Elle parcourait l’immensité…
Elle parcourait l’immensité. Toute l’immensité. Celle
des forêts et des plaines désertes. Celle du cœur et celle de
l’âme. Parfois, elle oubliait sa solitude caressant le tronc.
d’un arbre jeune et frêle. Parfois elle se cognait à la plus
dure loi. Ce qui heurtait le pas musical de la bête avec
laquelle elle faisait corps ressemblait à la ronce des voyelles.
C’était un goût âpre sous la langue à mystère. On ne
pouvait que s’y prendre la gorge et éructer. Elle parvenait
toujours à s’en extraire. Elle retournait aux vierges contrées
où le chant est comme l’éveil enthousiaste du jour sur la
blancheur des nénuphars. L’éclat du son encourageait au
galop. Il rythmait le paysage jusqu’à la dénudation. Elle
pouvait y lire la douceur évanescente des senteurs sauvages
et accrocher à son front la fleur spirituelle. La liberté venait
dans son regard et son souffle rejoignait, animal, les
naseaux fumants lancés droit devant à toute allure.
Dans l’élégance du galop…
Dans l’élégance du galop, elle formait le rythme
total, nouant son âme à la langue harmonique. Au contraire
d’un chant vibratoire, elle devenait l’absente de tout chant,
à la fois suave et élémentaire. Elle insufflait dans la pensée
une pureté expansive qui gagnait l’infini comme l’arabesque
éternelle. Son pas chorégraphique élargissait le désir par le
milieu des côtes, au point où le sternum rencontre le plexus
solaire. Le poumon ralentissait, la voix baissait à la onzième
syllabe du chant, l’apaisement allait vers la dissolution des
peines. L’incorporation devenait ainsi lumineuse jusqu’à
l’acquiescement. La danse chevaline se métamorphosait en
espace silencieux, courbé dans ses angles par la douceur
lyrique. Pas une lueur d’orage n’aurait pu enfreindre sa loi.
Fleur intuitive du mouvement, elle s’élançait à nouveau,
fidèle à la mélodie de la terre. Tout s’équilibrait de l’instinct
foudroyant et du bégaiement.
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Avec Marielle Macé,
Regis Lefort, Béatrice Bonhomme & Valérie Rouzeau en duplex
Lecture par Clémence Azincourt, Jacques Bonnaffé, Léon Bonnaffé & le petit Paulo
« Ce qui se fait entendre est aussi la poésie de Valérie Rouzeau,, entre nos récepteurs et son espièglerie, à nous de l'attraper. C'est simple comme Carême (Maurice…), savant comme Roubaud et fouillé comme Desnos, sans fin sans fond comme qui vous voudrez. Par la mouvement les souffles, son ombre persistante. » »
Jacques Bonnaffé
Voilà près de trente ans que Valérie Rouzeau (née en 1967) a décidé de vivre en poésie, de ses révoltes et de sa plume. Elle a attiré l'attention des lecteurs après la publication en 1999 de Pas revoir, son recueil de deuil. Depuis, parallèlement à ses ouvrages de poésie, elle traduit notamment des poèmes de Sylvia Plath, de Ted Hughes et de William Carlos Williams. Lauréate du prix Apollinaire en 2012, elle compte parmi les voix contemporaines les plus attachantes.
Le revue Nu(e) lui consacre un numéro complet à l'occasion de la sortie de Éphéméride aux éditions de la Table Ronde.
À lire – Valérie Rouzeau, Éphéméride, La Table Ronde, 2020 – Revue NU(e), Valérie Rouzeau, n°70, coordonné par Régis Lefort, avec la collaboration de Béatrice Bonhomme et Danielle Pastor, 2020. Disponible en ligne sur Poezibao.
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