Dans la famille d'Ottavia, la cuisine était une affaire de femmes jusqu'à ce qu'une arrière-grand-mère cède ses secrets aux hommes. Alors « ses fils étaient tous devenus restaurateurs, et leurs fils après eux« . Les femmes de la lignée n'ont plus cessé d'être en colère parce qu'ils n'avaient pris que la cuisine, négligeant « l'attention, l'énergie inépuisable, la compassion« . Cette révolte s'est transmise à Ottavia qui a été élevée dans ces lieux de silence que sont les cuisines, pris l'habitude de « se faire crier dessus par son père« , puis par Cassio Casae, celui qui avait séduit son père avec la recette de la Sachertorte. Mais Ottavia Selvaggio est une
sauvage comme l'indique son nom de famille, qui fait ce qu'elle décide. À quinze ans, elle « entre en cuisine » contre l'avis de son père, qui l'apprend avec Cassio, le prend comme amant et travaille avec lui pendant dix ans. Elle se marie avec celui qu'elle choisit, Bensch, un critique culinaire à qui elle donne trois enfants qu'elle lui laisse le soin d'élever. Elle donne aussi son nom à son restaurant où elle crée ses propres recettes, s'acharnant à faire « une cuisine qui ne doit rien à personne« . Elle rencontre et se lie à Clem qu'elle va revoir après des longues années d'absence et qui lui donne sa version de ce qui s'est passé entre eux, instillant alors le doute sur la vérité de sa liberté.
À quarante ans, Ottavia est donc cheffe de sa cuisine, a son restaurant à Rome, un énorme savoir-faire, une réputation. Elle est mariée, a trois enfants, a eu un amant et un admirateur. Elle a tout et pourtant il lui manque toujours quelque chose, d'être seule, d'être certaine d'avoir choisi sa vie et non de s'être insérée dans une histoire qui n'est pas la sienne. Ses histoires d'amour sont des histoires de travail, un point sur lequel le roman est documenté et réaliste. Mais peut-on mener de front vie de travail et vie amoureuse et familiale ? Pas évident.
Ottavia ne se conduit pas comme une femme italienne respectant les codes. Il fait ce qu'elle décide de faire, ou plutôt se laisse conduire par sa passion, oubliant égoïstement conjoint et enfants. Son travail harassant de cheffe de cuisine ne lui laisse pas le temps de se poser pour réfléchir et décider de sa vie en toute liberté.
Ottavia est fascinante par sa hardiesse. L'héroïne de
Julia Kerninon nous plonge dans l'ambiance romaine et les cuisines italiennes. Son roman est addictif et se lit facilement. L'écriture élégante et alerte de
Julia Kerninon renvoie vers l'oral, comme si elle avait dicté son texte, ce qui incite à ce qu'on le lise à voix haute (j'ai testé…).
Un roman qui se dévore…
[lu en version numérique]
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