Le Kalevala

On place souvent cette dernière dans le sac des pays scandinaves mais il n'en est rien, sa langue et ses légendes diffèrent de ses voisins. C'est LE livre à lire pour plonger dans le coeur de la Finlande à mon sens car il m'a fait vivre chaque étape de notre escapade à vélo avec un sentiment de magie.

Cette épopée n'a rien à envier aux autres plus célèbres. Poétique, avec de grandes envolées lyriques et dans un rythme particulier car tout se passe en 3 jours ou 3 souffles ou 3 années, etc. Les personnages rugissent, partent en guerre et cherchent des vierges, les jeunes filles imposent des épreuves et pour soigner une blessure il faut en connaître l'origine pour notamment prononcer les paroles originelles. La force du Verbe est aussi celle des chants, le personnage du Runoia évoquant à la fois le barde, le compositeur et le chanteur de runo (un vers, un chant, un poème) ce qui implique également l'e pression d'une puissance magique. L'un des chapitres épiques sur l'invention de la musique avec le Kantele (instrument à cordes emblématique de la Finlande) met en scène l'enchantement de tous les êtres vivants, hommes, animaux, arbres, etc. qui sont subjugués par le chant du personnage principal Wäinämöinen.

Les héros comme dans d'autres mythologies ne sont exempts de tout défaut, ils sont querelleurs, jaloux, colériques, et rencontrent de nombreuses déconvenues.

Nous faisons aussi la connaissance du panthéon des divinités finlandaises au gré des aventures des héros de Kalevala.

Ces derniers côtoient les hommes et sont toujours conflit avec les gens du Pohjola (qui apparemment est l'actuelle Laponie), "la région glacée où l'on dévore les hommes, où l'on extermine les héros ", pays sombre mais avec lequel ils continuent leur palabre et où ils retournent sans cesse chercher leur femme malgré tout !

Nos passages préférés portent notamment sur la forêt, personnage à part entière, toujours présente 🌲avec des passages très poétiques sur les arbres, doués de raison et qui souffrent "nous avons bien assez de nos propres tourments[...]Nous avons été créés pour un destin cruel, pour des jours de malheur. On nous abat, on nous coupe en morceau pour servir d'aliment au feu du poêle, pour chauffer l'étuve; on nous brûle pour défricher le champs que nous occupons"

Triste destin aussi pour les femmes, si elles ne sont pas vierges ou mères de famille... ce sort peu enviable est reconnu par l'entremise d'une grive : "le fer plongé dans la glace est froid, mais plus froid encore est le sort de la femme; la jeune fille est dans la maison de son père comme la semence dans une terre féconde ; la femme est sous le toit de son mari comme le chien dans les chaînes; rarement l'esclave goûte les douceurs de l'amour, la femme jamais".

Il y a également une belle métaphore sur la nuit polaire lors du vol de la lune et du soleil par une mère de famille de l'infâme Pohjola.

L'épopée se termine avec le retrait d'un des héros emblématique mais qui promet que l'on aura sans doute encore besoin de lui pour "retrouver la lune et le soleil disparus, pour ramener avec eux la joie exilée de la terre ".