Lorsque Franck et Helen se rencontrent pas hasard à Londres après vingt-trois années de silence, c'est toute une vie qui revient dans la mémoire d'Helen. Toute une vie au cours de laquelle ils ont été liés par un sentiment trouble, contradictoire mais de son côté, indéfectible. Et Helen ressent à ce moment précis le besoin impérieux de raconter toute cette vie, une vie faite de passion, d'abnégation, de douleur.
Tout au long du récit Helen se remémore sa relation complexe avec Franck. Qui était-il pour elle ? Elle-même a du mal à le définir. Un ami d'enfance, un amant parfois. Et elle ? Sa meilleure amie, sa « servante », celle qui a fait de lui ce qu'il a été, un peintre célèbre. Mais « aucun homme, Franck, n'est un héros pour sa meilleure amie » lui assène-t-elle. Même si elle s'est mariée et a passé quelques années de sa vie à Boston, c'est avec Franck qu'elle a passé la plus grande partie de son existence jusqu'au terrible drame qui a provoqué leur séparation définitive. Que peut-on faire d'un amour jamais partagé ?
L'écriture de
Julia Kerninon est fluide et précise, elle a su donner beaucoup de justesse à la confession émouvante d'Helen. Cet homme aurait pu lui apporter l'amour de toute une vie, mais il n'a rien fait pour cela. Devenu peintre à la carrière éblouissante il s'est révélé antipathique, volage, irrespectueux, irresponsable. Malgré tout cela, la dévotion d'Helen à son égard a été inaltérable. Elle a été critique littéraire, les mots elle les connaît, elle les écrit mais elle n'a jamais su lui dire. Elle qui n'avait pas d'enfant, s'est investie dans l'éducation du fils non désiré de Franck recueilli après la mort de la mère de l'enfant. Mais elle a subi en silence toutes sortes d'humiliation. Aveuglée par l'amour porté à Franck jusqu'à l'anéantissement.
On suit les deux protagonistes à Londres, à Amsterdam, Venise, Boston, la Normandie et Londres à nouveau. Chaque lieu s'inscrit dans une blessure, un souvenir douloureux, un manque, un drame, une tragédie, une rupture…
À travers cette histoire
Julia Kerninon interroge l'héritage familial. Peut-on sortir indemne d'une enfance douloureuse, remplie de haine ou est-on condamné à reproduire le schéma familial comme une sorte de fatalité héréditaire ?
Elle dresse un portrait de femme bouleversant, une femme prise dans un engrenage qui l'entraîne vers une fin inéluctable. Et subtilement, juste à temps, elle donne à Helen la force de dire en face à Franck tout ce qu'elle a tu pendant toutes ces années pour pouvoir se libérer du poids de cet amour dévastateur et trouver enfin l'apaisement.