Cujo

Incipit

Il était une fois, il n'y a pas si longtemps de cela, un monstre qui vivait à Castle Rock, petite ville du Maine.

L’effet de serre. Le tract affirmait que, vitres fermées, la température dans une voiture garée en plein soleil pouvait atteindre 60 degrés et qu’il était donc cruel et dangereux d’y laisser son petit animal pendant qu’on allait faire des courses ou voir un film au cinéma. Donna émit un faible rire un peu fêlé. Les rôles semblaient inversés, n’est-ce pas ? Le chien avait enfermé les gens à l’intérieur.

c'était un St Bernard de 125 kgs, en pleine santé, au plus fort de sa vigueur et de sa force, qui venait d'être contaminé par le virus de la rage

Il ne comprenait toujours pas les mots, mais l'odeur de L'HOMME avait disparu. Cujo ne savait plus s'il voulait ou non revenir à la charge. Il souffrait, il souffrait tellement, et le monde ne se présentait plus que comme un entrelacs confus de sensations et d'impressions...

Elle s'arrêta sous la véranda, les bras serrés contre elle, essayant de reprendre son calme - son calme, bon sang, son calme - et songeant à quel point il était étonnant qu'on puisse autant souffrir sans être réellement malade physiquement.

"Alors pourquoi?"
La révélation fut submergée par une vague de colère sourde. Pourquoi, c'était bien là une question d'homme. Il fallait sans doute en rechercher l'origine dans le concept de la virilité chez l'homme occidental. Je dois savoir pourquoi tu as fait ça. Comme si elle n'était qu'une simple voiture dont la soupape coincée provoquait des hoquets, ou un robot dont les programmes se seraient emberlificotés et qui servirait du steack au petit déjeuner et du café au lait pour le dîner. N'était-ce pas en fait le sexisme qui conduisaient les femmes à la folie, songea-t-elle soudain. Peut-être. C'était cette exigence impossible des hommes de tout comprendre.

"Assieds-toi. Ton diner va refroidir".

Il réussit à se mettre à quatre pattes, puis, enfonçant ses doigts dans le gravier, parvint à s'agenouiller. Il baissa les yeux et vit qu'un épais tronçon d'intestin grisâtre pendait de sa chemise.

on ne pouvait jamais prévoir le moment où le gentil petit mari se mettrait hors de lui et se préparerait à commettre un acte antisocial. Nombreux étaient ces charmants époux qui gardaient toujours un fusil chez eux.

Il se retourna et aperçut un énorme chien qui surgissait de la grange. Pendant une fraction de seconde, il se demanda bêtement s’il s’agissait véritablement d’un chien, ou bien de quelque étrange et affreuse race de poneys.