Batman, tome 9 : The tyrant wing

Ce tome fait suite à Batman Vol. 8: Cold Days (épisodes 51 à 57) qu'il vaut mieux avoir lu avant. Il contient les épisodes 58, l'annuel 3 et le Secret Files 1, initialement parus en 2019.

Batman 58 à 60 : scénario de Tom King, dessins et encrage de Mikel Janín, avec Jorge Fornés pour l'épisode 60, et une mise en couleurs de Jordie Bellaire. - Dans son repaire, ses hommes de main viennent annoncer la mort de Penny à Oswald Cobblepot. Il demande qu'on lui apporte une nouvelle redingote, ainsi qu'un parapluie. Peu de temps après, il est en train d'affronter Batman, armé d'un parapluie à plasma. le combat est bref, et Cobblepot se retrouve vite fait incarcéré à l'asile d'Arkham. Après une douche au jet et s'être rhabillé, il se retrouve devant Bane. Il est libéré peu de temps après. En rentrant à son bar, il est accueilli par ses hommes de main qui lui indiquent qu'ils ne savaient pas ce qu'il souhaitait pour l'enterrement, et que le père de la défunte met parfois le bazar au bar le soir, en cherchant sa fille. Cobblepot indique qu'il souhaite une cérémonie restreinte, avec uniquement les gens qui la connaissaient. Penny Cobblepot est enterrée dans la parcelle à côté de celle réservée pour Oswald Cobblepot quand son tour viendra. Il indique ensuite à son second que Bane estime que Cobblepot et son équipe ont échoué dans l'affaire de Mister Freeze, et de sa condamnation. Il ajoute que Bane ne tolérera pas un second échec. Il passe au concret : il s'agit de punir Bruce Wayne pour le rôle qu'il a joué dans l'acquittement de Victor Fries. Il faut assassiner Alfred Pennyworth. Ce dernier est en train de nettoyer les dents tâchées de sang du dinosaure dans la Batcave, pendant que Batman fait des recherches sur internet. Batman annonce qu'il sort : un nouveau cas dans les meurtres de jeunes femmes avec un abaissement de température au cerveau. Un peu plus tard retentit une alarme prévenant d'une intrusion dans le manoir Wayne

Le tome précédent avait pris le lecteur par surprise avec une sérieuse blessure infligée à l'un des superhéros gravitant autour de Batman, et un Batman toujours aussi violent et agressif. Ça ne va pas en s'arrangeant dans ces épisodes. Il frappe à coup redoublé un détenu d'Arkham, sans défense, ne cherchant pas à rendre les coups ou à se dérober, ce qui n'arrête en rien la pluie de coups. Il maltraite avec sadisme Maxie Zeus (Maximillian Zeus) en le tapant à répétition contre un mur. Il joue à balancer à plusieurs reprises Firefly (Red Carson) par une fenêtre d'un bureau au trentième étage. Il frappe Kite-Man (Charles Brown) jusqu'à faire exploser sa visière dans malgré la supériorité physique écrasante de Batman. Il massacre Signalman (Phillip Cobb), le laissant pisser le sang. Tom King montre un individu violent et brutal, sans retenu, animé par une obsession. le tabassage de ces quatre supercriminels de second plan est illustré par Jorge Fornés avec des dessins dont l'apparence évoque celle des pages de David Mazzuchelli, ajoutant au côté brut et primaire. Indéniablement la narration graphique déclenche l'empathie du lecteur pour ces individus maltraités, brutalisés avec un acharnement dépassant l'entendement. La coupe est pleine et l'effarement est à son comble quand Batman en retourne une, sciemment, à James Gordon.

Le lecteur est un peu décontenancé que ces 3 épisodes s'ouvrent avec Penguin, personnage sans grande importance jusqu'alors dans les épisodes de Tom King. Il découvre également un criminel bafoué dans le tome 2 qui revient sur le devant de la scène. Il n'est pas au bout de ses surprises avec une écriture entremêlant plusieurs fils narratifs. Après quelques pages, Batman repart enquêter sur la série de meurtres pour lesquels Mister Freeze s'était retrouvé devant le juge : ceux de Christi Barnhart, Elizabeth Andrion et Maureen O'Connell. de ce point de vue, le lecteur est satisfait de voir que ce mystère n'est pas passé à la trappe et qu'il finira bien par y avoir une explication. Ensuite, il y a le comportement étrange d'Oswald Cobblepot : visiblement il a perdu quelqu'un de proche, peut-être sa compagne, mais sans qu'elle ne soit présentée, ni les circonstances de son décès. Ensuite, il déclame pour lui-même un poème de William Shakespeare (1564-1616) publié pour la première fois en 1601, vraisemblablement une allégorie sur la mort et sur l'amour parfait : The Phoenix and the Turtle. Ce poème est considéré comme l'une de ses oeuvres les plus obscures, et a généré de nombreuses interprétations. Ici, c'est au lecteur de se livrer à des conjectures, pour mettre les vers en relation avec le deuil de Cobblepot, en ayant à l'esprit que la tortue en question est en fait une tourterelle des bois (Turtledove). Comme à son habitude, Mikel Janín dessine dans un registre descriptif précis et minutieux. le lecteur regarde avec compassion le pauvre Cobblepot se tortiller sous le jet puissant de la douche forcée. Il sourit en voyant comment Alfred Pennyworth a dû s'harnacher pour atteindre les dents du dinosaure. Il frémit en voyant la détresse de Bane sans défense sous les coups de boutoir de Batman. Il est un peu indisposé en voyant comment Alfred donne à manger à Cobblepot. Il mesure tout ce qui attend Batman en voyant le sourire d'un homme salement amoché dans la dernière page de l'épisode 59.

D'un côté, le lecteur grimace un peu en découvrant que ce tome ne contient que 3 épisodes de la série mensuelle ; d'un autre côté il en a pour son argent avec seulement ces trois épisodes. Narration visuelle impeccable, traumatisme de Batman de plus en plus hors de contrôle après le mariage, intrigue retorse, ennemi très réussi. Tom King continue de développer le thème de la faillibilité de Batman, sa finitude humaine, thème initié avec le procès de Victor Fries dans le tome précédent. 5 étoiles.

Secret Files - Histoire 1 : 3 pages par Tom King & Mikel Janín - Batman s'interroge sur ses capacités : est-il suffisant pour lutter contre le crime à Gotham ? En 3 pages, les auteurs mettent Bruce Wayne face à son doute sur son ambition : impeccable. Histoire 2 : 8 pages, Ram V & Jorge Fornés - Un agent de police en hôpital raconte comment il a été sauvé de l'emprise du gaz de Scarecrow par l'intervention de Batman. Les dessins de Jorge Fornés sont toujours aussi efficaces avec ce qu'il faut de noirceur au travers des aplats de noir. Ram V s'attache à un être humain normal qui raconte ce qu'il a souffert du fait du gaz, ce qui donne une bonne idée de ce que Batman réussit à affronter et à surmonter. La chute finale est presque de trop et trop prévisible. Histoire 3 : 8 pages par Cheryl Lynn Eaton & Elena Casagrande - Un individu a réussi à pirater le système de contrôle de drones expérimentaux et s'en sert pour commettre des exécutions sommaires dans un quartier défavorisé de Gotham ; Batman enquête. La scénariste ose ramener Batman dans la rue, pour une enquête sans supercriminel, avec une témoin très affectée. Les dessins sont plus fonctionnels que ceux de Janín et de Fornés. L'histoire manque un peu d'allant pour être mémorable. Histoire 4 : 8 pages, Jordie Bellaire & Jill Thompson. Bruce Wayne a décidé de prendre quelques jours de repos dans une cabane en montagne sous la neige pour s'entraîner au tir à l'arc. Ça fait très bizarre de voir Wayne dans son habit de Batman sans raison apparente, pour une histoire peu convaincante, avec une artiste pas très en forme par rapport à son habitude. Histoire 5 : 8 pages, Tom Taylor & Brad Walker - Bobo T. Chimpanzee n'a pas eu beaucoup de difficultés pour retrouver Batman à Gotham. Il est venu à Gotham pour retrouver le fils d'un ami, fils qui a de mauvaises fréquentations. Taylor & Walker réussissent à faire croire à ce singe doté de conscience, et grand détective, et le lecteur se rend compte qu'il ressent même pour lui une grande empathie, dans une histoire tragique bien tournée.

Annuel 3 : 38 pages, scénario de Tom Taylor, dessins et encrage d'Otto Schmidt - Il y a des années de cela, Alfred Pennyworth fut réveillé dans son lit en pleine nuit par un appel de la police : ses deux employeurs Martha & Thomas Wayne venaient d'être abattus dans une ruelle. Pennyworth s'en fut immédiatement chercher Bruce Wayne encore enfant, sous le choc. Depuis, Alfred Pennyworth est toujours là quand Bruce a besoin de lui, que ce soit pour chercher des renseignements pendant que Batman virevolte d'un gratte-ciel à un autre, pour faire le plein de la batmobile, pour lui préparer un repas facile à consommer en conduisant d'une main, sans oublier de déposer un bonbon à la menthe sur son oreiller chaque soir.

Un numéro annuel qui n'est pas écrit par le scénariste de la série régulière : ça sent le bouche-trou. Malgré tout, Tom Taylor sait faire ressentir le dévouement d'Alfred pour maître Bruce, sans que cela ne ressemble à de l'asservissement volontaire ou inconscient, sans qu'il y ait une forme de condescendance bienveillante de Bruce pour Alfred. Les dessins dégagent une élégance certaine, avec des traits de contour assez fins et élancés, un sens de la mise en scène spectaculaire indéniable, et une sensibilité humanisant Alfred. le lecteur se laisse prendre au jeu de cette facette de l'amitié unissant les deux hommes, mais aussi de leur objectif commun. le récit ne bouleverse pas leur relation, ne la redéfinit pas, mais il lui fait honneur, dans une histoire bien mieux qu'un simple bouche-trou.