Wolverine - Old Man Logan, tome 3 : The Last Ronin

Ce tome fait suite à Bordertown épisodes 5 à 8, et Uncanny X-Men 205) qu'il faut avoir lu avant. Il comprend les épisodes 9 à 13, initialement parus en 2016, écrits par Jeff Lemire, dessiné et encrés par Andrea Sorrentino, avec une mise en couleurs réalisée par Marcelo Maiolo.

Après les événements du tome précédent, Logan a décidé de suivre la trace de Lady Deathstrike pour la retrouver et mettre un terme à ses attaques. Il s'est rendu au Japon, à Tokyo, où il rencontre Eito, un de ses informateurs. Il a choisi de le rencontrer sous l'identité de Patch qu'il avait développée sur l'île de Madripoor. L'informateur se fait un peu tirer les oreilles pour donner des informations. Il s'avère au final que Logan est tombé dans un piège tendu par l'Ordre Silencieux (Silent Order). Quelques années auparavant (c'est-à-dire dans le futur car Logan vient du futur d'une Terre parallèle), il passait des jours tranquilles dans une zone dévastée du Canada, en compagnie de Maureen. Mais ce temps prit fin quand leur retraite fut attaquée et bombardée par des engins volants. Maureen et Logan choisirent de fuir et de s'embarquer pour le Japon.

Au temps présent, Logan est terrassé par une attaque surprise menée par l'ordre Silencieux. Il se retrouve au fond 'un puits profond. Au sommet, Sohei (le guerrier responsable de l'Ordre Silencieux) le crible de flèches chaque fois qu'il se rapproche de l'ouverture, ce qui le précipite au fond, à chaque tentative. Logan a quand même eu le temps d'apercevoir Lady Deathstrike emprisonnée dans une cage suspendue. Au temps futur (mais toujours dans le passé de Logan), Maureen et Logan ont atteint le Japon. Ils se font vite remarquer par les représentants de l'Ordre Silencieux dont Sohei. Dans ce futur, le couple se retrouve vite face au Maître, le vrai responsable de l'Ordre Silencieux.

Dans le tome précédent, Jeff Lemire & Andrea Sorrentino (sans oublier Marcelo Maiolo) avaient trouvé le bon dosage entre une aventure nouvelle, et le poids du passé de Logan, à la fois celui de sa période Wolverine, mais aussi celui d'Old man Logan. le scénariste avait trouvé la voix du personnage, un homme d'âge mûr, marqué par ses expériences, et ses échecs, plus enclin à réfléchir avant de frapper, à se soucier des autres, avant de foncer dans le tas. En cela il revenait à une version développée pendant quelques numéros par Chris Claremont dans les années 1986/1987, quand Logan devenait peu à peu une figure paternelle pour les nouvelles recrues des X-Men. de son côté, l'artiste concevait des pages à la fois très claires et très sophistiquées, baignant dans une lumière crépusculaire attestant de l'âge du personnage. le lecteur se régale d'avance à l'idée de retrouver cette version originale et adulte de Logan.

Jeff Lemire a construit un fil directeur des plus simple : Logan se heurte à un gang d'experts en arc et katana, au Japon, parce que leur Maître a eu une vision dans laquelle Logan va le tuer. La confrontation se rapproche au fur et à mesure des épisodes, pour déboucher sur un combat de grande ampleur, impliquant Logan, Deathstrike et les membres de l'Ordre Silencieux. Il étoffe cette trame très linéaire, avec les retours dans le passé (qui se déroulent dans le futur du temps présent) pour montrer ce qu'a fait Logan, après avoir été l'instrument de l'exécution des X-Men. Dans le tome précédent, les retours dans le passé / futur permettait de combler des trous dans l'histoire de Logan le vieux, et d'étoffer sa personnalité, au travers des épreuves qu'il avait subies. Ici, le scénariste se sert des retours dans le passé / futur pour mettre en résonnance le comportement de Sohei et du Maître, entre le temps présent et le futur. Il s'agit donc de jouer sur une forme douce de paradoxe temporel, qui au final n'apporte pas grand-chose à l'intrigue ou aux personnages.

Raconter les événements du passé de Logan se heurte à une autre difficulté. Jeff Lemire se retrouve à évoquer une histoire dont le lecteur connaît déjà la fin, lue dans Wolverine: Old Man Logan (2008/2009) de Mark Millar & Steve McNiven. Autant dans le tome précédent, ces passages révélaient des morceaux de l'histoire, essentiels dans l'évolution de Logan, autant ici ce n'est plus le cas, car le lecteur sait déjà qu'il a eu un enfant. Plus délicat encore, pour pouvoir maintenir une forme de suspense, Lemire se retrouve à contredire le récit de Millar & McNiven, en faisant sortir une ultime fois ses griffes à Wolverine. de ce fait, c'est l'autre fil narratif (celui du présent qui retient plus l'attention du lecteur), avec ce nouvel ennemi, et des retrouvailles dans des circonstances très inhabituelles avec Deathstrike. En outre, la partie graphique est toujours aussi remarquable.

Tout au long de ces 5 épisodes, le lecteur fait l'expérience à chaque page que Jeff Lemire a conçu son scénario sur mesure pour le dessinateur, en lui laissant toute la liberté pour qu'il conçoive ses pages au gré de sa fantaisie. Il est également patent que Sorrentino travaille en étroite collaboration avec Marcelo Maiolo, ne serait-ce que pour les effets reposant sur des cases en rouge et blanc, lorsqu'un coup porte violemment, ou lors d'une explosion. À nouveau, le metteur en couleurs effectue un travail exceptionnel pour établir une ambiance dans chaque scène, pour donner une impression d'usure ou de salissure de certaines surfaces, pour rehausser discrètement le volume des éléments dessinés, et pour faire éclater la violence dans toute sa force.

Andrea Sorrentino régale le lecteur de ses structures de page, venant accompagner un moment particulier, lui donnant une forme plus visuelle. Dans le premier épisode Logan se lâche contre une bande d'hommes armés, les cases sont éparpillées autour de la silhouette de Logan toutes griffes sorties, comme si elles avaient été lacérées par les griffes, chacune montrant un détail de la trace desdites griffes. Dans l'épisode 2, il montre la régularité des coups portés dans une composition en double page en vis-à-vis, chacune comportant 16 cases pour montrer l'enchaînement rapide des coups, et leur brièveté. Dans l'épisode 3, le corps sinueux d'un dragon sert pour délimiter les bordures de cases, puis les cases d'une double page prennent la forme d'écaille de dragon. L'artiste ne se contente pas de découper les séquences en cases avec un plan de prises de vue pour montrer la succession des gestes. Il conçoit la composition de ses pages en termes visuels, s'en servant comme d'un outil narratif au même titre que les plans de prise de vue.

Andrea Sorrentino continue d'utiliser des aplats de noir importants, mais aux rebords déchiquetés. de même, il utilise un trait fin pour détourer les surfaces, presque cassant, souvent au tracé irrégulier. le monde que décrivent ses dessins est usés sur les bord, soumis à l'action de l'entropie, sans que les personnages ne parviennent à endiguer l'avancée de la dégradation temporelle. Les zones d'ombres figurées par les aplats de noir indiquent que les personnages n'ont pas une vision totale sur un monde bien propre, mais qu'il subsiste des zones de flous insondables dans le monde qui les entoure. L'artiste représente des adultes qui adoptent des postures d'adultes, qui ne sont pas en train de sauter partout au moindre prétexte. le corps de Logan est musclé, mais dans des proportions réalistes sans gonflette. le corps de Yuriko Oyama n'est pas utilisé comme un appât pour titiller les pulsions charnelles du lecteur. Les dessins montrent un monde plausible, et peu accueillant, dans lequel se débattent des individus normaux, et quelques individus aux capacités extraordinaires. Sorrentino réussit même à rendre visuellement cohérent un mutant avec des pouvoirs télépathiques, en évitant de recourir aux clichés visuels propres aux comics de superhéros.

Le lecteur se délecte de la narration visuelle, et de ce personnage principal efficace, homme d'expérience, mais un peu usé. Pourtant il ne retrouve pas la magie du tome précédent. Jeff Lemire utilise bien les mêmes ingrédients : Logan est visiblement âgé, il y un ennemi emblématique (Lady Deathstrike), son passé est évoqué à plusieurs reprises, il se retrouve au fond d'un trou comme au cours de l'épisode réalisé par Jason Aaron & Howard Chaykin dans Death of Wolverine. Mais dans ce tome, il n'a plus la position de patriarche ou de mentor pour quelqu'un d'autre. Il est repassé en mode vengeance et traque. Alors que dans le tome précédent, le lecteur voyait les hésitations, les remords et la réflexion avant d'agir de Logan, ici ce n'est plus le cas. Lemire sous-entend à une ou deux reprises que le pouvoir de guérison de Logan n'est plus aussi rapide que par le passé, mais dès le deuxième épisode, ce détail est oublié et Logan recommence à foncer dans le tas tête baissée sans réfléchir. Une partie significative de ce qui faisait le sel et la particularité du tome précédent n'est plus présente. L'évocation de Patch tombe complètement à plat, sans réel intérêt pour l'intrigue, sans conséquence, juste une référence gratuite.

Ce troisième tome d'Old man Logan ne dispose pas du même niveau de qualité que le précédent. Andrea Sorrentino & Marcelo Maiolo continuent de présenter un spectacle intense et intelligent. Par contre, Jeff Lemire a revu ses ambitions et à la baisse et le récit donne l'impression de revenir à une histoire classique de Wolverine, rendue plus mémorable par la narration visuelle.