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Deux soeurs en fuite avec le monde, en décalage avec ce qui les entoure. Dans une forêt menacée de destruction et protégée par un groupe de militants, Felis, (mais est-ce son nom ?), trouve un semblant de refuge. L'autre soeur, l'unique narratrice, protectrice et tendre, nous raconte par bribes les émotions de Felis, leurs souvenirs d'enfance et leur connexion presque irréelle.

Il est extrêmement difficile de parler de ce livre sans en dire trop. Je dirais juste que j'ai beaucoup aimé la plume et le schéma narratif particulier. C'est une histoire qui se devine plus qu'elle ne se livre. On sent un besoin de protection et de guérison sans savoir qui en a le plus besoin. Un roman original et introspectif sur les choix de vie, sur la famille dont on ressort avec des questions et je pense que l'auteure souhaite que l'on crée ses propres réponses.

Un primo-roman singulier pour lequel il faut choisir son moment et une plume talentueuse qui m'a touchée.

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Dans le genre Nature Writing, j'ai récemment lu « Dans la forêt » de Jean Hegland et « Les dents de lait » d'Helene Bukowski dont aucun des deux n'a réussi à me transporter dans le noyau de la terre-mère. Je pensais donc en avoir fini pour le moment avec la littérature sylvestre. Et puis, les premières pages de Felis Silvestris m'attrapent par la main et me chuchotent: « Viens voir par ici la beauté de la forêt. L'urgence de la protéger. Son pouvoir de guérison. » Une ambiance réelle et actuelle, bien loin de la dystopie.

Son texte est vivant et rythmé. On marche dans cette forêt, on entend la cadence de nos enjambées faire craquer les branches sous nos pas et en même temps, cette petite voix posée sur notre épaule, nichée au creux de l'oreille, qui semble nous accompagner comme pour dire: « tout va bien, je suis là ».

Contrairement à ce que j'imaginais, l'environnement naturel est bien présent mais n'est pas le sujet dominant. Il y est question avant tout d'un lien entre deux soeurs. D'une connexion possible au-delà de l'espace et du temps. Est-ce parce que j'ai une soeur, qui aurait pu être Felis que ce roman a soulevé en moi un raz-de-marée d'émotions? L'appel est là. On se laisse engloutir dans un hiver intime et profond qui ouvre grand les bras à l'espoir.

En signant Felis Silvestris, la primo-romancière ne laisse planer aucun doute sur son talent. Son écriture est indiscutablement convaincante, documentée et intelligente.
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Felis a tout quitté pour s'installer dans une forêt qui est menacée de destruction par la Firme. Elle a laissé derrière elle une famille, inquiète, et son nom de naissance. Elle ne donne aucune nouvelle à ses proches et vit en communauté au coeur de la forêt. Sa soeur tente de comprendre Félis, jeune femme fragile et perpétuellement en révolte. « Être la même chaque jour : tu ne pouvais pas. Être celle qu'on attendait que tu sois : tu ne voulais pas. Te satisfaire de cette vie-là : impossible ! Plus rien ne te guidait hormis tes voix, trop nombreuses pour être d'accord, trop imprévisibles pour être domptées. Alors tu suivais celle qui parlait le plus fort, à tort ou à raison. Ton corps devenait une maison ambulante, des pilotis à la place des pieds. »

« Felis Silvestris » est le premier roman d'Anouk Lejczyk et il prend la forme d'un long monologue, celui de la soeur de Felis. Elle s'adresse à l'absente, tente de faire le lien entre celle-ci et leurs parents séparés. Felis, élément perturbateur de la tranquillité familiale, a laissé un vide immense et douloureux en partant. le monologue de la soeur tente de combler ce trou noir qu'est l'absence. Et pour ce faire, elle imagine la vie que mène Felis dans la forêt, les gens qu'elle côtoie. Elle parle également de sa vie dans un petit appartement, ses choix, ses questionnements sur son avenir, son enfance. Elle-même semble sur le départ. Les parents pallient l'absence de façon différente : la mère s'inquiète des conditions de vie de Felis, se documente sur les forêts, le père fait des recherches sur la maladie de Lyme qu'il est sûr que Felis va attraper. Les trois personnages sont figés dans leur solitude, leur tentative de compréhension en attendant un signe, un retour de Felis. le texte d'Anouk Lejczyk est mélancolique, sensible. Il est ponctué par une question : « Et ta soeur, elle en est où, elle fait quoi ? » à laquelle la narratrice apporte une réponse différente à chaque fois, essayant ainsi d'expliciter le parcours de Felis.

« Felis Silvestris » est un beau premier roman qui nous plonge au coeur d'une famille déchirée et de la blessure béante créée par l'absence de Felis.
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Deux soeurs, l'une parle, l'autre non.

Celle qui s'est donné pour nouveau nom Felis silvestris est partie dans la forêt. A l'image du chat sauvage, ce chat forestier dont elle a pris le nom, et qui hante les bois d'Europe.

Loin des siens, elle est partie rejoindre une communauté qui défend les derniers arbres contre la déforestation sauvage faite par la firme qui exploite une mine. Sans contrepartie, sans rien attendre, elle lutte dans la clandestinité avec les autres jeunes qu'elle rencontre sur la ZAD. Elle doit apprendre à vivre de rien, dans les arbres, devenant un bouclier humain contre la force des grandes multinationales qui n'ont aucun scrupule à tout raser et à modifier durablement l'environnement.

En parallèle, sa soeur s'enferme peu à peu dans la solitude d'une chambre pour tenter de comprendre d'une part la fuite de sa soeur, et d'autre part ce qu'elle souhaite faire de sa vie. C'est le long monologue de cette dernière qui nous éclaire sur ses projets, sur la nouvelle vie de sa soeur, sur la relation très forte qu'elles avaient et qui souffre de cette absence, de ce silence. Les souvenirs s'égrainent, l'enfance est là joyeuse et tendre, les expériences vécues ensemble.

La nature et en particulier la forêt ont une place prépondérante et nous ramènent à l'essentiel, la vie et l'importance du respect de ce qui nous entoure pour vivre sereinement en symbiose avec les éléments.

Chaque chapitre est ponctué d'un « Et ta soeur, elle est où » qui nous rappelle qu'elles sont deux, mais par moments ne semblent faire qu'une. Comme si la soeur qui se terre était le miroir de celle qui s'envole à la cime des arbres.

lire la chronique complète sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2022/04/25/felis-silvestris-anouk-lejczyk/
Lien : https://domiclire.wordpress...
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❝Nous ferons toute une armée dans les arbres, et nous ramènerons à la raison la terre et ses habitants.❞
Italo Calvino, le Baron perché

❝Pendant longtemps les forêts étaient loin, loin de nos plaines jaunes et de nos vacances bleues ; sans l'ombre d'un bois sinon ceux des histoires du soir, avec des enfants perdus et des animaux qui parlent.❞

Felis Silvestris est le premier roman d'Anouk Lejczyk, paru aux épatantes Éditions du Panseur dont le travail remarquable offre aux lecteurs un objet-livre soigné, de la douceur de la couverture au velouté du papier ivoire de pages exemptes de fautes résiduelles — chose devenue suffisamment rare pour être soulignée. Et j'apprécie que soit glissé un petit mot à l'attention des lecteurs en toute fin d'ouvrage.

Felis Silvestris invite dans ses pages des allusions à certains contes — le Baron perché d'Italo Calvino ou Les Contes du chat perché de Marcel Aymé, par exemple — et en reprend certains codes, telle la question qui scande chaque changement de chapitre

❝— Et ta soeur, elle en est où, elle fait quoi ?❞

et les réponses évasives

❝— Oh, ma soeur, elle prend l'air ;
— Oh, ma soeur, elle prend de la hauteur ;
— Oh, ma soeur, elle crée sa boîte ;
— Oh, ma soeur, elle fait une césure ;
— Oh, ma soeur, elle...❞

que je me suis surprise à lire comme, enfant, je récitais

❝— Loup y es-tu ? m'entends-tu ? que fais-tu ?
— Je mets mes…❞

Pas plus que dans un conte, les personnages n'ont ici de prénom. Nous ne connaîtrons ni celui de la mère, ni celui du père, ni celui de la soeur. Quant à Felis Silvestris qui donne son titre au roman, c'est le nom de forêt qu'a choisi la soeur de la narratrice.

Felis Silvestris est un long monologue, une tentative — vaine — d'un je de répondre à des questions insistantes et toujours en suspens parce que, peut-être, il n'y a pas de (bonne) réponse, mais aussi une tentative — réussie — de donner quelque matérialité à ce tu à qui elle s'adresse.

❝Être la même chaque jour : tu ne pouvais pas. Être celle qu'on attendait que tu sois : tu ne voulais pas. Te satisfaire de cette vie-là : impossible ! Plus rien ne te guidait hormis tes voix, trop nombreuses pour être d'accord, trop imprévisibles pour être domptées. Alors tu suivais celle qui parlait le plus fort, à tort ou à raison. Ton corps devenait une maison ambulante, des pilotis à la place des pieds. Tu n'as pas chuté, tu ne t'es pas brisée. Tu as simplement bifurqué sur le chemin d'à côté.❞

Elles sont deux soeurs : l'une est partie se joindre aux militants qui occupent une forêt, résolus à stopper son déboisement et l'avancée de l'exploitation minière ; l'autre a enfin accepté de revenir et de poser ses valises après des années d'errance. La première, clandestine parmi les clandestins, à l'abri de sa cagoule noire, se voue à une cause qu'elle croit épouser ; la seconde, anonyme parmi les anonymes, vit dans un appartement qu'on lui a prêté et dont elle sort peu.

❝Quand j'ai lâché mes affaires au milieu du studio, ça n'a fait aucun bruit. Il faut croire que le lino beige absorbe les ondes, ou que les valises n'avaient plus rien à dire. Elles sont restées silencieuses sans savoir ce qu'elles faisaient là, pour combien de temps, ni pourquoi.❞

Que sont parties chercher ces deux jeunes femmes éprises de liberté et au parcours jusque-là pourtant exemplaire quand elles ont brisé leurs attaches, déserté la maison familiale, laissant une mère à ses conjectures et un père à son obsession pour les tiques et la maladie de Lyme ?

❝L'étendue est aussi une distance entre deux points, un écart, voire un laps de temps. En ce qui nous concerne : des centaines de kilomètres, des heures de route et une longue crevasse de non-dits.❞

En cadenassant chacun des personnages dans sa solitude, Anouk Lejczyk écrit l'errance comme la nécessité impérieuse de fuir le moment présent

❝Je me réveillais un jour avec une certitude aussi douloureuse qu'inébranlable : partir. Je pliais bagage et reprenais la route, le coeur et mes carnets remplis de nouveaux noms. Je respirais à pleins poumons ma solitude retrouvée.❞

Pour combler l'absence de sa soeur, la narratrice jette des ponts entre passé et présent, revisite le temps de l'enfance et les souvenirs. Peut-être recèlent-ils une ébauche de réponse, un début de sens, pour l'une comme pour l'autre ? La comprendre elle pour se comprendre soi

❝Je crois bien que j'ai perdu mon monde. Comme toi, je l'ai cherché à différents endroits. J'ai cru que j'aurais pu naître ailleurs et qu'une autre vie, peut-être m'attendait quelque part. Mais en vérité, rien ni personne ne nous attend jamais vraiment. Ce qui nous sauve, c'est que nous sommes capables d'oubli et d'émerveillement.❞

Tout est à demi dit, à demi tu dans ce premier roman mélancolique qui n'a rien de tapageur, et les lecteurs avides de grandes révélations en seront pour leurs frais. le choix narratif fait que ce récit intime, qui sonde la tendresse du lien sororal malgré la longue absence et les silences, ne livrera rien des convictions de Felis.

❝Dis Felis, dis-moi à quoi tu penses quand ta pensée s'en va.❞

Par ailleurs, je pense que certains ne manqueront pas d'être déconcertés — comme je l'ai été — de ne trouver que peu de nature writing. Car si Felis s'immerge dans la forêt, elle ne s'y enracine pas ; si elle vit au milieu des militants, elle ne fait pas corps avec eux. Elle éprouve souvent le besoin de s'isoler, incapable de rester à une place qu'elle pense n'avoir pas encore trouvée, sans autre objet amical à enlacer que le tronc d'un arbre qu'elle a élu. Sa vie reprend-elle du sens dans la forêt ? Faut-il impérativement vivre au milieu de la nature pour la défendre ? Cela ne sera pas tranché.

On décèle beaucoup d'admiration dans le monologue introspectif de la soeur, elle-même incapable de s'ancrer au même endroit bien longtemps. Rien n'est asséné dans ce roman, mais on sent bien qu'elle envie Felis d'avoir su composer avec ses doutes et osé, comme l'écrit Calvino toujours dans le Baron perché, ❝Renoncer aux choses [car c'] est moins difficile qu'on ne croit : le tout est de commencer. Une fois qu'on est arrivé à faire abstraction de quelque chose qu'on croyait essentiel, on s'aperçoit qu'on peut se passer aussi d'autre chose, et puis encore de beaucoup d'autres.❞

Et elle de méditer sur ce qui compte vraiment :

❝De quoi ai-je besoin dans la vie : d'eau ? d'amour ? d'argent ? de solitude ? de compagnie ? de sens ? de sens, ça oui, mais […]❞

La narratrice semble défaire la pelote d'un fil imaginaire pour recréer les histoires du soir qu'on lui racontait jadis, au point que je me suis demandé si ce je et ce tu, l'une enfermée dans un appartement, l'autre à ciel ouvert dans la forêt, n'étaient pas une seule et même personne, un miroir tendu qui donnerait à voir le possible pour peu qu'on ose oser. Through the looking glass. Il est vrai que l'ambiguïté sourd de la 4e de couverture, qui évoque une ❝chimère❞, une rêverie quelque peu folle. Est-on sûrs que Felis n'est pas un personnage de conte, elle dont il est écrit qu'elle côtoie les ❝Géants❞ ? Cette hésitation a couru tout au long de ma lecture, qu'elle a rendue singulière. Je pense que c'est là, au-delà des qualités manifestes de l'écriture d'Anouk Lejczyk, la réussite de ce premier roman sensible. Baigné de mélancolie, il parle avec douceur et pudeur de solitude, de liens que l'on crée et d'autres qu'il faut préserver, de la place que l'on cherche et des obstacles à surmonter pour la trouver dans un monde qui n'a parfois ni queue ni tête, de la difficulté à s'enraciner et, enfin, de s'abandonner (ou pas) au mirage d'une vie réussie sans renoncer à être soi.

Premier roman, lu dans le cadre de la sélection 2022 des #68premieresfois

Lien : https://www.calliope-petrich..
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Un premier roman lu en 2019 et un coup de foudre, un deuxième en 2021 et cette même extrême qualité. Les deux ont été publiés par une maison d'Edition, "Le Panseur", au nom porteur de guérison. Jamais deux sans trois, dit-on, je le vérifie aujourd'hui avec le puissant premier roman d'Anouk Lejczyk "Felis Silvestris".

Au rythme d'une sorte de mantra "- Et ta soeur, elle en est où, elle fait quoi ?" l'auteur nous raconte la vie de deux soeurs plutôt semblables : libres dans leur tête et leur vie, sans mari, sans enfants, et "toujours un pied en l'air" aurait dit ma grand-mère. Difficile pour la mère d'avoir ainsi deux filles si éloignées des conventions, qui vivent hors des cases et dont l'une ne donne plus de nouvelles. Difficile aussi pour le père qui remplit sa vie de recherches sur la maladie de Lyme, apeuré à l'idée que Felis ne l'attrape. Car elle est partie, partie vivre en forêt au milieu d'une communauté disposée à lutter contre la Firme, responsable de déforestation. Au milieu d'une communauté, certes, mais de laquelle elle reste éloignée, toujours solitaire. Difficile aussi pour la soeur qui demeure là sans trop savoir, triste du manque de l'autre.

Le texte est magnifique qui conduit l'une à imaginer la vie de l'autre, ses jours, ses nuits. Imaginer, et aussi se replonger dans les souvenirs communs de l'enfance, essayer de comprendre, de remonter le fil. C'est aussi évoquer la maladie, ces voix qui hantent Felis. Pas de grandes explications, juste un effleurement, des mots épars, légers, emplis de tendresse. L'amour est là, en filigrane, jamais exprimé, juste ressenti. Car l'écriture d'Anouk Lejczyk est ainsi qui survole les faits comme une aile qui laisse derrière elle un parfum de tendresse.

Et puis il y a la forêt, semblable à celle que je parcourais enfant aux côtés de mon grand-père parti marquer les arbres à abattre. J'ai retrouvé ces arbres, l'odeur de l'humus, je me suis revue, comme Félis, les pieds dans la terre meuble… Les mots précis et forts de l'auteure réussissent à faire vivre cette forêt "…une vieille forêt aux racines profondes pour planter les leurs, et qui montrent leurs dents à quiconque les menace."

Un premier roman d'une énorme puissance, touchant, émouvant et particulièrement poétique.

Lien : https://memo-emoi.fr
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Felis vient de rejoindre une communauté qui s'est installée dans une forêt pour tenter de la sauver de la destruction et de l'appétit d'une société minière. Entre apprentissage de la vie en communauté et en forêt, Felis cherche sa place et son rôle. Au coeur de cet hiver, la soeur de Felis vient de se poser dans un appartement que lui prête une amie après avoir été longtemps absente. Et c'est elle qui est la narratrice de ce récit, donnant corps à l'histoire de Felis ou plutôt à ce qu'elle imagine de sa vie. En parallèle elle raconte sa propre histoire et la relation entre elles.

Ce premier roman est une totale réussite à bien des égards.

Le choix qu'a fait Anouk Lejczyk de ne pas donner de nom à ces personnages, hormis Felis qui est en réalité un pseudonyme, donne au récit un caractère universel. La manière de raconter l'histoire à travers le regard de la soeur de Felis et cette longue adresse en direction de la soeur aînée-aimée, ce qui peut d'ailleurs laisser planer un doute sur ce qui arrive réellement à la jeune fille, et qui tisse le lien entre les deux soeurs. La profondeur des sentiments qui se dégage des paroles de la jeune soeur, à la fois pleines de tendresse, d'empathie, d'encouragement, de soutien mais en même temps pleines de doutes en ce qui la concerne personnellement. La façon très subtile de souligner leurs fuites à toutes les deux : Felis en rejoignant cette forêt et la plus jeune soeur en parcourant le monde. La relation, évoquée en fil rouge, avec les parents : la mère inquiète, le père plus distant, et l'éclatement de la famille.

L'auteure met ici en scène le lien sororal qui existe et se construit au fil d'une histoire commune et se prolonge même à distance. Et c'est-ce lien qu'elle explore, bien plus que l'aspect potentiellement engagé de Felis pour sauver la forêt.

C'est surtout tout l'imaginaire que développe la jeune soeur de Felis pour la faire vivre au milieu de la forêt, les trésors de patience dont elle fait preuve pour maintenir le lien avec les parents et rassurer la mère qui donnent sa force à ce récit. A travers ce qu'elle raconte et ce qu'elle projette sur sa soeur, la cadette devient ainsi quasiment le personnage principal de ce roman plein de douceur et de poésie.

Décidément, Les Editions du Panseur ont l'art de dénicher de véritables conteuses !
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« Felis silvestris », chat sauvage, c'est le nom choisi par une jeune femme le jour où elle rejoint une ZAD en forêt en plein hiver. Un surnom qui lui convient à merveille, frêle et agile, effarouchée et rebelle. Est elle là par conviction ou pour fuir un ailleurs? C'est sa soeur aîné qui nous parle d'elle et qui lui parle, tissant par les mots les liens ténus qui les relient encore à la famille avec laquelle elle les sont toutes les deux en rupture.
.
C'est un livre tout doux, très poétique qui nous entraîne dès les premières lignes dans les tourments de cette famille. Un récit intime et pudique, chuchoté entre ces deux soeurs comme dans un murmure, un roman qui questionne sur les choix de vie, sur les ruptures, les lignes brisées. Un texte tout en sensualité aussi, au sens premier du terme, qui nous plonge dans cette forêt, cocon froid et pourtant accueillant, famille de substitution choisie en remplacement de parents trop envahissants ou défaillants. Un livre qui m'a enveloppée de douceur et que j'ai beaucoup aimé.
.
Je découvre cette maison d'édition avec ce titre et je dois mentionner le superbe travail sur l'objet. J'en parle rarement dans mes chroniques mais tout m'a séduit: la couverture douce et agréable au toucher, le papier lourd et de belle qualité, la mise en page élégante et les couleurs vives que j'imagine aligner dans ma bibliothèque.
A souligner car, on l'oublie souvent, cela contribue aussi au plaisir de lecture.
Une jolie découverte
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Felis silvestris , c'est le chat des forêts , Felis , c'est aussi le pseudo qu'a emprunté une jeune militante qui vit dans les arbres pour empêcher la déforestation . En général , à la fin de l'histoire , c'est la société qui gagne en envoyant les flics . Sauf que là , heureusement non .
"Et ta soeur , elle en est où , elle fait quoi ?" , cette phrase revient comme un leitmotiv tout le long du roman . Car il s'agit de l'histoire de deux soeurs , l'une qui vit dans un confort ouaté , et l'autre dans une cabane en haut des arbres .
Cela implique forcément de nombreux renoncements , cette vie au milieu de la nature et du froid , une vie d'ascète , mais en communauté .
L'aspect positif , c'est la communion avec la nature , les animaux sauvages et les éléments . le côté moins glamour , ce sont des toilettes rudimentaires , l'absence de douche et une nourriture basique .
Le genre de vie que beaucoup d'entre nous ne peuvent supporter , mais le militantisme et l'envie de résister l'emportent sur toute autre considération .
Ce qui est drôle , ce sont les messages du père , obsédé par la maladie de Lyme , qui n'arrête pas de ressasser des messages du genre "est-ce qu'elle se protège contre les tiques ? Les plantes , est-ce que tu les connais ? Il y en a , forcément , oui , des plantes-anti , mais lesquelles ?"
Voilà un roman écologique , où Felis , derrière ses préoccupations environnementales , est en quête d'identité . On est tenté évidemment de soutenir son combat , même s'il semble perdu d'avance : que peut une poignée de militants écologistes contre une compagnie qui dispose d'excavatrices et de bulldozers , soutenu de surcroît par le pouvoir politique ? Au moins , ils auront essayé .
Reste un magnifique premier roman où il est question de sororité , de la famille (les parents sont présents tout le long du roman ) , de protection de la nature , et en définitive , de l'avenir de l'humanité et de notre planète .
L'écriture d'Anouk Lejczyk est assez inhabituelle , mais le style est d'une grande facture . Bravo à l'autrice et merci au collectif des 68 premières fois qui m'a permis de découvrir ce roman bienfaisant .

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Felis Sylvestris – Anouk Leijczyk
Editions du panseur


« Etre la même chaque jour : tu ne pouvais pas. Etre celle qu'on attendait que tu sois : tu ne voulais pas. Te satisfaire de cette vie-là : impossible ! Plus rien ne te guidait hormis tes voix, trop nombreuses pour être d'accord, trop imprévisibles pour être domptées. Alors tu suivais celle qui parlait le plus fort, à tort ou à raison. Ton corps devenait une maison ambulante, des pilotis à la place des pieds.
Tu n'as pas chuté, tu ne t'es pas brisée. Tu as simplement bifurqué sur le chemin d'à côté. »

Felis c'est le nom qu'elle a choisi, Felis Sylvestris, à l'image du chat sauvage, habitant de la nature, méfiant à l'égard des hommes.
Le repli en forêt n'est pas absurde, petite déjà, grand-père lui avait appris l'amour des arbres, du bouleau aux fines bandelettes qui se déroulent de son tronc.
Felis plus fragile, choyée par sa mère toujours inquiète, une mère s'inquiète toujours plus pour l'enfant fragile, une mère ne sait pas que la fragilité devient un jour une force.
Felis la frileuse, réchauffée dans les bras de sa soeur, une protection que l'on offre à celle que l'on connait presque mieux que soi...
Felis a trouvé dans la forêt son équilibre, la confiance, la chaleur et un sens plus profond à sa vie.
Felis a choisi son nouveau nom, sa voie de secours, une échappée.

L'histoire de Felis est l'histoire singulière d'une émancipation, celui qui vous échappe vous entraine dans son tumulte, qui brise les lignes trop établies.
Une ode à la liberté retrouvée, à la forêt refuge loin des codes lugubres des contes de fées.
Felis sylvestris c'est un peu le chat qui s'en va tout seul de Kipling...

« Pendant qu'elle me chuchotait ce récit, je regardais ton morceau de pain à peine entamé, les légumes encore tièdes dans ton assiette. Je me demandais qui était l'inconnue qui avait pris possession de ton corps et ce qu'elle avait fait de ma vraie soeur. Je me demandais aussi quel vent contraire pouvait me souffler si loin de toi et démolir impunément les ponts qui nous reliaient.
Je me demandais bien ce qu'il pourrait rester de nous.
Merci au @68premieresfois.
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