"Défiez-vous des histoires simples "
Patricia Hearst, l'héritière du richissime magnat d'une presse sevile, élevée dans les meilleures institutions américaines, est enlevée par un groupe révolutionnaire. En quelques jours, elle adhère à leur cause, revendique le droit pour tous à manger à sa faim, quitte à recourir à des méthodes violentes.
Manipulée, droguée, terrorisée? ou simplement révélée à elle-même comme une photo dan le bac de développement, parce qu'"elle a vu l'envers de l'Amérique"? Pour elle, n'est-ce pas "un deus ex machina providentiel vêtu de treillis militaire ?"
C'est ce que s'activent à dénouer trois femmes, se passant avec passion le relais entre 1975 et aujourd'hui, portant chacune en elle sa forme et sa méthode de rébellion : Gene Neveva, la chercheuse Américaine ancienne activiste, Violaine, son assistante anorexique et -croit-on- candide, et, des années plus tard, bouclant la boucle, la narratrice inommée.
Cela donne un curieux roman très élaboré, un édifice tout à la fois déroutant et magistral de maîtrise. On peine au début à se glisser dans le récit du fait d'un fouillis initial volontairement orchestré, mais surtout du choix narratif, les personnages sont "je", "elle" et "vous" et cela déconcerte dans les premières pages, et même parfois au-delà, rendant la lecture parfois ardue. Mais ce choix se justifie pleinement quand on avance en lecture, instituant une hiérarchie de respect entre les protagonistes.
Quant au propos, son intérêt est sa grande fluidité.
Pas de chronologie détaillée, mais une analyse rétrospective des archives, textes, radio-cassettes, films pour en tirer la moelle cruciale.
Pas d'apologie du terrorisme, simplement une mise à plat de ce qui peut y mener, ou à toute rébellion quelle qu'elle soit. Ce questionnement: qu'est ce qui fait que dans une société de jeunes blanches bourgeoises font le choix d'adopter la tribu indienne qui les a enlevées (Mercy et Mary), de partager la cause d'un groupuscule terroriste (Patty), ou de partir au Jihad… Car plus qu' encore plus que des actes, c'est sans doute des motivations de ces "âmes flottantes", "identités mouvantes" » qu'il faut trouver le sens. le rôle des rencontres qui permettent les choix et les refus.
Pas de leçons, pas de conclusions définitives, pas de raccourcis réducteurs, mais une réelle attention à la détresse que cela exprime, une détermination farouche à ne pas tomber dans le manichéisme, à débusquer l'ambiguïté et la complexité des choses, une pensée intelligemment subversive.
Mercy, Mary, Patty est un hommage à toutes celles qui ont eu le courage de ne pas suivre le chemin tracé, une analyse, indépante de toute naïveté, des accomplissements et des errements que cela implique, une belle incitation à s'indigner.