Dans le butô on retrouve également la remise en cause spatiale de la séparation entre la scène et la salle afin de mieux pouvoir toucher physiquement le spectateur : beaucoup de spectacles de butô prennent place dans d'autres lieux qu'un théâtre. De nombreux danseurs insistent pour que le public ait une approche sensitive et non intellectuelle du spectacle, en dehors de quoi le spectateur demeurera profondément hermétique. Afin de le rendre actif, et de lui faire sentir sa participation, Carlotta Ikeda regarde parfois le public directement dans les yeux. Terayama Shûji, quant à lui, radicalise cette position en créant « une pièce invisible pour un espace théâtral pur, où il laisse le public dans le noir pendant toute la durée du spectacle ». Dans une autre de ses pièces, il alterne noirs et lueurs produites par une allumette, et demande aux spectateurs : « Regardez avec votre corps, en fermant les yeux ». Il semble par conséquent que l'intention soit similaire chez Artaud et dans le butô, à savoir, créer un langage du corps, pour le corps. (p. 47)
Enfin, le travail sensitif permet au danseur de dépasser l'appréhension rationnelle. Terayama Shûji, par exemple, impose à ses danseurs un entraînement quotidien d'une durée de quatre heures dans le noir, pour aiguiser la qualité sensitive. De nombreux danseurs privilégient les improvisations longues, comme Kazuo Ôno ou Magy Ganiko, dont l'objectif est de laisser parler le corps, et de tenter de perdre le contrôle de l'intellect sur les mouvements. (pp. 75-76)