Une certaine idée de l'apocalypse en montagne. On est sidéré par la folie de tous ces gens qui ont tous chacun leurs raisons d'escalader le toit du monde, entre célébrité, défi personnel, goût du risque ou amour de la grimpe. On est également halluciné par l'inconséquence de certains grimpeurs comme Sandy Pittman qui fait porter à son sherpa des kilos et des kilos de matériel informatique dans la montagne, pour pouvoir continuer de communiquer sur internet à plus de 7000m de haut. Ce qui énerve également est le rapport entre occidentaux et locaux sur place. Certes, personne n'oblige les sherpas à accompagner ces expéditions, mais au final, c'est bien la folie d'occidentaux riches qui a coûté la vie à beaucoup de népalais et tibétains dans la montagne après avoir soit supporté la charge de matériel des premiers ou tout simplement pour être allé les secourir. Sans l'aide précieuse de ces alpinistes de l'ombre, quasiment aucun occidental n'aurait pu se vanter d'avoir atteint le sommet de l'Everest. On est également dégoûté par toute la marchandisation autour de cette montagne entre la compétition entre Chine et Népal à l'époque pour que les départs se fassent de leur pays, la dépendance financière de certains sherpas à ces expéditions (même si cette nouvelle économie a grandement amélioré leur confort sur place) ou bien les dépenses faramineuses en matériel (bouteilles d'oxygène, sauvetage en hélico...) pour permettre à une poignée d'atteindre un pic de montagne. Et au final, malgré quelques actes héroïques et la volonté de beaucoup de sauver son prochain, on est surtout déprimé par le peu de valeur accordé à la vie humaine dans cette atmosphère montagnarde lugubre. Une fois, passé les 8000 mètres, l'organisation du groupe d'alpinistes explose pour laisser place à une survie bien plus égoïste et fataliste.
Écrit par un journaliste, le livre est écrit dans un style direct, simple, factuel.
Jon Krakauer a le mérite d'aller droit au sujet, et de ne pas créer trop de sensationnalisme même si certaines fins de chapitres savent tenir en haleine. Comme dans
Into the Wild, on retrouve les digressions de l'auteur sur d'autres expéditions passées mais surtout sur toutes les autres expéditions présentes. Voulant sûrement être le plus précis possible (on sait dès le début que le livre est un exutoire pour lui), il se perd de temps à autres à nous présenter les membres de plein d'expéditions qui pour certains n'ont pas un grand intérêt dans le drame qui nous est raconté. Et du coup, il faut bien avouer qu'on se perd de temps à autres dans les noms des dizaines et dizaines d'alpinistes présents.
Au-delà de ça,
Tragédie à l'Everest est un témoignage assez incroyable sur la folle attirance des hommes pour la montagne. On ressort du livre avec un mix d'émotions : une admiration pour la performance sportive au-delà de l'imaginable, un respect pour tous ceux qui ont essayé de sauver d'autres alpinistes au cours de l'ascension mais surtout une certaine tristesse de se dire que ce récit se rajoute à la longue pile des histoires qui prouvent que quoi qu'il arrive, les Hommes sont bien des fous.