Le jeune Karl Rossmann, chassé du cocon familial pour avoir engrossé la bonne, aborde New-York.
L'Amérique, Amerika, terre de liberté... sauf qu'à y regarder de plus près la statue a troqué son flambeau pour un glaive.
Dès lors, notre héros s'engage dans un chemin de croix picaresque. Victime de toutes sortes de harcèlements (physiques, sexuels et moraux), il passera d'une existence privilégiée auprès d'un oncle à héritage à un vagabondage sans fin sur les routes américaines. Sur cette Via Dolorosa, il croisera quelques femmes maternelles ou lubriques, des tyrans au petit pied, des filous, avatars du Renard et du Chat de Pinocchio, et un double plus chanceux -l'étudiant Mendel. Tour à tour potache, liftier, domestique puis proxénète, Karl finira (tout comme le roman, inachevé) dans le Théâtre en plein air d'Oklahama (sic), inopinément engagé comme agent technique.
Étrange voyage que celui auquel nous convie Kafka : le lecteur somnambule suit les méandres d'un récit onirique, passionnant et fastidieux à la fois. La géographie kafkaïenne se révèle déroutante tant le romancier multiplie les espaces labyrinthiques. Verticales vertigineuses et horizontales démesurées s'affrontent striant les aventures du jouvenceau comme autant d'armes blanches. Ascenseurs, puits, soutes et couloirs quadrillent la métropole, ses gratte-ciels et ses avenues rectilignes. Pris dans la nasse orthogonale de la grande ville, immense toile d'araignée, l'insecte Rossmann s'englue souvent dans les pièges de soie tendus par des prédateurs aranéides.
Dans ce cauchemar lent, quelques monstres surnagent : le brutal Feodor, sadique persécuteur des faibles ou la massive cantatrice Brunelda, tumulus de graisse, et ses ablutions répugnantes. le sentier tortueux que nous empruntons se termine en à-pic sur un champ de course surréaliste où les recruteurs du Théâtre d'Oklahama -esclavagistes retors ou artistes intègres ?- embauche le jeune Karl renommé Negro pour l'occasion : Juif ou Noir même combat !
Hallucinogène et psychostimulant, le Disparu laisse perplexe : l'imagination morbide de Kafka agit comme une drogue, on y retourne mais la descente est brutale. A-t-on rêvé ce qu'on a lu ? Comme après un mauvais songe, n'émergent plus que quelques images indistinctes mais prégnantes.
Insolite.
Lien :
http://lavieerrante.over-blo..