J'ai été très dérangée par cette lecture à plusieurs titres.
Tout d'abord, le thème bien sûr, la pédophilie. Ici est traitée la pédophilie des prêtres. La figure de l'Église est représentée par Gabrielle de Miremont la mère du bourreau, une femme extrêmement pieuse, pour ne pas dire catholique intégriste, pour qui le plus beau jour de sa vie a été celui de l'ordination de son fils.
Issue d'une lignée noble, Gabrielle ne vit que dans le paraître, les apparences, elle se fait un plaisir de rabaisser ses interlocuteurs, leur faire sentir qu'ils ne sont pas à son niveau.
Son fils adoré,
Pierre-Marie, si beau et si parfait est juché sur un piédestal, la fusion mère-fils est totale, impossible pour l'un de vivre sans l'autre. Sans en avoir conscience, Gabrielle étouffe son fils, lui impose sa volonté, et dans une relation virtuellement incestueuse, l'appelle Mon Père.
Dans ce jeu de miroir inversé terrible,
Pierre-Marie semble s'être vengé de l'emprise de sa mère en déversant sa violence sur les petits garçons qui lui sont confiés.
La plume acérée de
David Lelait-Helo tranche, incise et découpe les mots avec virtuosité.
Cependant je n'ai pas été complètement convaincue par ma lecture.
Le narrateur est extérieur à l'histoire et je suis restée en retrait, au bord du chemin. Il m'a manqué une plongée approfondie dans la psyché de Gabrielle, et j'ai eu beaucoup de mal à croire à son revirement soudain quand la vérité lui est révélée sur son fils.
J'attendais du déni, de la résistance de sa part, qu'elle porte la parole de l'Église entendue dans les médias pendant longtemps trop hésitante et maladroite à condamner, sanctionner.
J'aurais aimé que l'auteur m'explique un peu plus ce besoin pressant de Gabrielle de se jeter dans les bras d'un autre homme aussitôt la disgrâce prononcée à l'encontre de son fils. le reniement des fondations de sa vie est trop accéléré pour être crédible, car on parle d'une femme de quatre-vingt-dix ans pétrie de certitudes et qui ne s'est jusqu'à présent sentie vivre que dans la parole de Dieu.
De ce fait, je n'ai pas réussi à croire à l'effondrement soudain de Gabrielle, ni à son attachement si prompt à une des anciennes victimes de son fils.
Il m'a fallu un peu de temps pour vraiment mettre le doigt sur ce qui m'a déplu dans cette lecture, bien au-delà des personnages caricaturaux, la mère de sang bleu accrochée à ses rangs de perles, sa vieille bonne corvéable à merci, le journaliste gay fort en gueule, la pauvre victime sans grande personnalité qui s'excuse en permanence de ce qui est lui arrivé.
le gros hic, c'est la mise en cause implicite par l'auteur de la mère, qui serait en partie responsable des vices de son fils après l'avoir gavé de lectures pieuses dans l'enfance et par la surprotection de son amour étouffant. Voilà qui m'a semblé un peu court comme « explication » si tant est qu'il puisse y avoir une explication rationnelle à de tels actes, et me semblant déplacer la responsabilité des faits sur la mère et non sur le bourreau lui-même (thèse corroborée par le comportement de Gabrielle d'ailleurs).
Une lecture mitigée donc, l'écriture est brillante et acérée comme la lame du couteau de la photo de couverture, mais le morceau de pomme a eu du mal à passer…