Une bien belle (et sombre) découverte. Avant toute chose, il s'agit de dark fantasy adulte. Il y a des scènes de torture, de meurtre et de sexe explicites. Voilà, avertissements donnés !
Et ces avertissements donnent le ton du livre mine de rien : un univers sombre où les croyances religieuses se confrontent, où la corruption et la recherche des hérétiques donnent le rythme. Les religions présentées comme l'univers qui y est associé ressemblent fortement à l'Italie catholique. C'est une inspiration librement reconnue et qui est à double-tranchant : certains signes, certaines titres données, l'architecture, les arts, l'histoire… peuvent être familiers. D'un autre côté, cette inspiration peut sembler trop présente si on souhaite de la pure fantasy au monde complètement inventé. Mais rassurez-vous, l'une de essences de ce genre, la magie, y a une place élémentaire. Les épées enflammées des soldats Luminatii, les ombres de Mia, les étonnants secrets de l'Église Rouge… Différents types de magie aux mains de différentes factions, aux origines mystérieuses et divines… Ne craignez pas le manichéisme !
Le world-building est conséquent, mais n'étouffe pas non plus le scénario. Ça pourrait pourtant arriver, tant on pressent la densité de l'univers de Nevernight. À savoir que pas mal d'anecdotes participant à la construction de l'univers sont mentionnées en notes de bas de page. Oui, je crois que, qui dit "Kristoff" dit "originalité" à un moment donné. Pour Nevernight, ce sont les notes de base de page. Au début, c'est assez déroutant, mais on finit par s'habituer à leur présence. Et pour ma part, concernant leur utilité, je suis mitigée. Je les ai toutes lues (certaines un peu en diagonale je reconnais) mais 75% n'ont aucune profonde utilité pour le scénario et d'éventuels indices. Je les ai toutes lues, car, au début, certaines donnaient des clés de compréhension de l'univers, d'autres des indices pour des trames scénaristiques des tomes à venir. Bref, j'avais peur de passer à côté d'une info utile. Mais en fin de compte, il s'agit essentiellement d'anecdotes loufoques sur des personnages, l'histoire et la géographie de l'univers. Alors quand on lit 20 lignes de notes qui nous coupent dans notre lecture pour en tirer pas grand-chose, ça peut être frustrant.
Revenons à l'univers. Malgré ses influences très italiennes, très européennes sur plusieurs points (avec quand même une logique géo-historique d'Océanie, continent d'origine de Kristoff), on est plongés dans un monde assez éloigné, très sombre et créatif par divers points. le premier (et qui est à l'origine des mythes de Nevernight) est la présence de trois soleils dans le ciel de l'univers. Des soleils aux révolutions bien différentes qui plongent leur terre dans un jour presque perpétuel. La véritable nuit, la Vraienuit, qui n'arrive qu'une fois tous les quatre ans. Bref, côté world-building et pertinence des mythes, des oppositions entre peuples et croyances… on est servis et on y croit.
Attaquons le scénario. Sincèrement, même si l'histoire de Nevernight est intéressante et riche de surprises, le scénario dans son essence reste simple et accessible. On est sur du roman d'apprentissage, avec une école pour assassins, une espèce de confrérie secrète du meurtre… Vous voyez l'idée. Je pense que le scénario pourrait se révéler moins linéaire et plus surprenant dans les tomes à venir. N'empêche que ce tome 1 est très ambiancé. Ambiance de jour perpétuel, de Vrainuit à venir, de complots et assassinats dans les ombres…
Pour les personnages… J'aime beaucoup Mia même si, sincèrement, j'ai encore beaucoup de mal à la cerner. J'ai cette impression de rythme dissonant chez elle : on la présente comme un personnage historique-clé de son monde, qui changera pour de bon l'histoire de son pays (c'est dit dès les 1e pages, je spoile rien). On la présente comme étant ultra-déterminée, représentante de la Vraienuit, des secrets murmurant dans l'obscurité, capable d'accomplir des choses très difficiles pour parvenir à son but… Pourtant, tout au long du livre, on nous montre aussi les propres limites qu'elle s'impose, on la voit échouer face à certains obstacles. Alors, évidemment, ça participe à la rendre plus humaine, accessible, imparfaite. Mais ça m'a aussi donné une impression de pétard mouillé. Même les autres personnages affirmaient qu'elle était plus douce que prévu. Alors, forcément, ça m'a un peu perdue et laissée perplexe. Ah et j'ai trouvé que Mia aurait rien perdu à avoir 2 ans de plus. J'ai senti un trop gros décalage entre son âge (16 ans) et ses façons d'agir/penser. C'est parfois un peu limite d'écrire un perso de 16 ans et de la faire agir comme elle le fait (je pense surtout aux scènes de sexe explicite qui peuvent secouer, pas franchement crédibles par ailleurs).
Concernant Tric… meh. Malgré tout ce qu'on a vu de ce perso… je l'aime beaucoup, en vrai, mais… meh. Je peux pas développer sans spoiler et je mets pas de spoilers dans mes critiques alors tant pis. Mais là aussi ce perso s'est fait souiller, à mon avis.
En vrai ça peut paraître bizarre, mais… C'est Ash que j'ai préférée. Car c'est celle qui m'a paru crédible, bien construite et agréablement surprenante de A à Z. Pour Cassius… mdr pas du tout mon genre de perso ces dark-boi absolus. Intéressant, mystérieux, mais… pas grand-chose derrière ?
Y'a plein d'autres personnages et j'ai pas forcément le temps de m'attarder dessus. Je déplore un peu le manque de nuances chez les antagonistes et certains points de caractères dissonants chez les protagonistes. J'espère plus de surprises concernant les persos dans la suite aussi.
Au passage, je suis pas fan de tous les messages passés. On est évidemment dans un roman qui parle de vengeance, de meurtre… Il y a de sympathiques prises de partie (relations homosexuelles, personnages féminins forts, diversité culturelle), mais y'en a d'autres qui m'ont laissé mitigée. La poursuite de la perfection physique en faisant partie. Pour des assassins. Vraiment ? Alors il y a certaines explications, mais j'ai été qu'à moitié convaincue.
Pour les questions de racisme soulevés autour de Nevernight, je sais pas si c'est la traduction ou quoi, mais je n'ai pas retrouvé les tournures de phrases associées au racisme (à l'encontre d'un peuple insulaire de l'univers qui fait évidemment penser aux peuples autochtones d'Océanie en raison de leurs tatouages faciaux (sans pour autant en être la représentation, encore une fois, attention…). Il y a effectivement des clichés apportés sur ce peuple (violeurs notamment) mais des clichés qui ne sont JAMAIS confirmés et même INFIRMÉS. On croise dès le début un équipage du peuple insulaire et ils sont justement bien plus respectables et honorables que leur passagers continentaux. 2e exemple : Mia a l'apriori qu'un perso mentionné (insulaire) est un violeur (elle ne connaît pas encore la fin de l'histoire évidemment) alors qu'il s'agit au contraire d'un continental violeur (et l'insulaire la victime). Alors au contraire, tous les aprioris des personnages continentaux sur leurs voisins insulaires sont retournés et invalidés. Alors à voir les tomes suivants après !
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