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Gérard Le Goff (Autre)
EAN : 9782368686355
178 pages
Stellamaris (10/05/2020)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Trajectoires tronquées

Nouvelles

Dix nouvelles. Dix histoires. Dix parcours interrompus. Souvent de façon imprévisible. Parfois de manière brutale. Toujours chaotiques.
Après avoir lu ces récits, peut-être éprouverez-vous une appréhension incontrôlable quand vous garerez votre véhicule dans un parking souterrain ? Assisterez-vous encore à un spectacle de cirque avec votre regard habituel ? Allez-vous redouter votre prochain somme... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Trajectoires tronquées de Gérard le Goff
nouvelles, 177 p., Éd. Stellamaris, Brest, 2020


De manière étonnante, le poète Gérard le Goff, dont on connaît les poèmes de haute tenue, affirme ici une plume de prosateur. Ce qui ne va pas nécessairement de soi. Ces dix nouvelles vont nous entraîner dans un monde onirique, voire fantastique. le récit, souvent à la première personne, nous tient en haleine et permet une sorte de complicité, de pacte, entre le lecteur et le narrateur. Des points d'interrogation invitent à découvrir d'autres enchaînements, d'autres mystères. le titre du livre. Trajectoires tronquées, est également justifié par le fait que ces histoires étranges, voire cauchemardesques, finissent volontairement par une sorte d'inachevé, d'ouverture vers une suite improbable, comme si elles allaient continuer leur vie propre. Comme si le rêve allait rebondir dans un prochain épisode.

Vous avez dit "poète" ? L'on remarque bien que le Goff, dont le style est tout à fait cohérent et maîtrisé, est un amateur de mots : une closerie, une songerie, un caboulot, un bouge, un loufiat, le fourniment. Non, ce ne sont pas des inventions à la Guy des Cars, mais des termes dormants que l'on trouve dans les dictionnaires. Charme d'une écriture tout à fait rigoureuse mais riche et imaginative. Certaines références visuelles nous entraînent dans un univers impressionniste qui nous fait penser au Grand Meaulnes d'Alain-Fournier. L'harmonie et la sérénité de cette nature, sous un soleil souverain, se révélaient avec une évidence telle que le frisson consenti par le promeneur s'accordait à son pouls, son coeur aux battements sourds de la sève, l'haleine du monde à son souffle. Les vivaces et les arbrisseaux sauvages avaient ici imposé leur suprématie depuis longtemps. C'était un feu d'artifice de gerbes et de corolles jaunes, rouges, bleues, compliquées de gradations que l'on ne retrouvait pas dans un cercle chromatique. S'ajoutaient à ces gouaches vives les savants découpages des feuilles, le port altier des tiges et des hampes, les fragrances flottant dans les ondulations de la brise, les froissements des élytres de tout un peuple invisible, les enluminures volantes de papillons (p.123) Quelle plume !

Le ton a un rien de précieux, à l'époque du laisser aller en écriture. Néanmoins, le rythme est souvent syncopé : Je cherche ma respiration, craignant que mes jambes me trahissent, se dérobent. Ne pas tomber. Ne pas sombrer dans ce remugle. Avancer, mettre de la distance. Bientôt, les édifices s'espacent, s'estompent dans le sillage de ma fuite éperdue. Et ce que je crois être le ciel s'ouvre (p.54). Les dialogues tout à fait dépouillés, voire rudes ou cinglants, une coexistence subtile du vraisemblable et de l'invraisemblable ainsi que le parfait déroulement du suspens (qui nous remémorent la romancière Joëlle Stagoll dans Rira aux larmes ou dans Anka) confèrent à l'ensemble une redoutable modernité.

Certaines pulsions (le clown haï) et distorsions de l'âme (dans le gardien ou dans le cloître, par exemple), maintes hallucinations ou perceptions étranges nous ramènent également aux descriptions cliniques du neuro-psychologue Oliver Sacks, auteur de L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau.

Avec son scalpel, Gérard le Goff nous promène ainsi dans un monde (le sien, le nôtre : n'avons-nous tous l'expérience de la folie dans notre processus onirique ?) tout à la fois magique et merveilleux, à mi-chemin entre le conte fantastique et certains errements de la personne humaine.


Claude LUEZIOR
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Alors se lève un vent au parfum suave et chaud de muscade et de cumin. L’éclairage, si violent il y a peu, décroît jusqu’à acquérir la consistance diaphane d’une aube caressant les dunes d’un désert que je ne saurais jamais situer sur une carte.
Cette clarté apaisante baigne une scène inattendue. Lors de ma visite initiale, je fus surpris de découvrir l’existence d’un marché oriental. Je me suis depuis habitué. On peut le contempler après avoir dépassé une rangée de gourbis érodés, dont l’ocre des murs peine à rutiler comme un vieil or. Des levantins, vêtus de longues robes rayées, s’activent derrière des étals chargés de fruits, tandis que d’autres se tiennent immobiles devant de hautes jarres pleines d’olives. Des femmes restent assises un peu à l’écart de batteries de poteries regorgeant de poudres colorées.
Les denrées sont abondantes. Une eau pure est abordable à la margelle d’un puits ancestral. Des palmiers, plantés autour du cercle de l’oasis, offrent leur ombre. Quelques tentes, érigées çà et là à proximité de la relative fraîcheur de la mare, laissent béant le panneau de leur entrée afin que l’on puisse admirer ou envier les coussins brodés et les couches confortables qui jonchent de larges tapis déroulés.
Les marchands se perdent en d’infinies palabres pour vanter la qualité et le prix de leur safran, de leur cannelle ou de leurs oranges, mais aucun client n’arpente ces travées parfumées. Personne ne flâne au long de cet espace enchanteur.
Ils sont les Venteux. Je peux les voir mais demeure invisible à leurs yeux. Toute leur existence est composée de souffles et d’échos. Ils ont erré trop longtemps. Le mirage de leur caravane sombra avec le soleil d’un seul soir dans un fleuve si profond qu’il effraie les mages. Ils n’ont pas su ou pu se préserver du pouvoir du sable avec quoi l’on fait le verre des miroirs. Retenus à l’envers de ceux-ci, revenir sur leurs pas s’avère pour eux chose impossible. Aucun erg ne conserve leurs traces mouvantes. Ils sont les Venteux, je le sais. Un vieillard m’enseigna leur histoire. A mon arrivée, lové dans un tissu blanc, il somnolait au pied du mausolée de terre sèche situé à l’entrée du marché. A moins que ce ne fut une ombre murmurante.
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