Contrairement à la route, le chemin est un appel à la lenteur et non à la vitesse, à la rêverie et non à la vigilance, à la flânerie et non à l'utilité d'un parcours à accomplir, il procure la confiance et non la menace
Marcher c'est avoir les pieds sur terre au sens physique et moral du terme, c'est-à-dire de plain-pied dans son existence.
La marche est inutile comme toutes les activités essentielles. Superflue et gratuite, elle ne mène à rien sinon à soi-même après d’innombrables détours.
Comme tout homme, le marcheur ne se suffit pas à lui-même, il cherche sur les sentiers ce qui lui manque, mais ce qui lui manque est ce qui fait sa ferveur. Il espère à chaque instant trouver ce qui alimente sa quête.
La marche est inutile comme toutes les activités essentielles. Superflue et gratuite, elle ne mène à rien sinon à soi-même après d'innombrables détours." (p 31)
"Bien que les pieds de l'homme n'occupent qu'un petit coin de terre, c'est par tout l'espace qu'ils n'occupent pas que l'homme peut marcher sur la terre immense." (Tchouang-Tseu)(p 37)
"Un marcheur est un homme ou une femme qui se sent passionnément vivant et n'oublie jamais que la condition humaine est d'abord une condition corporelle, et que la jouissance du monde est celle de la chair, et d'une possibilité de se mouvoir, de s'extraire de ses racines." (p 51)
"Et parfois une heure seulement dans la forêt ou dans la ville, près de la mer ou sur les collines, suffit à emmener infiniment loin, et pourtant au coeur de soi, et aboutir au retour au sentiment d'y voir plus clair, d'avoir élagué bien des tracas."(p 155)
Pour les urbains, ne pas rater les idées de Pérec pour transformer une promenade en ville...(p 123)
Les bancs sont aussi des oasis, lieux de repos et de rassemblement de soi après la satisfaction des sens. Mais ils se font rares, et souvent dissuasifs quand des barres les divisent pour empêcher les sans-domicile de s’y reposer. Nous vivons ce monde singulier où des trésors d’ingéniosité sont dépensés pour empêcher des hommes ou des femmes de jouir d’un moment de paix sans nuire à personne.
Le monde n’existe pas en dehors du regard porté sur lui.
La marche procure une distance propice avec le monde, une disponibilité à l'instant, plonge dans un état diffus de méditation, sollicite une pleine sensorialité.
Marcher c’est habiter l’instant et ne pas voir le monde au-delà de l’heure qui vient.
« Que d’heures passées à écraser les absinthes, à caresser les ruines, à tenter d’accorder ma respiration aux soupirs tumultueux du monde ! Enfoncé parmi les odeurs sauvages et les concerts d’insectes somnolents, j’ouvre les yeux et mon cœur à la grandeur insoutenable de ce ciel gorgé de chaleur. »
Camus- 'Noces"- 1959.