La plupart du temps, on observe un certain temps de latence entre la première victime et la suivante : en effet, tuer un être humain, ce n’est pas rien et même si certains d’entre eux ont porté en eux ce fantasme pendant des années avant de passer à l’acte, ils ont tout de même besoin d’un peu de répit pour faire le point. Ils se rendent compte qu’ils ont définitivement basculé, ils sont passés de l’autre côté d’une barrière qu’ils ne pourront plus franchir dans l’autre sens, qu’ils sont devenus des monstres aux yeux de la plupart de leurs contemporains. Une fois qu’ils se sont faits à cette idée, ils recommencent, avec le plus souvent une meilleure maîtrise, de manière moins grossière, moins brouillonne que la première fois. Et ensuite, tout devient de plus en plus facile et ils vont tuer dans des intervalles de plus en plus rapprochés : ils ont acquis l’expérience et cela leur plaît jusqu’à finalement devenir une addiction comme la drogue ou l’alcool et ils ne peuvent plus s’en passer. C’est généralement à ce moment-là qu’ils deviennent imprudents au point parfois de commettre des erreurs qui causeront leur perte.
La voix fait partie des caractères spécifiques à chacun. On ne retrouve jamais deux voix identiques. Et son effet sur les humains n’est plus à prouver. De nombreuses études ont montré que, alors qu’il est encore dans le ventre de sa mère, le fœtus reconnaît déjà sa voix. De même, il n’est pas rare que la voix joue un rôle dans l’attirance physique. Avant l’ère du monde virtuel, le succès du téléphone rose le démontrait très bien. Une voix très féminine, sensuelle, sexy peut déclencher une érection chez un homme alors même que la femme ne se trouve pas physiquement dans la pièce. Et la voix en dit très long sur une personne : elle révèle le sexe, l’âge, le degré d’éducation, la condition sociale, la région d’origine, les émotions ressenties au moment où on parle : si on est stressé ou détendu, de bonne humeur ou contrarié, etc.
Cet instant où l’artiste entre comme en transe, semble quitter notre monde et entrer dans une galaxie supérieure, un endroit auquel le commun des mortels n’a pas accès et se transforme pour devenir un autre, quelqu’un qui aurait saisi les mystères de l’univers qui demeurent impénétrables pour l’homme ordinaire. Cela ne concerne pas que la musique, d’ailleurs, je suis persuadé que les grands peintres, leur pinceau à la main, ou les grands écrivains avec leur plume connaissent de semblables mutations. Ce n’est pas quelque chose qui s’apprend, on l’a en soi ou on ne l’a pas et seul un petit nombre d’élus est touché par cette grâce.
Certains tueurs en série sont passés maîtres dans l’art de jouer un rôle. Ils imitent à merveille l’homme agréable, civilisé, bien intégré à son milieu. Mais au fond d’eux, ils se sentent différents, rejetés, mis à l’écart et à un moment, ils ne le supportent plus et ils basculent. Et leurs voisins et amis racontent par la suite aux journalistes à quel point ils ont été surpris lorsqu’ils ont découvert la véritable personnalité de leur proche, que jamais au grand jamais ils ne l’auraient cru capables de cela.
C’est drôle : Faust, lui, est freiné dans ses intentions suicidaires par le diable qui lui propose un pacte. Moi, dans ma vanité, je m’étais plutôt vu comme une sorte d’ange gardien. Mais si j’avais sauvé une vie ce soir-là, il s’avère que j’en ai condamné trois autres. Car si je l’avais laissé aller jusqu’au bout de ses intentions ce soir-là, toute cette tragédie n’aurait jamais eu lieu