La vie est plus vaste que ce que j'en vois. La vie est plus forte que ce que j'en perçois. La vie est bien supérieure à la piètre interprétation que j'en fais. Que ce soit dans le bonheur ou dans le malheur.
Et c'est parfait comme ça.
Le temps fait une sorte de ménage dans les souvenirs, on oublie ce qui déchire, ce qui écrase de peine, et on arrange sa vie pour avoir un peu d'anesthésie.
L'autre fois, c'est il y a quinze ans, à la mort de Sylvain. Voilà ce qu'elle voulait: qu'un vivant exige de faire reculer la mort. Qu'un vivant remplisse le trou béant que creuse la mort. (...)
Mais je savais que c'était faux. Que tout ne serait pas comme avant. Malgré nos efforts, malgré l'eau de Javel, nos morts finissent par s'imposer. Surtout si on les fuit, surtout si on les nie. (p. 483-484)
Qu'est-ce que la sexualité quand on n'a plus rien à dire, à rêver ou à être ? Rien. Ou si peu. De la musique pour une scène vide. (p. 416)
La vie est plus vaste que ce que j’en vois. La vie est plus forte que tout ce que je perçois. La vie est bien supérieure à la piètre interprétation que j’en fais. Que ce soit dans le bonheur ou dans le malheur. Et c’est parfait comme ça.
« La mort de quelqu’un qu’on aime, ça nous oblige à considérer comment on vit. À quel prix, à quel renoncement on consent. » (p. 148)
Parfois, j'ai l'impression qu'un sabre puissant a fendu mon corps en deux. Chaque partie palpite mais aucune n'est vraiment vivante.
On cherche, on s'accable, on pose mille questions, on rejette toute réponse. On voudrait tellement être autre chose que cet impuissant livré à la violence. Parce que c'est d'une telle violence. Parce que c'est inhumain, d'une atrocité innommable. Penser une seconde qu'on aurait pu faire quelque chose pour empêcher le désastre, et les portes de l'enfer s'ouvrent. Et on s'engouffre dans les mille pourquoi qui ne mènent qu'au refus que cette mort nous crache au coeur. Comme si mon fils me hurlait "Tu n'y pouvait rien, tu n'étais pas assez pour me retenir, je choisis ma solution, celle qui t'exclut à jamais, celle qui te nie, celle qui te tueras beaucoup plus lentement et sûrement que ta propre mort."
Mon cœur aura toujours cet espoir insensé de retrouver Sylvain, de le prendre de nouveau dans mes bras et de lui présenter ma vie. Ceux qui ont suivi, les jours, les nuits qui ont suivi le jour terrible de sa mort. Ces jours et ces nuits que j'ai commencé par haïr, pour ensuite apprendre à les vivre. Et ce ne sera pas pour lui dire ce qu'il a manqué. Ce sera pour témoigner que je suis resté, que j'ai vécu et que j'ai essayé d'honorer la vie et non pas la mort.
Que j'ai donné sa chance à la vie. Ma vie. Qui est pleine de sa courte vie à lui, de sa perte, mais aussi des autres vies.
À ses yeux, je ne suis pas vieux, je suis quelqu'un qu'elle désire. Et si je veux savoir pour combien de temps, elle ne peut rien me répondre. Ou me promettre. Parce qu'elle sait que le temps est volatil. Que tout peut arriver et qu'elle n'a aucun contrôle là-dessus. Aucun. Elle peut mourir demain et je peux vivre encore vingt ans. Ou l'inverse. Elle peut m'aimer maintenant et ne plus pouvoir m'aimer dans six mois. Ou m'aimer pour toujours "peu importe ce que "toujours" contient d'années".