J'évoquerai ici les deux livres de la jungle, et non pas seulement le premier. Contrairement à une idée reçue,
le livre de la jungle est une série de nouvelles dont toutes ne se rapportent pas à l'histoire de Mowgli. La plupart se situent en Inde, mais il y a également deux nouvelles qui se déroulent dans les régions polaires. Elles mettent essentiellement en scène des animaux, mais l'homme n'est pas absent.
J'ai trouvé ces nouvelles de forces assez inégales, avec un second livre clairement plus élaboré que le premier. J'ai apprécié l'inversion entre le monde animal civilisé, régi par la "Loi", et le monde humain barbare, soumis aux passions et aux vices. Ce procédé nous permet de prendre du recul sur nous-mêmes. J'ai appris dans la préface de mon édition qu'un débat avait alors lieu parmi l'intelligentsia aux États-Unis, où vivait l'écrivain à l'époque, sur la question de déterminer si le rôle de l'État était de reproduire l'état de nature ou de l'effacer, ce qui vient conférer une nouvelle dimension à l'oeuvre. Globalement, l'histoire de Mowgli est celle d'un homme qui, tout en refusant sa nature humaine, ne peut s'empêcher de raisonner et d'agir comme tel : il impose sa volonté aux animaux de la jungle, il privilégie la raison à l'instinct, et ne se laisse fasciner par aucun artifice.
J'ai particulièrement aimé les nouvelles suivantes : L'Ankus du Roi, presque une fable ; Service de la Reine, assez amusante ; Les Croque-morts, exemplaire du genre de la nouvelle. Il y a également une très belle dimension épique dans La chasse de Kaa et Chien rouge, et l'ultime nouvelle, La course printanière, est extrêmement poétique.