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Courageuse Christy Lefteri qui, avec Les Oiseaux chanteurs, au travers de l'histoire de Nisha, dénonce le scandale des travailleuses immigrées exploitées sans vergogne à Chypre comme ailleurs !
Ici, Petra, l'employeuse, et Yiannis, son locataire amoureux de Nisha, s'expriment tour à tour avec, à intervalles réguliers, une parenthèse marquée par un oiseau. Cette parenthèse bien mystérieuse au départ devient de plus en plus prégnante, jusqu'à l'explication tragique finale. Elle rappelle aussi l'existence du lac Mitsero, un lac rouge, toxique, à l'emplacement d'une mine de cuivre abandonnée.
Nisha, la trentaine, prépare les repas, fait le ménage chez Petra et élève carrément la fille de la patronne, Aliki. Partie du Sri Lanka où elle a laissé Kumari, sa fille, née juste après la mort de son mari, Nisha envoie régulièrement de l'argent à sa famille car elle veut qu'elle puisse vivre décemment et que Kumari fasse des études.
Rapidement, je suis pris par la tension, l'angoisse, et scandalisé par cette exploitation, cet esclavage de femmes ayant quitté leur pays afin de permettre à leur famille de subsister ou de se bâtir tout simplement une vie meilleure.
Christy Lefteri qui m'avait conquis avec L'Apiculteur d'Alep, ne me déçoit pas car elle sait dénoncer des faits inadmissibles, honteux, tout en réservant de très beaux moments de poésie ou de rêve comme cette barque posée dans le jardin de Petra, où Nisha et Aliki peuvent venir se réfugier de jour comme de nuit. Il y a aussi ce mouflon extraordinaire rencontré dans la forêt par Yiannis.
Justement, Yiannis, de son côté, vit une belle relation avec Nisha, relation qui doit rester secrète car ces femmes dont certaines sont très jeunes, sont non seulement exploitées mais interdites de tout amour ou amitié avec une tierce personne, sous peine de renvoi. Je n'oublie pas que, pour venir du Sri Lanka, des Philippines, du Népal, de Roumanie ou du Vietnam travailler à Chypre, elles ont dû passer par une agence qui a avancé l'argent du voyage et se fait rembourser largement sur leur salaire.
Yiannis qui fut un cadre de banque gagnant bien sa vie, a perdu son travail lors de la crise mondiale de 2008. Ces banques chypriotes assuraient d'énormes transferts d'argent entre la Russie et Chypre et même avec Slobodan Milosevic, criminel de guerre serbe.
Alors, pour gagner sa vie, Yiannis s'est laissé entraîner par Seraphim, un camarade d'enfance, dans une activité interdite mais très rémunératrice : le piégeage des oiseaux chanteurs. Que ce soit avec des gluaux ou avec des filets japonais, becs-croisés, mésanges noires, grimpereaux, milans noirs, buses variables, bondrées apivores, pinsons, chardonnerets, et même un faucon crécerelle, ce sont, pour la plupart, des oiseaux migrateurs de passage sur l'île de Chypre. Attirés par des appeaux dont certains sont des oiseaux en cage, ils sont condamnés à une mort certaine – si vous voulez savoir comment ils sont achevés, lisez le livre ! -, plumés et vendus aux restaurants après avoir mariné dans du vinaigre.
Si cela rapporte beaucoup à Yiannis, Les Oiseaux chanteurs le mettent mal à l'aise puis le rendent malheureux. Voilà donc un intérêt supplémentaire au roman de cette autrice née en Angleterre mais dont les parents, Chypriotes, se sont réfugiés de l'autre côté de la Manche après la guerre de 1947 qui a divisé le pays, division toujours en place aujourd'hui. Chypriotes grecs et Chypriotes turcs qui vivaient ensemble jusque-là, se sont combattus et la capitale de cette île, Nicosie, est encore la seule capitale au monde coupée en deux par une frontière…
Dans Les Oiseaux chanteurs, tout bascule lorsque Nisha disparaît. Christy Lefteri, avec tact et douceur, conduit remarquablement la quête menée par Petra et Yiannis, quête qui se heurte au mépris de la police et suscite des retours en arrière, des souvenirs remontant à la surface, très instructifs.
Les Oiseaux chanteurs, bien traduit par Karine Lalechère, m'a ému, passionné, intrigué, révolté et je remercie vivement Babelio et les éditions du Seuil pour m'avoir permis de lire ce livre avant la sortie en librairie, en mai prochain. J'espère qu'il sera lu par le plus grand nombre car ce qu'il décrit se passe en 2016, c'est-à-dire hier, dans un pays d'Europe, dénonçant deux scandales qui font honte à notre humanité.


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J'avais été bouleversée par L'apiculteur d'Alep, ce roman sur l'exil de Christy Lefteri. Aussi lorsqu'il m'a été proposé de recevoir Les oiseaux chanteurs de la même auteure dans le cadre d'une masse critique privilégiée et que j'ai été retenue, imaginez ma joie. Que Babelio et les éditions du Seuil soient ici remerciés pour m'avoir offert à nouveau de très belles heures de lecture !
Le récit se passe à Chypre. Petra Loizides, opticienne optométriste habite Nicosie, côté grec, à deux pas de la ligne verte qui divise Chypre depuis 1974. Elle occupe uniquement le rez-de-chaussée d'une maison vénitienne de deux étages. Elle loue depuis deux ans le premier étage à un homme appelé Yiannis qui vit de la cueillette des herbes sauvages et des champignons.
Un lundi matin, voilà Petra inquiète, Nisha, la nourrice de sa fille Aliki, 9 ans, a disparu sans laisser de trace. Yiannis, le locataire, est lui aussi bouleversé. Sans que Petra le sache, car il est interdit à ces jeunes nourrices et employées de maison, principalement originaires d'Asie de fréquenter un homme, une liaison s'est nouée entre Nisha et Yiannis. Nisha se serait-elle enfuie suite à la demande en mariage que Yiannis lui a faite la veille ?
Mais la jeune Sri-lankaise a laissé dans sa chambre son passeport et ses possessions les plus précieuses : une mèche de cheveux de sa fille Kumari qui est restée au pays et un médaillon de son défunt mari.
Petra finit par signaler sa disparition à la police qui se contente de lui dire qu'elle a dû passer au Nord et qu'ils ne peuvent s'amuser à chercher des étrangères…
Ensemble, Petra et Yiannis vont unir leurs efforts pour tenter de retrouver Nisha.
Petra, qui s'était repliée sur elle-même depuis la mort de son mari survenue avant la naissance de leur enfant va regarder ces femmes d'un nouvel oeil « C'était leur travail qui rythmait la vie du quartier. Elles étaient invisibles pour moi avant la disparition de Nisha ».
Yiannis, lui, ex-banquier ruiné par la crise de 2008, prisonnier d'un réseau mafieux puissant et dangereux, bien qu'ayant promis à Nisha d'arrêter ses activités illégales, continue encore le braconnage des oiseaux. « Ça ne me plaît pas de faire ça, m'efforçais-je de lui expliquer. Mais une fois qu'on a commencé, c'est difficile d'arrêter. C'est un peu comme le trafic de drogue. Il y a une grosse organisation derrière, et on ne te lâche pas facilement. C'est trop risqué. »
C'est ainsi que par le biais de l'enquête de ces deux personnes que sont Petra, son employeuse et Yiannis, son amant, Chrity Lefteri nous fait découvrir qui était réellement Nisha. C'est par l'intermédiaire de ceux qui l'ont connue que le lecteur découvre la personnalité de cette jeune femme mais aussi la vie de toutes ces travailleuses invisibles, des femmes totalement dépendantes de leurs employeurs.
Entre les points de vue des deux protagonistes dont les prénoms donnent le titre aux chapitres, s'intercale régulièrement l'histoire de ce lac Mitsero, auquel les produits chimiques toxiques de la mine à ciel ouvert de sulfure de Kokkinopezoula, maintenant fermée ont donné une teinte rouge.
Si Les oiseaux chanteurs est un excellent thriller, dans lequel le suspense va crescendo, d'autant que d'autres employées de maison vont aussi disparaître, il est avant tout un roman contemporain sociétal qui met en exergue deux facettes très sombres d'un pays par ailleurs magnifique et enchanteur tant par son climat, ses paysages que sa nourriture.
Je dois avouer que cet esclavage moderne très répandu qui sévit à Chypre m'était totalement inconnu. J'ignorais le sort réservé à ces femmes étrangères - Philippines, Népalaises, Sri-lankaises ou Roumaines - venues à Chypre pour travailler. Exploitées par leurs employeurs qui abusent de leur pauvreté, elles sont obligées de tout accepter, la plupart étant passées par des agences à qui elles doivent énormément d'argent, se retrouvant ainsi piégées sans aucune possibilité de rentrer chez elles et prisonnières de leur situation. Les conditions de ces travailleuses immigrées, victimes d'exploitation, de violences et de sexisme, dans ce petit pays européen sont absolument indignes.
Christy Lefteri née à Londres de parents chypriotes confie en fin d'ouvrage que ce roman est né pour faire comprendre que migrants ou réfugiés, s'ils se sentent obligés de quitter leur pays c'est qu'ils ont le sentiment de ne pas avoir d'autre solution. Elle s'est inspirée également pour l'écrire d'une tragédie récente qui a endeuillé Chypre.
L'autre volet de ce récit, représenté par Yiannis, est cette chasse illicite aux oiseaux migrateurs, un véritable braconnage industriel. Chaque année, des centaines de milliers d'oiseaux migrateurs piégés par des branches enduites de colle ou d'immenses filets sont tués et servis en secret dans des restaurants de l'île, générant des profits juteux pour les trafiquants, les autorités se révélant bien passives…
Trafic humain et braconnage sont au coeur de ce roman où la poésie est néanmoins bien présente.
Les portraits de toutes ces travailleuses domestiques sont brossés par petites touches et montrent avec finesse comment elles ont été réduites à l'état de choses dont on dispose à son gré.
Quelles émotions j'ai ressenti, en découvrant le parcours de Nisha, cette jeune femme sri-lankaise qui a dû laisser sa toute jeune enfant à sa mère et se résoudre à traverser les océans, pour lui offrir des études et un avenir. Comment cette femme a partagé son amour maternel avec cette enfant dont elle est devenue la nourrice et l'aimant tout autant que sa propre enfant ! Émotions également en découvrant la renaissance de Petra et le réapprentissage nécessaire pour retrouver l'amour de sa fille.
J'ai également été sensible à la façon dont ces deux êtres, Petra et Yiannis vont évoluer et peu à peu se métamorphoser. Bien que vivant auprès de Nisha, il faudra sa disparition pour qu'ils apprennent à la connaître et comprendre sa grandeur d'âme et grandir eux-mêmes.
Les oiseaux chanteurs est paradoxalement un roman extrêmement sombre et hyper lumineux à la fois, un roman pétri d'humanité, un roman où Nisha ne prend la parole que dans les dernières pages mais dont la voix demeure présente longtemps après le livre refermé.

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Merci à Babelio de m'avoir proposé cette lecture dans le cadre de la masse critique privilégiée et aux éditions du Seuil de m'avoir envoyé ce livre.

Malgré le caractère dramatique de l'histoire, c'est une belle lecture à travers laquelle je suis saisi par deux axes majeurs.

D'abord les drames, car plusieurs sont évoqués dans ce roman qui touche diverses réalités. Drame de la vie, de l'exploitation des travailleurs dans de nombreux pays asiatiques, -- ici, il s'agit essentiellement du Sri Lanka que j'ai parcouru il y a bien longtemps, où j'ai vu les femmes casser les cailloux au bord de la route au point qu'il est impossible de conserver en mémoire le seul sourire des enfants -- drame de la misère des habitants de ces pays que l'on appelait autrefois le tiers monde, drame de tous ces migrants exploités en Europe ou ailleurs. J'ose citer, quand bien même il s'agit d'animaux, le drame de milliers d'oiseaux tués sans respect d'un quota de prélèvement que pratiquaient les anciens.

L'autre axe est celui de l'évolution des personnages principaux, les deux qui se découvrent, expriment enfin leurs ressentis, deviennent plus humains, Petra et Yannis, et pour cela il aura fallu l'adversité, celle de la disparition de Nisha. Petra et Yannis portent l'histoire écrite par Christy Lefteri en une construction littéraire convaincante, lente par moments, mais leur laissant le temps de se réunir, de partager leurs douleurs, de porter ensemble leurs fardeaux et, finalement de devenir meilleurs.

Autour de ces deux axes, il y a Nisha, l'héroïne quasiment invisible, mais tellement présente par le vécu de Yannis et Petra avec elle, deux vécus différents, celui de Yannis dans l'amour, celui de Petra dans une relative similitude de leur condition commune de veuve, mère chacune de fillettes ayant presque le même âge. Nisha est la raison du livre, elle le porte dans son absence et c'est encore une réussite de l'écrivaine.

Les deux enfants, Aliki et Kumari, jouent également un rôle important dans la montée en puissance dramatique de l'histoire. Ont-elles conscience de leur destinée si différente, du lien qui les unit à travers Nisha? Cet aspect aurait sans doute été intéressant à développer.

Et enfin, les oiseaux qui portent sans le savoir un autre drame, celui des renoncements de Yannis, du profit destructeur, de la nature bien moins dure que les hommes, ces oiseaux dont le chant ne peut que demeurer longtemps dans les oreilles du lecteur.
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Son expérience de bénévole dans un camp de migrants à Athènes avait nourri L'apiculteur d'Alep, le précédent roman de l'auteur. Cette fois, ce sont les témoignages de femmes étrangères venues s'employer comme personnels de maison à Chypre, qui ont soufflé à Christy Lefteri cette histoire inspirée de faits dramatiques bien réels.


Nisha a quitté le Sri Lanka et son bébé pour devenir nounou à Chypre. Après neuf ans de bons et loyaux services chez Petra et sa fille Adèle, et au lendemain de la demande en mariage de Yiannis, le locataire qui occupe l'étage de la maison, elle disparaît un soir de 2016, abandonnant passeport et effets personnels. La police refuse d'ouvrir une enquête, au prétexte de l'instabilité de la main d'oeuvre immigrée. Petra et Yiannis, lui-même emberlificoté dans un réseau mafieux de braconnage d'oiseaux depuis son licenciement lors de la crise bancaire et financière de 2008, tentent de retrouver trace de la jeune femme. Ils prennent alors conscience des terribles réalités vécues par toutes ces femmes, endettées à vie auprès d'agences de placement, dans l'espoir de trouver dans des pays riches le travail qui leur permettra enfin, au prix de la distance et de la séparation, de faire vivre leur famille.


L'on pourra penser au roman Chanson douce de Leïla Slimani, quand l'employeuse de Nisha réalise après coup ce dont elle ne s'était jusqu'ici aucunement souciée : la vie privée et les sentiments de celle qu'elle n'avait jamais imaginée qu'entièrement dédiée à son service. En vérité, pendant presque une décennie de partage de son intimité à elle, Petra n'a jamais eu en tête que la fonction, et non la personne, de son employée, tirant parti sans s'en douter du drame personnel de cette dernière, lui imposant ses préoccupations de femme aisée sans même se rendre compte de l'indécence du contraste entre son confort et la misère de l'autre. Pourtant, là n'est pas le pire. Car, cette indifférence généralisée, y compris des autorités, vis-à-vis de ces filles seules et sans recours, coincées par leur dette dans une situation de totale dépendance vis-à vis de leur agence et de leurs employeurs, favorise les pires abus dans le secret de ces maisons ou boutiques où elles sont parfois maltraitées, à peine logées et nourries, réduites en esclavage, et même agressées et tuées.


Au fur et à mesure que l'histoire de Nisha et de ses semblables se dévoile à Petra et à Yiannis, l'émotion se fait de plus en plus poignante, en même temps que l'inquiétude grandit. Et, alors qu'en parallèle, le lecteur assiste, consterné, au trafic de ce qu'Elif Shafak appelle « le caviar de Chypre » dans L'île aux arbres disparus, se superposent peu à peu l'image de ces nuées colorées d'oiseaux migrateurs, pris au piège des vastes filets et de la glu de l'industrie du braconnage aviaire chypriote, et celle de ses migrantes venues s'échouer, au terme d'un aventureux et courageux voyage, dans un autre traquenard tout aussi inextricable.


Christy Lefteri nous livre un nouveau roman empreint de chagrin et de révolte, inspiré comme le précédent de ses rencontres et de son engagement bénévole pour la cause des migrants. A n'en pas douter, le succès devrait être encore au rendez-vous, serrant bien des gorges et faisant même couler quelques larmes.


Merci à Babelio et aux éditions du Seuil de m'avoir offert cette lecture.

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Trois cents pages de poésie et de mystère aux cotés de Petra et Yiannis nous mènent à Chypre où les oiseaux et les domestiques finissent dans les mailles de filets plus ou moins mafieux et nous découvrent une ile qui a des atouts pour devenir un paradis, mais le malheur d'être, sur les routes de la soie, à l'intersection de trois continents, et de collecter et de blanchir des fonds à l'origine opaque …

De quoi offrir une belle enquête et d'émoustiller le lecteur qui s'attend à des révélations croustillantes. Mais qui se conclut par un dénouement aussi banal (hélas) que déconnecté du roman et de ses intrigues. Sans divulguer la conclusion, imaginez que Nisha, employée de Petra, amoureuse de Yiannis, chute de son escabeau en lavant les carreaux ou soit renversée sur un passage clouté par un chauffard alcoolisé, vous diriez que la romancière a raté l'atterrissage … et bien c'est l'impression que m'ont laissé ces cinquante dernières pages qui laissent braconniers et exploiteurs libres de poursuivre impunément leurs méfaits.

La vérité a besoin de temps conclut la romancière … le temps semble lui avoir manqué pour achever ses enquêtes … d'où ma déception.
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J'aime les oiseaux, les regarder voler, les entendre chanter. Et pourtant j'en ai peur, une phobie qui m'empêche de les toucher, qui m'empêchera à vie de regarder le film "Les oiseaux" de peur de voir à l'écran mes pires cauchemars.
Cependant, les scènes de braconnage décrites dans ce livre ont été compliquées à lire pour moi. J'ai vu les images se former sous mes yeux et elles étaient difficilement soutenables. J'ai peur des oiseaux, mais jamais je ne souhaite qu'ils meurent.

Fin de ce préambule sur ce qui n'est pas le sujet principal de ce livre, mais qui aurait pu m'en détourner si ce n'avait été un cadeau de Babélio et des éditions du Seuil, lors d'une MC privilégiée. Je les en remercie.

Abandonner ce livre aurait été dommage. Il dénonce une situation scandaleuse: l'exploitation de jeunes femmes venues principalement d'Asie, pour être domestiques et exploitées sans vergogne par des employeurs qui peinent à leur reconnaitre un statut d'êtres humains . Elles sont du bétail et quand l'une disparait, les pouvoirs publics ne s'en inquiètent pas: aucune enquête ouverte, aucune recherche entamée.
Petra, l'employeuse de Nisha et Yiannis, son amant, celui qui voulait l'épouser, vont alors enquêter eux-mêmes. Ils finiront par savoir ce qui s'est passé. Entretemps, chacun d'eux aura évolué. la situation les aura amenés à réfléchir sur eux-mêmes, à devenir ce que Nisha voulait pour chacun d'entre eux.
Un roman empli de tristesse mais aussi de rédemption dans une construction que j'ai appréciée, avec ce découpage en chapitres racontés alternativement par Petra et par Yiannis. Et ces pauses auprès d'un lac rouge où l'on assiste à la décomposition lente du cadavre d'un lièvre, sans comprendre au premier abord le rapport avec l'histoire.

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« Vous êtes bien tombée avait dit la femme. Votre Sri Lankaise parle l'anglais. Ce n'est pas le cas de ma népalaise.
Un vrai cauchemar, croyez-moi.
Par bonheur, la conversation s'était arrêtée-là. »

Le roman lui, pouvait débuter là.
Parce que Nisha a disparu.
Celle qui travaille comme employée de maison de 6h00 à 19h00 sauf le dimanche mais qui doit rester tranquille pour être reposée la semaine.
Celle qui parle si bien l'anglais qu'elle est devenue plus proche d'Aliki, neuf ans, que de sa mère, Petra, celle qui est bien tombée.
Et puis, il y a l'amoureux de Nisha, Yiannis, le locataire du dessus de la maison de Petra, celui qui ramasse des champignons et des escargots mais qui a une autre activité plus lucrative mais moins reluisante. « Je pensais que tu étais différent. »

Tous les trois s'inquiètent de la disparition de Nisha comme moi, je m'en suis inquiété au fil de ces pages qui enflent sans cesse, envoutantes et bouleversantes où tout se dévoile avec une exquise lenteur si intense que malgré un drame probable on a le temps de voir voleter entre ombre et lumière par les persiennes entre-ouvertes les poussières dorées du soleil chypriote.

J'ai apprécié cette écriture fine qui inonde chaque pensée d'une myriade de réflexions.

Ce roman, équivalent au précédent « L'apiculteur d'Alep » parvient presque à dissimuler une atmosphère pesante et anxiogène par de sincères marques d'amour et de tendresse tant passionnelles que maternelles.
Malgré d'importantes fractures sociales et ethniques la compréhension et la compassion envers l'autre sont érigées comme des composantes incontournables de vies éventuellement apaisées.

« C'est une âme profondément bonne. Quelqu'un de bien. Il arrive toujours malheur aux gens bien. »

J'ai parfois ressenti certaines similitudes avec l'écriture poétique et incisive de Tracy Chevalier ou de Carole Martinez que j'affectionne particulièrement.

« Je t'aime, Nisha.
Je ne suis pas venue ici pour aimer qui que ce soit, dit-elle dans une seconde d'hésitation, me lâchant la main. Je suis ici pour pouvoir envoyer de l'argent à ma fille. »

La complexité des sentiments et des émotions de chacun des protagonistes est exprimée à la perfection, leur lourd passé est divulgué sans artifice traduisant leur comportement, leurs attentes, leurs joies et leurs peines. L'immigration obligatoire pour subsister est une plaie béante et douloureuse qui ne se referme jamais vraiment.

« Je n'aurais jamais pris en considération son droit à avoir sa propre vie. »

C'est un roman poignant où il n'y pas que les braconniers qui capturent certains oiseaux chanteurs dans des filets qui confisquent la liberté de vivre.

Merci à Babelio pour cette nasse critique privilégiée et au Seuil pour cet envol.
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Ouvrage reçu lors d'une opération Masse Critique privilégiée, je tiens d'abord à commencer cette critique par remercier babelio ainsi que les éditions du Seuil pour l'envoi de ce sublime ouvrage. Je ne connaissais pas du tout l'auteure avant d'entamer cette lecture (honte à moi qui travaille en bibliothèque, je pense que je vais très sérieusement tenter de me procurer "L'apiculteur d'Alep" de cette dernière qui a remporté un succès international (mais où avais-je donc les yeux et les oreilles). En parlant d'yeux et d'oreilles, justement, cela me permet de rebondir sur ce qui nous intéresse ici : sommes-nous tous aveugles (enfin moi surtout) pour ignorer la condition de certaines femmes (comme ici à Chypre) qui sont obligées de s'expatrier, de s'exiler malgré elles, abandonnant tout, parents et enfants, pour espérer trouver, non pas une vie meilleure ailleurs, mais simplement pour pouvoir travailler et envoyer de l'argent aux êtres qui leur sont les plus chers au monde afin qu'eux puissent, encore une fois, non pas avoir une vie meilleure, mais une vie décente ?

C'est ce que nous raconte l'auteure ici à travers l'histoire bouleversante de Nisha, une employée de maison sri-lankaise qui a trouvé "asile" dans à Chypre pour y travailler. Veuve trop jeune, elle a du laisser derrière elle e sa mère et de sa fille Kumari afin de pouvoir espérer gagner suffisamment d'argent (en plus de celui qu'elle devra rembourser à l'agence qui l'emploie...je suis scandalisée et encore le mot est faible) pour que ces êtres précieux qu'elle aime plus que tout au monde puisse continuer à (sur) vivre (encore une fois grosse indignation mais bon, je vais m'arrêter là sinon, je crois que je ne vais pas arrêter de répéter ce mot tout au long de cette "chronique" (mot qui me convient me que critique car là, ce n'est absolument pas le cas, bien au contraire, bien que le sens du mot critique n'ait rien de péjoratif à la base mais je trouve qu'il a pris une connotation qui abonde de plus en plus dans ce sens).

Vivant dorénavant auprès de Petra, celle qui deviendra sa nouvelle maîtresse et de sa fille Aliki, de deux ans plus jeune que la sienne, Nisha s'est habituée à cette vie. Elle n'est pas maltraitée, s'est profondément attachée à la jeune fille avec qui elle a beaucoup d'affinités et à même rencontré un jeune homme qui s'éprend éperdument d'elle : Yiannis. D'ailleurs, c'est au travers des yeux de ce dernier er de Petra que le lecteur apprend à découvrir Nisha, à l'ailer et à souffrir de cet éloignement d'avec sa fille qu'elle ne voit et avec laquelle elle ne parle qu'au travers d'un écran (une tablette ici). Cependant, si il y a bien une chose qui indispose plus que tout Niha, ce sont les activités illégales que pratiquent Yiannis et Séraphin (parmi tant d'autres) que sont le braconnage (illégal) d'oiseaux et le livraison auprès de particuliers et pas seulement ! Cela, elle ne le supporte pas mais Yiannis se sent coincé, enfermé dans cette affaire tout comme Nisha se sent enfermée dans ce monde qui n'est pas le sien : quel avenir pour ces deux-là qui en plus de ne pouvoir s'aimer librement, sont tous deux prisonniers d'un système régi par l'argent ?

Un roman extrêmement bien écrit, passionnant et écrit de la part d'une passionnée (cela se ressent) et que je ne peux que vous recommander (d'ailleurs plutôt deux fois qu'une) mais attention, vous n'en ressortirez pas indemnes car cette lecture laisse des traces et c'est tant mieux ai-je envie de rajouter !
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Hasard de lecture, c'est le deuxième roman à quelques jours d'intervalle dont l‘action de déroule à Chypre, cette île à l'histoire récente mouvementée.

Ici il sera peu question de l'animosité entre turcs et chypriotes, mais plutôt des nombreuses jeunes filles asiatiques qui viennent sur l'île dans l'espoir de subvenir aux besoins de leurs familles restées aux Philippines ou au Sri Lanka, une main d'oeuvre économique, corvéable à merci et prise aux pièges de dettes qu'elles ont contractées pour leur acheminement.

L'une de ces femmes a disparu, sans explication, alors que, au service d'une jeune veuve et de sa fille, elle semblait plutôt heureuse de sa situation.

Son fiancé aussi s'inquiète, pour elle, qu'il venait de demander en mariage, mais aussi en raison de ses activités illicites, qui font mal à chaque fois que l'on assiste au carnage : il piège des milliers de tout petits oiseaux destinés à être consommés en toute illégalité. Chaque oiseau mort est un déchirement pour le lecteur, pour le massacre écologique et pour la cruauté des méthodes.

L'enquête n'intéresse pas les autorités, c'est donc avec leurs propres moyens limités que les proches de Nisha tenteront de faire éclater la vérité.


Le roman attire l'attention sur le sort des jeunes filles employées comme domestiques, loin de chez elles, émigrées par nécessité, souvent exploitées et maltraitées, et nous ne sommes pas au dix-neuvième siècle , mais de nos jours ! Les émotions sont au rendez-vous : colère, compassion, tristesse, que l'auteur sait invoquer au fil des pages.

Deux raisons de lire Les oiseaux chanteurs : la cause des exploités et la cause écologique.

Merci à Babelio et aux éditions du Seuil

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Chypre, 2016. Voilà neuf ans que la jeune Nisha, d'origine sri-lankaise, a été engagée comme nounou par Petra. Celle-ci venait d'accoucher, quelques semaines après le décès de son mari, elle était seule, déprimée, dépassée par la situation.
A l'époque, Nisha, comme beaucoup de jeunes femmes du sud-est asiatique, avait tout quitté dans l'espoir de gagner sa vie dignement ailleurs, et de subvenir aux besoins de sa famille restée au pays.
A Chypre, Nisha est plutôt bien tombée, elle travaille sans relâche six jours par semaine, mais Petra la traite aussi correctement qu'on peut traiter une domestique. Et puis, il y a Yannis, le locataire qui occupe le premier étage de la maison, qui vit secrètement du braconnage d'oiseaux pour le compte d'un dangereux réseau de trafiquants, et qui est fou amoureux de Nisha.
Pourtant un jour, celle-ci se volatilise, en laissant derrière elle son passeport et d'autres choses précieuses à ses yeux. Petra signale la disparition de Nisha à la police, qui ne donne aucune suite. Petra et Yannis comprennent vite qu'ils ne pourront compter que sur eux-mêmes, et se lancent dans leur propre enquête.

Facile à lire et plein de bons sentiments, « Les oiseaux chanteurs » est cependant un roman un peu léger et mou à mon goût. le thème m'intéressait pourtant, je n'avais encore rien lu sur la migration économique (et légale) de ces jeunes femmes asiatiques exploitées (y compris sexuellement pour les plus malchanceuses) par de riches employeurs européens et les agences de placement (qui leur garantissent un travail en Europe moyennant une caution faramineuse qu'elles mettront des années à rembourser). Mais je reste sur ma faim, le sujet est traité avec candeur et simplisme, en restant à la surface des choses. L'idée d'établir le parallèle avec le braconnage n'est pas mauvaise : ces esclaves modernes et les oiseaux sont des innocents pris dans des pièges qui rapportent gros à d'autres, et ils ne peuvent en sortir que par la mort ou avec une aide extérieure (plutôt rare). Mais cela m'a semblé artificiel, édifiant et « facile » : exploiter les travailleurs, c'est mal, exploiter la Nature, c'est mal.
Quant aux personnages, ils ne sont pas très incarnés, ni cernés psychologiquement. Celui de Petra est caricatural et/ou peu crédible : ce n'est que quand Nisha disparaît que Petra semble se rendre compte (après presque dix ans!) de son existence et de son importance, et qu'elle s'étonne que sa propre fille soit plus proche de sa nounou que d'elle-même. Je me demande encore si elle s'inquiétait réellement du sort de Nisha en tant qu'être humain, ou si elle paniquait seulement à l'idée de devoir faire le ménage et élever sa fille elle-même. Quant à Yannis, son locataire depuis deux ans et qui habite juste au-dessus, elle le connaît à peine, n'a jamais soupçonné sa relation avec Nisha, ni son activité de braconnage (alors qu'il possède plusieurs frigos industriels et remplit des sacs poubelles entiers de plumes d'oiseaux).
Au final, c'est un peu long, un peu lent, un peu larmoyant, et l'enquête est résolue en quelques paragraphes. La lecture est fluide et pas désagréable, et l'intention de départ était louable, mais je trouve que le résultat manque de profondeur et de révolte.

En partenariat avec les Editions du Seuil via une opération Masse Critique privilégiée de Babelio.
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