Tout chemin mène à Rome. Félix Ziem y mit le temps, mais il finit par arriver dans la ville Éternelle. Ce fut pour le jeune peintre un enchantement sans égal que d'admirer les chefs-d'œuvre des grands maîtres italiens. Il passait ses journées à parcourir les musées, les églises, et il s'abîmait pendant des heures dans de religieuses contemplations. Puis, il prenait ses crayons et dessinait le morceau qui lui plaisait le mieux, essayant de pénétrer la technique du maître, de surprendre sa manière.
Jamais Ziem, dans sa méticuleuse probité d'artiste, ne peignit une toile de chic ou de mémoire. S'il exécuta plus tard, dans son atelier de la rue Lepic, des vues de Venise assez nombreuses, c'est qu'il avait amassé, pendant ses vingt voyages à la cité des lagunes, un véritable trésor de notations, de croquis, d'esquisses très poussées indiquant le jeu de lumière du moment, notes qu'il lui suffisait de transposer sur la toile, en exécution définitive.
Ziem a peint des paysages de tous les pays; il a évoqué la brumeuse Hollande et l'Orient splendide : aux yeux de la postérité, il restera surtout le peintre de Venise parce qu'il aima cette ville d'un amour passionné et qu'il l'anima de cette féerique parure dont nous n'avions plus que le souvenir.
En chemin, raconte-t-il, Félix Ziem vivait comme il pouvait, couchant dans le foin des fermes, faisant en route des croquis, des portraits, pour quelques sous, pour un repas, pour une nuitée dans une auberge.
Quelques aquarelles le font remarquer ; le succès lui vient immédiat, et il jouissait d'une réputation très enviable à Marseille lorsqu'il la quitta pour réaliser enfin son rêve : voir l'Italie.