Cette façon que les Français ont de découper le temps en tranches est très subtile. Il y a tellement de degrés notamment dans le passé que l’on s’y perd : le passé simple, le passé composé, le passé imparfait, le passé plus que parfait ; il existe même un futur qui est en quelque sorte déjà un passé : le futur antérieur. J’ai l’impression que ce temps perdu est le plus important pour les Français, c’est le temps de l’émotion qui n’en finit pas et qui envahit tout l’esprit.
La fête de Bhjum Ben est ma fête préférée. J’y trouve toujours paix et joie. C’est pour moi une grande démonstration de ferveur et d’amour familial où nous nous sentons tous très proches les uns des autres, riches et pauvres, peut-être une façon d’effacer les inégalités de la vie.
Je me trouve maintenant comme une araignée dont on vient de couper le fil. Aller de l’avant est la démarche habituelle de mon caractère. Sans point d’ancrage je me sens brutalement menacée, n’ayant plus la possibilité de remonter le fil jusqu’à mes attaches.
Dans ses lettres, son amour pour moi s’exprime avec des mots très forts. L’impétuosité de son désir me trouble. Il y a maintenant chez lui une maturité virile qui m’impressionne. En moi, une mélancolie qui se consume. Le feu et la cendre.
L’essentiel est d’avoir, pour calmer mon angoisse, un objectif réalisable. J’ai ainsi l’impression d’approcher des frontières impossibles vers lesquelles le fil de ma raison est tendu à l’extrême, à la limite de se couper.