K par K.
Je vais faire simple. K. veut entrer dans
le Château. Moi je veux essayer de sortir de ce roman. Il est enfermé à l'extérieur. Moi à l'intérieur.
Comme le manuscrit est inachevé, qu'il se termine au milieu d'une phrase, cela ressemble plus à un canular qu'à une soudaine panne d'inspiration ou d'imprimante. Surtout à l'époque. Une parution posthume qui enrhume. Une idée de tuberculeux. le mythe littéraire est né. Kafka avait exprimé la volonté de ne pas être publié après sa dernière quinte. Désir réel ? Il aurait pu tout brûler lui-même pour réchauffer les sanatoriums au lieu d'en charger son ami et exécuteur testamentaire
Max Brod. On remercie ce dernier de n'avoir pas eu la conscience d'un notaire. le moyen le plus efficace de partager une nouvelle avec la terre entière est de la confier sous le sceau du secret à un ami.
J'ai lu certains commentaires qui subodorent que Kafka avait envisagé de tuer son personnage. Moi, je me dis que, par nature, cette histoire ne pouvait pas avoir une fin. Un dénouement aurait affiché une vérité qui n'existe pas.
En allemand, château se dit Schloss, C'est la même traduction pour le mot serrure, je crois (j'ai fait de l'allemand pour dresser mon chien) mais personne n'a jamais vraiment trouver toutes les clés de ce roman aussi cruel que drôle.
Recruté comme arpenteur, K. va surtout mesurer les frontières de l'Absurdie, contrée littéraire tellement bien fréquentée depuis. Il arrive dans un village où il n'est pas le bienvenu. Comme il ne parvient pas à se faire ouvrir les portes du Château pour exercer son métier, il va chercher en vain à s'intégrer. K. est rejeté de tous : des aubergistes, des fonctionnaires, de sa fiancée. Même la météo, par ses tempêtes, lui signifie qu'elle ne veut pas de lui.
A la lecture, je me suis demandé si cette histoire n'était pas la description d'un rêve. Pourquoi K. s'endort-il dès qu'il a une chance d'obtenir des réponses ? Pourquoi les personnages sont-ils si fantomatiques ? Et puis, comme Kafka vivait lui même dans un monde parallèle pour fuir l'absurdité de l'existence et que ce récit ne faisait que reflétait sa recherche d'absolu, j'ai laissé l'hypothèse des songés aux sombres nuits kafkaïennes.
Je pense que la distanciation entre l'histoire et les personnages a modéré mon enthousiasme. J'avais trouvé «
le Procès » plus immersif. K. n'a rien de sympathique et ce Château, mirage peuplé de fonctionnaires aux missions obscures, n'a rien du spot tendance pour passer le week-end. Kafka n'avait pas l'âme d'un guide touristique. Il faut dire qu'au moment de la rédaction, l'auteur n'a plus que deux ans à vivre, que sa santé est alarmante et que sa vie sentimentale d'éternel fiancé n'est pas une partie de plaisir, sinon solitaire.
La bureaucratie et le totalitarisme restent au coeur de la cible mais Kafka insiste surtout ici sur la soumission généralisée qui devient de la complicité à une organisation qui n'a pas de sens. Toute l'oeuvre de Kafka décrit l'aliénation de l'individu à un système qu'il a créé lui-même. D'ailleurs, le personnage le plus intéressant du roman, le moins ectoplasmique, est cette jeune femme, Amalia, qui en refusant l'invitation d'un cadre du château a entrainé la mise en quarantaine sociale de ses parents.
Petite mention spéciale aussi pour les deux assistants de K., aussi jumeaux qu'idiots, qui apportent une touche burlesque au roman.
Une bonne lecture avant d'aller renouveler sa Carte Vitale à un bureau de la CPAM.