Au commencement Jacopo aspira principalement à l'élévation du style , et quelques-unes de ses peintures qui existent encore sur la façade de la maison de Michieli, semblent annoncer d'heureuses dispositions dans ce genre. On y admire entre autres choses un Samson qui tue les Philistins. Les figures ont quelque chose de la grandeur imposante de Michel-Ange ; mais , soit que la nature ou son propre jugement lui en eût donné le conseil , il se borna ensuite aux petites proportions , et aux sujets qui exigent moins de force. Ses figures, même dans les tableaux d'autel , sont ordinairement beaucoup plus petites que nature, et ne sont jamais fort animées. C'est ce qui a fait dire que les vieillards mêmes sont pleins d'esprit chez le Tintoret ; et que chez le Bassano, les jeunes gens mêmes sont stupides. On n'observe point dans ses tableaux ces beaux monuments d'architecture qui donnent tant de noblesse et de grandeur aux compositions de l'école vénitienne.
C'est ici que commence le beau siècle de l'école vénitienne. Ainsi que toutes les autres elle vit paraître ses plus grands maîtres vers l'an 1500 ; et ces génies d'un ordre supérieur, non-seulement éclipsèrent tous ceux qui les avaient précédés, mais ôtèrent encore à leurs successeurs l'espoir de jamais les atteindre. Ils arrivèrent par des chemins divers au faîte de la gloire : néanmoins tous s'accordèrent en ce point, que leur coloris fut le plus vrai, le plus brillant, le plus applaudi de tous ceux que l'on distingue dans nos écoles; mérite qu'ils léguèrent en héritage aux peintres qui les remplacèrent, et qui constitue le caractère le plus décidé des maîtres vénitiens.
Le Correggio commença un peu plus tard à devenir à son tour le modèle favori de l'école modenaise. Elle le reconnaît encore aujourd'hui pour le plus grand de ses maîtres, et conserve son crâne dans l'académie qui à été rétablie avec magnificence dans ces derniers temps, à l'exemple de celle de Rome.
Les noms, ainsi que les ouvrages des peintres vénitiens, commencent à figurer après l'année 1300, époque pendant laquelle, soit par les exemples de Giotto, soit par leur propre industrie, les artistes de la ville et de l'État vénitien parvinrent à améliorer et à ennoblir leur manière.