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3,51

sur 341 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Si vous avez adoré le désespoir et l'ironie de films comme « La victoire en chantant » de Jean-Jacques Annaud ou « Coup de Torchon » de Bertrand Tavernier, alors ce livre est pour vous. Si vous ne vous êtes jamais remis de « Au coeur des ténèbres » (tiens, proximité des titres) de Joseph Conrad, alors ce livre est encore plus pour vous.
Pierre Claes est un géomètre belge à qui le roi Léopold, de triste mémoire, a donné l'ordre d'aller découper les frontières africaines. Il en sortira lui-même découpé. Dans un style bien ciselé, parfois proche de la truculence, Paul Kawczak place le colon blanc devant ses responsabilités historiques. Ce passage, au début du livre, résume à merveille l'esprit du roman : « Toute une civilisation bourgeoise, mâle et malade, étouffée de production, exsangue d'action, faisandée de rêves en chaque crâne, se dépensa avec érotisme et violence dans un fantasme de terre femelle et primitive, de Nouvelle Ève noire à violer dans la nuit blanche (…) ». Crimes et débauche ont jalonné l'indigne conquêtes des blancs du Congo. Pierre Claes ne leur ressemble pas. Il comprend que l'Afrique l'anéantira corps et âme. Avec des scènes hallucinées (p118), des pages où Éros se dispute avec Thanatos (p151) et des descriptions extraordinaires où les paysages du douanier Rousseau perdent brutalement leur naïveté (p199), l'auteur nous fait basculer dans une folie violente et sensuelle. Je suis sortie de ce roman enchantée, groggy, avec l'impression d'avoir voyagé très loin. N'est-ce pas ce qu'on demande aussi à un roman ? de vous conduire vers d'autres mondes ?
Bilan : 🌹🌹
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Alors qu'à la fin du XIXe siècle les grandes nations européennes continuent à s'approprier l'Afrique, Léopold II de Belgique n'entend pas les laisser grignoter la frontière septentrionale de « son » Congo. Il charge le jeune géomètre Pierre Claës d'une expédition pour remonter le fleuve Ubangi, dans le but de cartographier avec précision la zone de jungle frontalière.

Il lui faudra finalement deux expéditions plutôt qu'une, car au Congo, Claës va rencontrer la maladie, le non-droit et la violence. Mais aussi son passé, la vengeance et la souffrance. Et enfin l'amour, sous la forme la plus inattendue de la libération du corps et de l'âme par la mutilation des chairs et l'évasion de l'esprit.

La lecture de Ténèbre de Paul Kawczak est une expédition littéraire à elle seule : à la fois roman d'histoire, conte poétique et fantasmagorie un brin barrée, l'ensemble se tient pour qui sait s'extraire des constructions littéraires habituelles et s'abandonner à une narration innovante. Kawczak y fait défiler une incroyable galerie de personnages réels - on y croise Baudelaire, Verlaine ou Hugo – et fictifs au premier rang desquels, Xi Xiao le bourreau-tatoueur-écorcheur-inciseur-libérateur, dont le coffret d'ustensiles porte l'idéogramme mystérieux des ténèbres…

Il y a dans tout le livre, une atmosphère qui n'est pas sans rappeler celle d'Apocalypse Now et donc l'oeuvre de Joseph Conrad : le fleuve, la jungle, la quête de celui qu'on recherche, la maladie, les confins de la folie… Il y a dans tout le livre, un mélange d'aventure, d'érotisme, de cruauté et d'imaginaire, qui chemine sur l'étroite crête du fourre-tout casse gueule, sans jamais y tomber grâce au talent narratif particulièrement agréable à suivre de Paul Kawczak. Ténèbre trouve toute sa – belle – place aux éditions La Peuplade, définitivement atypiques et c'est tant mieux !
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Dans une lente progression sur le fleuve Congo et son affluent, l'Ubangi, les vapeurs empruntés par le géomètre Pierre Claes en septembre 1890, le mènent à la mission que lui a confiée Léopold II, roi des Belges et grand colonisateur de cette fin de siècle : celle de délimiter officiellement une frontière au nord du territoire. le jeune homme, parti avec de bonnes intentions, découvrira rapidement l'horreur de la soumission dans laquelle vivent les peuples indigènes sous le joug des colons. Commencera alors en lui un processus de délitement mental et physique, que sa rencontre avec Xi Xia, un bourreau chinois, maître du lingchi, exacerbera dans une hantise malsaine et fatale.
La première phrase du roman donne le ton, assenée de façon brutale. On sait dès lors que ce qui suivra ne peut qu'empirer. Paul Kawczak entremêle à son récit posé dans un contexte historique, la recherche d'un père et de son fils, des amours impossibles et la quête, par ses personnages, d'une société plus équitable. Tout cela, embrumé par les délires opiacés, les affres de la malaria, la touffeur tropicale et le vrombissement des insectes. Un autre titre à ajouter à ma liste Grande Noirceur, gouffre sans fin, dirait-on, de l'infamie humaine.
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Une descente aux Enfers onirique et torturée

Pierre est un jeune géomètre envoyé au Congo Belge pour tracer l'une des frontières qui partageront l'Afrique entre les grandes puissances européennes. Si ce roman débute comme un récit d'aventure historique, mettant en avant l'horreur du colonialisme, il va très vite se transformer en un roman choral où se mêlent le spleen, l'obsession et même la folie de nombreux personnages. « Ténèbre » est autant envoûtant qu'il est dérangeant. D'une violence des plus crues, mêlée à un érotisme pervers, quitte à aller un peu trop dans la surenchère, ce livre n'est pas à mettre entre les mains de tout le monde, mais il reste une expérience assez hallucinante. Et dire qu'il s'agit là d'un premier roman !
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« L'histoire qui suit n'est pas celle des victimes africaines de la colonisation. Celle-ci revient à leurs survivants. L'histoire qui suit est celle d'un suicide blanc dans un monde sans Christ; celle d'un jeune homme oublié dans un labyrinthe de haine et d'aveuglements : l'histoire du démantèlement et de la mutilation de Pierre Claes » (préambule du livre)

Un préambule qui ne peut que titiller un lecteur amateur d'Histoire, de la grande Histoire mais aussi des petites histoires qui font l'Aventure humaine, ou celle de l'humanité. une livre que je n'aurais sans doute pas approché si on ne me l'avait pas prêté.

Un lecteur titillé également par le singulier…d'un mot presque toujours employé au pluriel, mis à part 5 ou six exemples dans la littérature qui contredisent donc la règle.

Un singulier, à l'image du le livre, je l'apprendrai au fil de la lecture.

A moins que ce ne soit le verbe « ténébrer » employé à l'impératif ?…un conseil donné au lecteur, un verbe qui alors veut dire: « Plonger dans les ténèbres ! »…

Et ce fut une plongée pas facile, une plongée dans l'âme des deux personnages principaux, une plongée dans le noir de leurs émotions. le grand Noir ! Un plongée dans le continent Noir, dans l'Afrique….

Dan tous les cas, c'est une lecture pas facile, bien sombre par bien des points !

Pierre Claes a été chargé par le roi Leopold – c'est son roi, car Pierre est belge – chargé de tracer les frontières d'un pays que le roi est en train de coloniser, le Congo.

Chic, alors ! c'est sympa de parcourir un livre d'Histoire coloniale ! Merci pour ce prêt ! Et bien non, ce n'est pas un livre d'Histoire…ou si peu!

Non c'est une plongée, noire, très noire dans l'âme des deux personnages.

Une plongée dans la découpe d'un pays ? Amateurs d'Histoire (avec un grand H), j'ai bien peur que soyez déçus…vous n'y trouverez pas votre compte ou si peu ! Paul Kawczak ne vous en parlera presque pas!

Alors Pierre trace consciencieusement des points sur sa carte, en relevant ces points à partir de la position des étoiles. Il se déplace à pied, en bateau….Bref, il découpe un territoire vierge. Depuis le bateau qui remonte le fleuve, il trace en fait le futur pays de son roi, le futur gateau de son roi!

N'y cherchez pas les réactions des autochtones…..ils n'ont presque pas la parole dans ce texte !

Ignorées ces ethnies, ces tribus qui seront séparées, ignorées les conséquences futures de cette découpe des territoires sur leurs vies…..conséquences encore vécues aujourd'hui, conséquences du colonialisme…Car si on découpait ce gateau, c'était bien pour en profiter…tant pis pour les « nègres », ils n'avaient pas d'importance !….Le caoutchouc, les bois rares etc.. étaient là pour satisfaire les rois. Et pourtant c'est un point, c'est une lecture qui m'aurait ravi! Tant pis pour moi !

« Claes progressait, selon la mesure du Fleur de Bruges, dans les chairs hallucinées d'une nature par sa conscience renouvelée. »

Alors Pierre sur son bateau fait la connaissance de XI Xiao, l'un de ces chinois débarqués depuis leur Chine natale avec tant d'autres chinois chargés, quant à eux, de poser la voie ferrée qui desservira le port par lequel ces richesses quitteront le Congo…vous n'en lirez guère plus. L'Histoire est peu présente.

XI Xiao a de grandes compétences , il est bourreau.

« Je suis bourreau, bourreau c'est un beau métier »…pour parodier la chanson de Pierre Perret.

Sans état d'âme il peut tuer quelqu'un, mais surtout, il est capable de découper un homme, lentement, avec ses couteaux et lancettes aiguisées, et en prenant son plaisir. Presque sans lui faire mal, car il connait tout ce système nerveux, et même en lui donnant du plaisir ou en le faisant hurler de douleur…..C'est selon !

Et Pierre, notre découpeur de pays trouvera cet autre découpeur de chair…sympathisera avec lui…et plus si affinités !

Dans tous les cas leurs découpes laissent des cicatrices ineffaçables…un de leurs points communs…ces mutilations !

Mais je ne vous en dirai pas plus…Le lecteur que je suis a été sur le point de rejeter ce livre, puis il a résisté, il a très apprécié certains points, mais pas tous ! Certains l'ont ennuyé.

En tout cas l'écriture est remarquable, claire, limpide souvent…. mais parfois également hermétique, et souvent noire. « Où va-t-il donc chercher tout ça ? » « Que veut-il dire? »

Des phrases parfois, certes bien écrites mais bien obscures et ceci pendant bien des pages…une obscurité qui donne aussi envie de tout rejeter !

Premier livre d'un auteur, livre très bien écrit, c'est indéniable ! Ce « Ténèbre » ne peut laisser indifférent. Bref, un livre bien singulier !…Tiens mon correcteur vient de me dire : »Oh! tu as fait une erreur sur le mot Ténèbre, tu as oublié le « s », tu es en dehors des règles! »

Osez tenter l'expérience, la différence….difficile, selon moi, de rester indifférent !
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Merci à mes errances babeliotes et aux contributeurs! Je devais être planqué très profond sous une roche pendant le confinement pour être passé à côté de Ténèbre.
Ce livre est un roman d'amours mortifères, d'érotisme baudelairien et de désastres intimes et collectifs.

En 1890, Pierre Claes, frais géomètre de 20 ans est envoyé au Congo pour délimiter les frontières de la terre d'Afrique dévolue à son pays la Belgique, les européens se partageant sans état d'ame l'exploitation des ressources et des populations locales. Il sera secondé par un chinois rencontré sur place, Xi Xiao, expert en tatouages et en dépeçage humain au raffinement presque érotique.

Opératique, excessif, romanesque, hieratique, ambitieux, maladif. Oui oui, j ose. Et encore, j'en passe... la richesse de ce roman est si capiteuse qu on pourrait aligner les qualificatifs encore et encore.
Au fil des deux expéditions et de l'avancée dans le coeur sombre du continent, le récit est contaminé par la violence, le désespoir et la folie, dans des images hallucinées qui ont apparemment perdu quelques lecteurs.
Les corps et le territoire sont incisés à vif, tandis que les blancs se trouvent souvent intoxiqués par la malaria, mais aussi par le spleen et un colonialisme violent (pléonasme), deux pernicieux poisons made in Europe.
Quelques descriptions de corps suppliciés sont propices à vous hérisser le poil même sans être bégueule, l'abondance de poésie morbide n'excluant pas la crudité d une violence proprement organique.

L'ambition est terrible et foisonnante, l'auteur pousse peut-être quelquefois le curseur de la poésie délétère un cran trop loin, mais dans le fleuve grandiose de ce roman étouffant et poisseux, tout en méandres, la beauté du geste et la tenue globale sont à cent coudées au-dessus de tant de robinets d'eau tiède.
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« Ténèbre » de Paul Kawczak. Enfin un roman original. Sombre, vénéneux, exotique.
Pierre Claes est un jeune géomètre belge. Mandaté par le roi Léopold, il part en Afrique pour dessiner les frontières du Congo. le problème c'est qu'on est à la fin du XIXème siècle, et que ce continent se présente à lui dans toute sa grandeur, violence et sauvagerie : les autochtones sont traités comme des bêtes, et les colons sont sans limite. Pierre va y faire bien des rencontres, qui le changeront à jamais…
Ouh la la, difficile de résumer ce livre ! Il emporte avec lui toute une multitude de personnages originaux, et autant d'histoires qui vont avec. Et comme je suis fan du XIXème siècle, bien sûr que j'ai aimé ! L'écriture est très belle, poétique et parfois crue, et dépeint très bien cette ambiance coloniale au doux parfum de jungle, de mort et de malaria. Et dire que c'est un premier roman !
Bref, un livre qui sort du lot !
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On peut aimer ou détester, mais on ne reste pas indifférent! C'est un roman très riche, alors ça risque d'être difficile pour moi de faire court!

C'est d'abord un roman historique, dans lequel événements réels et fictifs se mélangent, qui raconte un voyage dans les terres sauvages de l'Afrique coloniale. Mais la prémisse à ce voyage, la tâche du géomètre chargé de partager le continent entre les différents pays colonisateurs, s'efface rapidement au profit d'une quête mystique, et sa mission se transforme très vite en une espèce de long suicide épique!

Loin du récit de voyage, finalement, le roman constitue plutôt une critique métaphorique de la violence coloniale présentée non pas du point de vue des populations locales, mais plutôt de façon à exposer le caractère autodestructeur de la folie impérialiste de l'Europe blanche du 19e siècle. Personne n'est épargné : les idéalistes sont tués et les cyniques se tuent eux-mêmes!

Les personnages sont torturés, au sens propre comme au figuré! Une longue métaphore, développée tout au long du livre, associe l'idée de charcuter le continent africain à celle de découper les corps, et s'illustre par des descriptions oniriques, symboliques, poétiques et parfois très graphiques, teintées d'un érotisme plus que troublant.

À travers tout ça, des flashback nous transportent en Europe, aux côtés de personnages tels que Verlaine ou Baudelaire, qui nous rappellent toute la décadence de l'époque. Il est aussi question de folie, d'amour perdu et d'abandon paternel – peut-être en analogie à un sentiment d'abandon divin qui, sans être nommé, semble habiter tout le roman.

C'est vraiment très bien écrit et agréable à lire; du point de vue du style, j'entends, parce que l'histoire, elle, est assez glauque! le sujet est intéressant et la façon dont il est traité est originale, mais par moment, j'ai trouvé un peu difficile d'adhérer à l'histoire. Bref, c'est un roman truculent, carrément génial à bien des égards, même si je ne peux pas vraiment affirmer en avoir trouvé la lecture "plaisante"!
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Magique et magistral. C'est une oeuvre vraiment à part, qui ne répond à aucun genre prédéfini. C'est ce genre d'ovni littéraire qui vaut le détour ! Que l'on aime les récits historiques, les thrillers, les polars, les romans mystiques, les romans d'aventure, on saura à coup sûr aimer celui-ci, qui réunit à merveille tous ces genres en un seul… le sien !

C'est l'histoire d'une épopée sur plusieurs générations, qui mêle histoire de l'esclavagisme, envahissement de l'Afrique par les Colons, histoires d'amours singulières et impossibles, aura mystique, physique quantique…

Les personnages sont forts, honorables ou méprisables. C'est un livre qui prend au coeur, aux tripes. Il est cependant très facile à lire, même lorsqu'ils mêlent plusieurs aires en un chapitre, et lorsqu'ils mêlent différentes dimensions. Son aura philosophique est plaisante, presque explicative.

On en sort avec plus de culture, plus d'humanité, plus de grandeur d'esprit, même si ce dernier ne manque pas d'être chamboulé tout au long de la lecture de ce récit extraordinaire.
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Dans l'ombre subtile de Joseph Conrad, au coeur de la ténèbre coloniale du Congo de Léopold, un extraordinaire démantèlement amoureux et métaphorique.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2020/05/31/note-de-lecture-tenebre-paul-kawczak/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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