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sur 818 notes
Maylis de Kerangal souffle le chaud et le froid sur mon humeur : après la « Naissance d'un pont » qui avait séduit l'ingénieur ensommeillé dans les tréfonds abyssaux de mes méninges, j'avais été déçue par son « Réparer les vivants », cette histoire de coeur sans émotion, froide, clinique. Ici il s'agit d'une histoire avec une vraie héroïne (ou peut-être devrai-je dire anti-héroïne ???) en chair et en os, une fille paumée, Paula, qui quitte le nid familial (douillet mais asphyxiant) et l'appartement parisien de la rue Paradis pour pousser un peu par hasard le monde du trompe-l'oeil, passer de l'autre côté du décor – comme Alice au Pays des Merveilles - et découvrir sa vocation … La métamorphose de Paula en artiste, métamorphose chaotique, tantôt lente tantôt soutenue, est probablement la partie la plus réussie du roman. Métamorphose qui s'apparente fort à un éveil à la vie, au monde qui nous entoure, aux autres. Métamorphose qui imprime ses stigmates sur le corps de Paula.

De Kerangal parle aussi de façon fort intéressante du processus créatif. Enfin …d'un type de processus créatif : l'artiste se nourrit d'abord – consciemment ou inconsciemment – d'images, d'histoires, d'odeurs, puis il digère, s'imprègne, s'imbibe de cet amas informe pour finalement donner forme à une oeuvre personnelle, inattendue, émouvante, peut-être interpellante, voire dérangeante. L'enthousiasme qui s'empare de l'artiste, l'emballement, l'embrasement, ces moments où le passé et le futur disparaissent pour laisser place au présent dans toute sa densité, sont magnifiquement décrits.

La suite du roman, et de la vie de Paula, est beaucoup plus terne : les petits boulots précaires s'enchainent, sans réel reconnaissance, les relations amoureuses qui tiennent plus de l'exercice physique et hygiénique, les chantiers où Paula tait sa créativité, sa personnalité, pour s'effacer devant les oeuvres qu'elle restaure …

Et c'est un peu à l'image du sujet, le trompe-l'oeil, comme si Paula avait goûté à la vie d'artiste pendant ses études pour finalement se laisser rattraper par la réalité, les contingences matérielles. Paula, l'héroïne malheureuse…

L'écriture est originale et - je pense - ne laisse pas indifférent … Profusion de mots, des mots qui sonnent, bondissent, rebondissent et trébuchent dans les oreilles, dans la bouche. Des mots qui ouvrent la porte aux rêveries. Des avalanches de mots, qui s'apparentent parfois plus à des listes de termes techniques, des catalogues de spécialiste, et dont la profusion m'hypnotise … Poésie du quotidien.

Mais si l'histoire est sombre – enfin selon mon point de vue – certains passages sont simplement lumineux. Je pense à la rencontre de l'amie de Paula avec une baleine. Et je pense aussi bien sûr à l'épisode des grottes de Lascaux, et à la dernière image du roman.

Une belle lecture en somme.
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Un roman qui sent la térébenthine, qui explose de couleurs du jaune cadmium, au bleu Ceylan, des trompes l'oeil qui nous emportent dans des mondes antiques. C'est fascinant pour peu qu'on apprécie l'art, et plus particulièrement la peinture.
J'ai adoré suivre PAula de son apprentissage à ses premiers pas de petits chantiers aux grands décors de cinéma. J'ai aimé sa relation avec Jonas, qui forme, se fond et fusionne comme deux âmes soeurs.
C'est une prouesse de nous embarquer tout le long d'un roman avec cette passion de fausser le regard juste avec un pinceau, des couleurs, et beaucoup de talent.
C'est remarquable, palpitant, passionnant. Après on aime ou pas, mais j'ai trouvé original cette idée de sujet pour un roman, ce n'est pas courant, sur pour un métier qui tend à disparaître au profit de l'illusion technologique.
Faire vivre cet art par le biais d'une lecture, c'est aussi nous faire prendre conscience qu'il y a des métiers qui méritent un peu plus de lumière et de reconnaissance.
A lire pour ce qui aime les couleurs qui n'ont pas peur de se tacher, qui ont souvent un pied dans la marge pour mieux admirer un monde à part.
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Madame de Kerangal,
Je viens de finir votre livre et pour tout vous dire, je l'ai trouvé d'une très grande beauté.
Je l'ai commencé un soir alors que j'avais une grosse journée derrière moi. Et dès la première page, je l'ai refermé. Pourquoi ? Parce que cette première page - celle qui décrit Paula descendant l'escalier - je l'ai trouvée tellement parfaite dans cette espèce de mimétisme génial entre ce que l'on nomme communément le fond et la forme que je me devais d'attendre d'être plus reposée pour en apprécier toute la splendeur. Car Paula Karst, on la VOIT dévaler les marches : votre phrase mime si magnifiquement ce mouvement, le long d'un escalier en colimaçon - j'ai vu ça comme ça - qu'on sent jusqu'à l'air qu'elle déplace. Elle est là, à portée de main, elle aussi. Quel magnifique portrait de personnage ! Une page et tout y est.
Et le lendemain, je me suis laissée aller au plaisir, à l'éblouissement. J'avais aimé (j'allais dire, comme tout le monde) Réparer les vivants, mais là, Madame de Kerangal, votre écriture a encore gagné en maturité : vos phrases sont amples, rythmées, sensuelles et généreuses. Elles donnent, se donnent, s'offrent à ceux qui comme moi s'en délectent.
Je ne connais guère d'auteurs contemporains qui aient une plume aussi somptueuse que la vôtre. Je relis peu de livres, sauf quelques « classiques » triés sur le volet, mais le vôtre, je l'ai relu, par gourmandise, et je le relirai encore.
Je parle beaucoup de l'écriture - c'est mon dada - mais si vous le voulez, abordons le sujet que vous avez choisi, il vous va si bien...et je dirai plus loin pourquoi…
Vous devez connaître les jeunes adultes pour en parler comme vous le faites, vous exprimez si bien leurs gestes, leurs mimiques, leurs tics et leurs trucs. Combien de fois je me suis exclamée : « c'est vraiment ça ! », reconnaissant les jeunes qui m'entourent au quotidien. J'avoue aussi m'être projetée dans les haussements de sourcil du père découvrant d'un air toujours un peu étonné les nouvelles inventions de sa fille. En effet, Paula, l'héroïne, décide, après avoir tenté quelques expériences post-bac, de se lancer dans des études d'art, enfin plus exactement de copiste : elle veut apprendre à recopier la nature, à peindre des décors en trompe-l'oeil. Créer l'illusion. Reproduire le réel à la perfection de façon à ce que l'oeil se méprenne, fasse fausse route avant de rétablir la vérité. le marbre cerfontaine, l'écorce du tulipier, l'écaille de la tortue. Paula doit être capable de tout reproduire et il va lui falloir se soumettre à un travail acharné et à une discipline de fer pour atteindre la perfection. En sera-t-elle capable ? Elle s'est inscrite dans une école rue du Métal à Bruxelles et très vite, elle songe à abandonner. Travailler debout pendant des heures en respirant des odeurs de térébenthine : un cauchemar ! C'est son coloc Jonas qui va lui faire comprendre que pour peindre les choses, il ne suffit pas de les voir, il faut les connaître, intimement, les incorporer : « Apprendre à imiter le bois, c'est « faire histoire avec la forêt », « établir une relation », « entrer en rapport ». Il lui faut, pour accéder à l'essence des choses, au coeur de ce qu'elle peint, être sensible à « la vitesse du frêne » à « la mélancolie de l'orme », à « la paresse du saule blanc ». Ce sera pour elle la seule façon d'accéder à ce monde magnifique et de découvrir toute la beauté et la vérité de ce qui est là, à portée de main...
L'art du trompe-l'oeil n'a plus aucun secret pour vous, Madame de Kerangal : vos mots et vos phrases rendent si bien les mouvements, les attitudes, les corps et les matières que l'on s'y tromperait. Vos phrases ont en elles la forme du réel, le rythme du monde et la syntaxe de la vie. Elles nous ont même donné la clef d'un univers auquel nous n'avions pas accès bien qu'il soit là, sous nos yeux. C'est toute la puissance de la littérature, celle de nous permettre de voir, par le biais de la fiction, ce qui est là, près de nous, mais que nous ne voyons pas.
Nous avons besoin qu'un magicien nous ouvre avec ses mots la voie vers ce monde qui est le nôtre.
Merci, Madame de Kerangal, de nous enchanter ainsi !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Passionnant. Brillant.
J'ai été envoûtée par cette écriture si spéciale, emportée par le flot de ses longues phrases magnifiques. Elle emploie des mots justes, forts, au bon moment, au bon endroit.
Au delà de l'écriture, la connaissance de ses sujets est parfaite. Elle sait de quoi elle parle, elle s'est bien et profondément documentée que ce soit sur le trompe-l'oeil, sur la vie des intermittents de l'art, sur Cinecittà, sur le fac-similé de Lascaux IV etc.
Quant au processus de création, elle a bien compris que l'artiste voyait déjà l'oeuvre sous la surface avant de commencer le travail, même un travail de copie.
J'ai été grisée par cette lecture.
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Ouf ! est le premier mot qui m'est venu en achevant cet ouvrage.
J'ai découvert Maylis de Kérangal par ce tout nouveau roman, succès de la rentrée littéraire, et la découverte s'arrêtera malheureusement là.

Maylis de Kérangal manie les mots, les tournures, les figures à la perfection. Son talent d'écriture est indéniable.

Pour ma part, que de difficultés j'ai eu à entrer dans cet univers et à m'imprégner tant le rythme est soutenu, rapide et long à la fois, court mais compliqué. J'ai eu la sensation d'une chanson de rap qui ne se termine jamais, loghorrée sur fond de sample en boucle. A tel point que j'ai failli ne pas arriver au bout.
Un sujet et des personnages pourtant originaux et intéressants, on apprend beaucoup sur la peinture, le matériel, la technique du trompe-l'oeil mais voilà, le mélange des couleurs n'a pas pris et la matière finale laisse l'équivalent d'un monochrome dont on ne sait que faire et que l'on regarde avec des yeux de poisson mort.
C'est peut-être ici que se trouve la réussite, une oeuvre ne plaira pas à tout le monde et tout le monde y trouvera sa propre signification... ou pas ?

Je suis restée de marbre, je passe mon chemin.
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Trouvé dans une boîte à livres, le monde à portée de main m'a permis de renouer avec Maylis de Kerangal que j'avais délaissée depuis Réparer les vivants, et ce furent de belles retrouvailles.
Avec le ton et la langue tout d'abord, une langue puissante, haletante, enveloppante, qui vous happe et vous donne envie de connaître la suite toutes affaires cessantes, avec également un vocabulaire riche, chatoyant, précis et technique, dont les mots roulent comme des cailloux dans un torrent.
Maylis de Kerangal écrit dans l'urgence et son rythme vous entraîne dans le sillage de la jeune Paula Karst qui décide à vingt ans, après deux années décevantes à l'université, d'apprendre la peinture de décors et trompe-l'oeil dans une école à Bruxelles.
L'autrice ne rentre pas dans l'explicitation des motivations de Paula. Celle-ci se lance à corps perdu, tête baissée, dans ce difficile apprentissage, seule, avec opiniâtreté, sans regarder autour d'elle. Elle doit maîtriser ses gestes, ses postures pour éviter les souffrances. Elle se familiarise avec les matières, les essences de bois, les marbres et les pierres.
Après cette période de formation, Paula démarre son expérience professionnelle sur des chantiers en Italie et découvre la magie des studios de cinéma de Cinecittà.
Ce sera enfin, à la fin du livre, la troisième période, à Lascaux, où Paula participe à la duplication des peintures pariétales de la fameuse grotte.
Au travers de ces trois immersions dans le monde de la création, l'autrice nous offre des variations subtiles sur les relations entre la réalité et la fiction, entre la copie, la reproduction et l'art. Elle nous entraîne dans une réflexion sur l'illusion générée par la peinture en trompe-l'oeil et les décors de Cinecittà, qui, bien que faux, doivent être plus réels que la réalité et requièrent un travail approfondi sur cette réalité.
J'oubliais, en filigrane, une émouvante histoire d'amitié entre trois personnages qui évolue au fil des pages et qui vient parachever ce roman dense et envoutant.

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Un livre hybride, pas vraiment dans le roman, pas vraiment dans le documentaire. Bien trop froid à mon goût pour être passionnant, et une lutte à plusieurs reprises pour aller au bout. Désolé Mr Busnel, de vous contredire, ainsi qu'un très grands nombres de libraires à priori puisqu'un bandeau recouvre à présent le livre : "Le livre préféré des libraires", mais j'ai lu des romans de cette rentrée littéraire bien plus impressionnant que celui-ci. D'ailleurs, comment pouvez-vous affirmer qu'il est le meilleur ... parmi les quelques six cents sorties de cette rentrée ? Il me semble humainement impossible que vous les ayez tous lus, mais bon, je dis ça, je dis rien...

J'avais eu un coup de coeur pour son précédent roman "Réparer les vivants". L'écriture ciselée, remarquable, lumineuse de Maylis de Kerangal m'avait emballée. Ici, avec "Un monde à portée de main", ce ne fut pas le cas, vous l'avez compris. Trop décousu. Trop de techniques, de matériaux, de couleurs...énumérés à outrance. Assommant. Trop peu d'émotions. Déçue.

Peut-être suis-je tout simplement passée à côté. Ou le sujet m'a t-il laissée de marbre ;-) ? Ce n'est pas le fait qu'il soit ardu qui m'ait dérangée, mais bien cette absence de sensations, de vertiges, de frissons, de poésie. Enfin, bref, je m'attendais à autre chose qu'un reportage extrêmement précis sur le métier très technique de faussaire, qui ne m'a point embarquée, hélas.
Les médias m'ont vendu du rêve, j'ai été dupée ;-) Ayant adoré "Réparer les vivants" j'aurais très certainement tourné les pages de cet ouvrage. La précipitation de côté, je lui aurais peut-être fait un meilleur accueil.
Allez j'arrête de me justifier... À vous de vous faire votre propre idée.
Offert à ma belle-mère qui aime la peinture. J'espère qu'elle appréciera davantage que moi cette lecture.
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Des personnages qu'on découvre par petites touches, au travers du regard de Paula, quasi alter ego de l'auteure. L'apprentissage d'un art, comme si on était nous même  en formation intensive. Des chantiers plus ou moins grandioses, avec leurs déceptions, leur bonnes surprises ; des lieux historiques vécus par le regard de l'artiste. La découverte d'un métier et d'un milieu, mais sous un angle très humain, des émotions qu'on vit à fleur de peau, par les sens de Paula.
Un roman documentaire vivant, sensuel, coloré, dans une.langue très volubile, un plaisir de lecture.
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J'ai beaucoup aimé ce roman. L'univers, celui des peintres experts en trompe-l'oeil est très original. On en a de plus une description très fouillée et très précise.
J'aime toujours autant le style de l'écrivaine, qui est vraiment singulier. Les personnages sont creusés à l'extrême, ils tiennent debout tout seul, ils existent indépendamment du roman et de son contexte. Ils apparaissent dans toute leur chair et toute leur âme. Finalement, l'intrigue, la trame disparaît et seuls les personnages subsistent. Ils n'existent pas pour leur relation les uns avec les autres, pour leur relation avec un quelconque héros, mais bien pour eux mêmes, dans leur extraordinaire normalité.
Je pense que Maylis de Kerangal est vouée à être l'un des grands auteurs de notre époque, justement pour sa capacité à créer des personnages aussi vrais et aussi puissants.
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Ce livre est un bijou, suite à la lecture de certaines critiques impossible de ne pas tenter quelque chose.. Maylis de Kerangal c'est ...une écriture à mon sens incomparable, c'est ...le sens du détail, la mise en valeur des petites choses, on oublie trop l'importance de la description dans le flot de la littérature et pourtant que c'est bon de prendre son temps avec Maylis de se poser, d'écouter et d'observer l'univers qui nous compose. Il faut prendre son temps effectivement et plus particulièrement dans ce livre magnifique, c'est ressentir les personnages, c'est chuchoter parfois et parfois on a envie au contraire de lire à voix haute.

Lecteur pressé s'abstenir.
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