Je ne sais pourquoi, Iouri aimait le faire marcher. Il commençait tranquillement, innocent comme tout. Tenez, par exemple :
- Attika, mais pourquoi tu as un tel prénom ? Démodé.
- C'est venu comme ça, répond Attila, et ça grince un peu en lui.
- Comment, comme ça ?
- D'abord, c'était ATI-m. A. Automate de Technologie Intelligente, modèle A. Par abréviation, Atima. Puis on l'a transformé en Attila. Peu à peu.
- Et pourquoi modèle A ?
- Ca signifie initial, A, première lettre de l'alphabet.
- Ah, bon ! On prévoyait d'en construire sur toutes les lettres de l'alphabet, s'amuse Iouri. Toute une compagnie ! Le plus intelligent sur la lettre Z.
Attila baisse la tête sur son cou de caoutchouc nervuré. Puis il dit sans élever la voix, comme si ce n'était pas pour Iouri, mais pour lui-même :
- Il me suffirait d'un seul...
- Pourquoi il se cache dans le wagon ?
- Mais il ne se cache pas. Au contraire. Il a fait tous les bureaux, seulement, partout on le regarde comme un fou
- Pourquoi ?
- T'as vu sa carte d'identité ? De quelle ville il est ?
- D'un truc comme Calbourg... ou Colbourg ?
- Colbourg. Et c'est où ?"
- Avec humeur je haussais les épaules : comme si je connaissais toutes les villes du monde !
- Personne ne sait, dit Iouri, maussade.
- Comment ça ?
- Voilà le hic... Lui non plus ne le sait pas.
- Alors, il est fou. Et toi par la même occasion. Et moi qui voulais lui prêter la machine..."