ET IL APPELLE CELA DES GRIBOUILLES...!?
Les Masses Critiques organisées sous la férule bienfaitrice de Babelio se suivent et ne se ressemblent pas. Pour preuve ce carnet de croquis édité par les éditions Armada, jeune et vaillante maison installée à l'Isle-sur-la-Sorgue dans le Vaucluse et qui a pour vocation de publier des ouvrages de science-fiction, fantastique et fantasy. Découverts à l'occasion de cette Masse Critique de Novembre, je remercie les uns comme les autres pour ce charmant petit objet.
Adoncques, Messire
Jérôme Lereculey, jeune (il a un an de moins que votre serviteur, donc : jeune !) dessinateur surdoué qui s'est fait connaitre, pour beaucoup, par ce très beau cycle arthurien paru dans la première décennie du nouveau millénaire - déjà chez Delcourt - sur des scénarios impeccable de
David Chauvel serait, dixit lui-même, un gribouilleur ? On peine à ne pas faire son jaloux en admirant ces traits de crayons (encre ou graphite) qui nous émerveille depuis cette première série de longue haleine.
Cependant, le dessin s'est affiné au fil du temps. Il s'est indéniablement affermi, le mouvement devenant plus limpide, plus ample, un peu moins sec, les expressions des visages, les postures se sont complexifiées sans que cela soit au détriment d'une lisibilité toujours très directe, impressive, frontale souvent. Il y a de la beauté, de la grâce dans ce dessin-là. de la gratuité esthétique et superfétatoire, rarement :
Jérôme Lereculey aime aller droit au but, mais cela n'empêche ni finesse ni richesse des détails.
Pour en arriver à de tels résultats - on pense tout particulièrement à ce nouveau cycle absolument haletant, composé au cordeau, massif comme un orc, malin comme un nain et hypnotisant comme un elfe, cycle en voie d'achèvement, qu'est Wollodrïn. L'avant dernier volume est attendu pour la rentrée de janvier. Inutile de préciser l'impatience à le découvrir bientôt ! -, pour en arriver là, entamions-nous, il faut de la matière et cette matière c'est le dessin, ce sont ces croquis exécutés sans relâche, ces esquisses imparfaites sans doute mais qui donne déjà le ton de l'oeuvre à venir, ces coups de crayons inlassablement griffonnés sur ces carnets qu'on emporte avec soi, sur ces feuilles noircies au hasard des essais.
C'est tout ce travail préparatoire que représentent ces charmants petits carnets, réellement fabriqués comme de vrais carnets de croquis d'environ deux cent pages, avec reliure spirale ad hoc, que l'on feuillette l'air de rien mais qui, petit livre pour fan, simple amateur de belle ouvrage ou dessinateur en herbe, ravira par sa diversité, retraçant diverses étapes de ce travail préparatoire, affinant les angles, les pauses, les expressions.
Les personnages créés par
Jérôme Lereculey pour le premier volume de la première série des 7, «7 voleurs», ainsi que pour le cycle Wollodrïn y sont les plus représentés mais on y reconnaîtra aussi quelques personnages de sa série antique «Golias» ainsi qu'un certain nombre de Batman -d'évidence très inspirant ou délassant, on n'en saura pas plus -. Les animaux, réels ou fantastiques, ne sont pas en reste et souvent bluffant, tels ce rhinocéros, ces nombreux fauves, ces sagittaires ou ce dragon épineux vers la fin de l'ouvrage. Sans oublier un débonnaire ours brun fumant tranquillement sa pipe confortablement installé dans son fauteuil...! On peut dessiner sérieusement sans forcément se prendre au sérieux.
Comme un clin d'oeil à son public,
Jérôme Lereculey cède aussi au plaisir de s'auto-portraiturer, bien que donnant de lui-même un masque féroce qu'on lui connait peu - un air de père Noël revêche et fâché - , du moins pour celles ou ceux l'ayant rencontré à l'occasion de salons du livre ou de dédicaces.
Ajoutez un nombre très important d'études de chevaux, dans toutes les positions et toutes les allures, ainsi que quelques demoiselles généralement très girondes, et vous aurez une petite idée de ce que ce recueil propose à l'amateur.
On pourra sans doute reprocher le peu d'explications données, en dehors d'une éclairante préface du dessinateur en personne, mais ce carnet n'est évidement pas un "artbook", il n'en a ni le format ni l'intention (ni le prix...), tandis qu'il répondra fort bien au plaisir de se plonger dans les coulisses de la composition graphique d'un de nos meilleurs dessinateurs actuels dans le domaine de la BD de fantasy. On en redemande !