Je crois qu'on appartient aux endroits qu'on aime.
Je ne me lasse pas des peintures chères à mon coeur: les Antilles, la Polynésie et la mer d'Iroise.
Pourtant, je n'ai jamais revendiqué une appartenance quelconque.
Les références ethniques, religieuses, raciales, me déplaisent au plus haut point...
C'est quand l'homme se conduit comme un crétin qu'il est de nulle part et à coup sûr du pays des salauds.
L'homme raisonnable renonce souvent face à la cause qu'il croit perdue. Lui, jamais. J'ai été son coéquipier puis son second pendant huit ans sur tous les océans quand les projets paraissaient insensés et les buts chimériques. Eric n'a jamais été inférieur à son destin. C'était mon maître.
Je n'est jamais été fêté par quiconque à mes retours de voyage. C'est bon pour les hellénistes, cette histoire ! Je ne suis pas Ulysse ! Le seul être qui me fête, c'est mon chien : un labrador à tête de grizzly qui griffe mon plancher de joies en y laissant des sillons de laboureur. Tu parle d'une fête !
Chaque mer est une partition qu'il faut déchiffrer.
Mais surtout je tenais à voir Dachau. Parce que résonnaient en moi les propos chuchotés à la maison sur les atrocités des camps. Je suis allé regarder par moi-même. Et j'en suis revenu bouleversé et définitivement décidé à vivre. J'avais compris que des barbares avaient volé des millions de vies. Un immense choc pour moi et la preuve irréfutable de l'abaissement général de l'homme. [...]
Je ne voulais plus de ces convulsions, de cette Europe marquée par la détestation, « descellée » depuis le traité de Versailles, et tous ces présages d'Apocalypse. Je suis parti balbutiant vers l'aventure et la mer.
(La Polynésie) C'est définitivement un pays sans vanité qui a une conscience profonde du «c'est pas grave», «ça n'a pas d'importance». D'où peut-être, cette indifférence douce aux mouvements du monde qui me bouleverse.
Il y a chez eux la décision commune, raisonnable et culturelle que cela n'a pas d'importance car ils sont loins de toutes les alarmes du globe. Alors que, dans nos mondes, tout a de l'importance, même la rumeur du tramway. Une intoxication à Strasbourg causée par un thon de Boulogne-Sur-Mer mal décongelé va faire l'ouverture du journal télé en Bretagne. [...]
J'aime leur regard mi-clos sur nos troubles, nos curiosités sans importance. Ce n'est pas un manque de curiosité car je les crois bien plus ouverts que nous sur d'autres émotions. J'ai l'impression que c'est justement cette capacité d'indifférence aux gloussements du monde qui est pour moi une vraie supériorité intellectuelle.
Il ne faut jamais perdre de vue que le voyageur est un corps étranger.
(...) je n'ai jamais revendiqué une appartenance quelconque. Les références ethniques, religieuses, raciales, me déplaisent au plus haut point.
Les Antilles,
‘’la Martinique où le désir de parler un français d’une pureté inatteignable pour la métropole est une ambition nationale pour les Antilles. On le voit toujours chez les écrivains antillais. Cette langue qui se maintient grâce à un vocabulaire d’une richesse que je jalouse. Cette langue demeure d’une rare beauté.
Les approches maritimes racontent toujours un monde qui ne serait pas touché par l’homme. J’ai souvent ressenti ça en mer. Cette impression très romantique, tout à fait absurde et tout à fait puissante, que dans ce monde toutes les traces s’effacent.