Je crois que je suis ici pour autre chose que par conviction antinucléaire. Je ne sais pas vraiment. Peut-être le besoin de me confronter au désastre par le dessin.
Bienvenue dans le premier parc de décroissance obligatoire!
En toute discrétion et silencieusement la table se garnit de toutes sortes de mets. Comme si nos hôtes, malgré le fossé de la langue, savaient qu’après l’expérience que nous venions de vivre, il fallait convoquer la vie… Comme les repas qui suivent les enterrements
- " Allez, viens ! Viens avec moi goûter la radiation ! Juste cinq minutes ! viens sentir la langue coller à ton palais ! Quitter Tchernobyl sans avoir goûté à la radioactivité, c'est un pêché ! "
La zone : version technologique de la roulette russe !
Après avoir revêtu une tenue en papier bleu, on me conduit dans une pièce de moins de six mètres carrés, isolée des parasites extérieurs par des briques de dix centimètres de plomb et recouvertes d'une plaque de cuivre
On lit que l'homme fut chassé du paradis. A Tchernobyl, c'est l'homme qui se chasse de la Terre.
Aurais-je pu imaginer vivre de tels moments à Tchernobyl, au coeur du désastre dont j'étais venu dessiner l'horreur ? J'ai la sensation de vivre pleinement, intensément ici et maintenant.
Le nuage radioactif, explique-t-on à grand renfort de cartes satellites et d'interviews d'experts scientifiques, n'est pas passé sur le territoire français.
Soit j’ai peur et je ne vois pas pourquoi je suis venue, soit je n’ai pas peur et je ne porte pas de masque. Vivre, c’est prendre le risque de mourir.
Nous avons chacun notre puits
Où meurt un enfant tendre.
Nous l’entendons pleurer la nuit
Sans jamais bien comprendre.
(Chanson d’Anne Sylvestre)