L'affaire Rose Salomon

Je veux me lancer dans le journalisme sans connaître les bases. Bon sang ! Je n’ai même pas pensé à me renseigner sur le Net. Je suis nulle de chez nulle. Marc avait tort. Je ne suis qu’un oisillon, c’est vrai. Mais sans cervelle. Un pois chiche dans la tête. Adieu, mon scoop et ma chance d’avoir ce poste.

J’ai hésité à prendre cette affaire. Il n’est pas bon d’enquêter sur des personnes proches de vous. Je lui ai conseillé d’aller voir un de mes collègues. Mais, elle a insisté en jouant sur notre amitié et en me flattant sur la pugnacité dont je faisais preuve dans mon travail d’investigation… De vous à moi, j’étais ravi d’avoir ce travail. Malgré mes heures de service, les gars qui se retrouvent à neuf mois de la retraite sont cantonnés par la direction dans la paperasse, à former la relève ou dans des missions sans importance.

Le miroir lui renvoya un visage fin encadré par une longue chevelure blonde. Des cernes ombraient ses yeux noisette. Tu réfléchis beaucoup trop, ma pauvre fille ! se dit-elle en prenant le sèche-cheveux. Dix minutes plus tard, elle fila s’habiller dans la chambre. Allison dut resserrer d’un cran la ceinture pour faire tenir son jean. Elle avait encore maigri. Tant de choses ont changé ces deux dernières années. Ai-je fait le bon choix ? se demanda-t-elle pour la énième fois.

C’est un vieux de la vieille, comme moi. Il regrette l’époque de la French Connection. La nouvelle génération de la police l’agace et les directives de ses supérieurs aussi. Il dit qu’il est trop vieux pour changer. Il est à quelques jours de la retraite. Il a un dossier qu’il n’a jamais pu boucler. Il tient à te le remettre en mains propres. Il t’attend demain pour 8 heures dans le café de Luigi. Tu sais, là où nous sommes allés fêter l’anniversaire d’Édith.

Plus de quarante ans que je pratique ce putain de métier. Quarante années à y mettre toutes mes tripes. Des heures à n’en plus finir, car je m’investissais dans des missions de surveillance, de pistage et bien d’autres choses encore. Tout ça a fait que je n’ai pas vu grandir mes deux filles. Elles se sont mariées et ont eu chacune un gamin. Malgré mes sautes d’humeur, mes absences et mes infidélités, ma femme m’a porté et aimé pendant toutes ces années.