans la classe, il y en avait, des blacks musulmans, même si lui, Moussa, il l'était pas, musulman, alors c'était vraiment compliqué de s'y retrouver.
- M'dame, y a quelqu'un qu'a pété !
Rire gras. Anna savait pertinemment que tout, tout allait se jouer à cet instant précis. Elle n'avait que sa détermination à offrir en pâture à la meute que s'apprêtait à conduire Moussa.
- Ca suffit, elle a raison! Vous avez pas honte?
La classe se figea. La voix était claire, presque cristalline.
Lakdar, l'ado à la main droite meurtrie, s'était levé. Sa silhouette fragile dressée face à Moussa. Ils se dévisagèrent un long moment. Droit dans les yeux, Moussa finit par s'incliner. Même sans son infirmité, il aurait pu aplatir Lakdar d'une simple claque.
- Moussa, t'es nul, ça te regarde, mais du coup, tu nous mets tous dans le même sac! On va remplir de nouvelles fiches! annonça Lakdar. C'est moi qui vais les distribuer.
Personne ne contesta. Lakdar semblait jouir d'une autorité qu'il ne devait pas à sa carrure, mais à un charisme qui intrigua Anna...
Ceinture noire de karaté, il était, Bechir, et ça, c'était mieux que tous les diplômes pour obtenir le respect.
Le compte à rebours a commencé, tôt ou tard, ne te berce pas d'illusions, ils frapperont à Paris, annonça-t-il. Personne n'est à l'abri, Simon, personne, à Jérusalem, Manhattan! Ou boulevard Voltaire!
- M'dame, y a quelqu'un qu'a pété !
Rire gras. Anna savait pertinemment que tout, tout allait se jouer à cet instant précis. Elle n'avait que sa détermination à offrir en pâture à la meute que s'apprêtait à conduire Moussa.
- Ca suffit, elle a raison ! Vous avez pas honte ?
La classe se figea. La voix était claire, presque cristalline.
Lakdar, l'ado à la main droite meurtrie, s'était levé. Sa silhouette fragile dressée face à Moussa. Ils se dévisagèrent un long moment. Droit dans les yeux, Moussa finit par s'incliner. Même sans son infirmité, il aurait pu aplatir Lakdar d'une simple claque.
- Moussa, t'es nul, ça te regarde, mais du coup, tu nous mets tous dans le même sac ! On va remplir de nouvelles fiches ! annonça Lakdar. C'est moi qui vais les distribuer.
Personne ne contesta. Lakdar semblait jouir d'une autorité qu'il ne devait pas à sa carrure, mais à un charisme qui intrigua Anna...