Dennis Kelly. le dramaturge britannique à la plume acide est l'héritier du théâtre « in yer face ». Ce genre, né dans les années 1990 et porté par
Sarah Kane (
4.48 Psychose), a pour but de choquer le public autant dans le verbe que dans un appareil scénique marqué par la violence. L'écriture est une bombe et la scène en est que l'allumette…
Kelly étant très reconnu outre-Manche, Together est pour moi un premier pas vers la découverte de son univers, tournée vers la sphère domestique.
Dans Girls and Boys, une femme se confiait à quatre spectateurs invités à partager sa table sur sa dernière histoire d'amour, qui se révélait de désamour. Ou on peut encore Orphelins, ce huit-clos familial empreint de tensions sociales et raciales, où la mesure sécuritaire monte à la tête.
Avec Together, l'auteur britannique renoue avec sa source d'inspiration : le foyer et plus particulièrement, le couple. Et qui de mieux pour mettre en scène ses mots qu'une des plus grandes habituées de la patte Kelly, Mélanie Leray (qui avait remporté le
Molière du meilleure seul en scène en 2019 pour Girls and Boys).
Il ne s'agit pas d'une énième dissection de couple mais une à un moment très particulier : l'annonce du premier confinement en mars 2020. La Covid-19 a bousculé nos repères sensitifs en introduisant une nouvelle règle : la vie en vase clos, dans le micro-espace du domicile. Kelly pose les questions suivantes : de ce constat, comment envisager la conjugalité ? Comment exprimer son individualité quand Elle et Lui doivent partager le même espace sans appel d'air ? l'écriture tragi-comique et brute apporte une touche politique et sociale, cet espace qu'ils partagent est politique : ils appartiennent à la classe moyenne supérieure avec un espace domestique approprié pour extérioriser ce qui les hérissent chez l'autre. Elle travaille dans une ONG défendant les droits des réfugiés et se dit de gauche. Il est consultant en informatique et se revendique conservateur à 100%. Leur relation se fonde en partie sur le débat politique nourri, très nourri car contradictoire, à s'engueuler jusqu'à extinction de voix. Ici agit la patte Kelly par la violence des dialogues ainsi que cette interrogation progressive chez le personnage de Elle d'une violence qui serait enfouie en elle (autant viscérale que classiste) que sa vocation lui aurait permis de camoufler. Cette violence s'exprime à travers une histoire de champignons, le deuil d'une mère ou encore s'incarne également par leur fils, Alfred ou Alfie qui développe une curieuse fascination pour la mort et la cruauté (en observant l'agonie d'un oiseau dans le jardin par exemple). Si
Dennis Kelly est britannique, le contexte de l'hôpital public en ruines se transpose aussi bien en France, comme la peur et le deuil des familles.
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http://www.baz-art.org/archi..