Encore une grande claque ! de froid, de vent glacial, d'adrénaline et de cerveau quasi privé d'oxygène à partir de 8500 mètres d'altitude : la zone de la mort ...Brrrrr !!!
Ce journaliste est un écrivain ! Cherchant la vérité dans les comportements les plus extrêmes des hommes. Après l'inoubliable, l'infiniment troublant Christopher McCandless d'
Into the Wild, voici les alpinistes d'Into thin Air, le titre américain de ce livre. Vaincu par Tensing Norgay et
Edmund Hillary en 1953 (le Sherpa en premier, pour une fois. Soyons claire, sans eux, pas d'Everest, à l'exception des deux ou trois surhommes qui montent avec la méthode alpine : sans porteurs, tout seuls comme des grands), donc, vaincu en 1953, le mont Everest est devenu un enjeu économique pour le Népal et la Chine. Chaque année, une centaine d'alpinistes, parfois peu ou pas assez entraînés, viennent défier le toit du monde. Ils sont emmenés au sommet par des guides qualifiés et des sherpas, qui portent les affaires, préparent les camps, montent les tentes, mettent les cordes sur les falaises, les glaciers, creusent les marches, disposent les réserves d'oxygène etc...Bref, balisent toute la rando jusqu'au sommet. Sauf que c'est tout sauf une rando. C'est un lieu d'un danger extrême, l'altitude de vol d'un avion en rythme de croisière. Peu d'oxygène, un froid glacial, des vents violents, et une fenêtre d'action pour escalader jusqu'en haut très étroite : après l'hiver, avant la mousson. Soit, en gros, le mois de mai...
En 1996, toute la ville est là. Des Anglais, des Américains, des Sud Africains, des Japonais, un Français, des Suisses en solitaire, j'en passe et des meilleurs, et, bien sûr, tout le monde veut monter au même moment : entre le 8 et le 11 mai. Parmi tout ce beau monde,
John Krakauer, célèbre journaliste d'Outside. Il accompagne pour en faire un article l'expédition menée par le guide chevronné
Bob Hall, et, étant lui-même un très bon grimpeur, il a décidé de tenter lui aussi le sommet.
Le livre est le récit de cette ascension cauchemardesque. Tout s'enchaîne, tout semble se liguer contre les humains à l'assaut du monstre glacé, jusqu'à la catastrophe.
Krakauer écrit sous la pression de sa culpabilité, mais son récit, comme dans
Into the Wild, reste d'une sobriété hypnotique. Des personnages fabuleux, mus par une mélancolie et des ténèbres inexplorés, se dévoilent au fil des pages. Rob Hall,
Scott Fischer, Anatoli Boukreev,
Beck Weathers, Sandy Hill,
John Krakauer lui-même, nul n'est innocent de gravir cette montagne et chacun sait qu'il n'y va pas seulement pour le bon air et manger-bouger.com. Non, s'aventurer dans la zone de la mort a un prix.
C'est donc un récit extraordinaire que nous livre là l'auteur, et tout imprégné de sa propre expérience, de ses propres ténèbres et sa propre folie. Une sombre démence dans un ciel bleu mortel.