AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,06

sur 904 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ajouter une critique? Quelle drôle d'idée! Tout a été dit ou presque. Il s'agira donc plutôt d'une remarque personnelle (plus ou moins ma spécialité dans cette rubrique, je ne raconte pas les bouquins que je lis, mais plutôt l'effet qu'ils m'ont fait).
Ce livre prenait la poussière sur une étagère depuis des années et me faisait un peu peur. Un gros bouquin, pour un amateur de nouvelles et de haikus... Une photo d'Indien d'Amazonie sur fond blanc difficile à interpréter: hostilité, exostisme? (très belle édition France Loisirs). Peut-être attendais-je d'avoir rendu visite sinon aux Indiens, du moins au Brésil, avant de me lancer dans cette aventure? Car dans ma tête ce livre traitait des Indiens du Brésil et de rien d'autre. Erreur monumentale. J'ai beaucoup lu mais bien peu de livres qui traitent de facon aussi magistrale et souvent "en passant" (C'est comme ca les génies?) multitude de questions passionnantes. le rapport de la géologie et de la psychanalyse, les liens cachés entre mer, montagne et forêt, urbanisme et gestion du territoire, langage, écriture et civilisation, rapports entre ancien et nouveau monde, entre hommes et femmes, groupes et hiérarchie, envahis et envahisseurs... Fabuleux. Une lecture terriblement enrichissante (car elle donne envie d'approfondir bien des points) et en même temps distrayante, pleines de surprises et parsemées de détails (le menu des Indiens et de l'auteur!) et d'histoires à côté desquelles bien des romans apparaissent encore plus fades. A lire d'urgence comme cure de dégraissage du cerveau pour les amateurs de Brésil, bien sûr, d'Inde du Pakistan... ou tout simplement pour tous ceux que fascine une pensée tentaculaire, érudite et (presque) sans prégugé, logique et pleine de contradictions, le tout écrit dans une langue class(iqu)e. Un grand merci posthume!
Commenter  J’apprécie          883
Dans cet ouvrage d'ethnologie au ton très personnel, la philosophie danse avec la poésie, les splendides photographies de Lévi Strauss soulignent la beauté de l'écriture.
Un des livres qui a marqué ma jeunesse, et infléchi le cours de mes études. Un temoignage d'une époque où l'humanité possédait encore des enclaves sans communication avec notre culture de l'écriture et donc de l'Histoire.
La réflexion scientifique et philosophique menée à partir des observations faites par l’ethnologue font de Levi Strauss un penseur majeur de notre temps, malgré l'apparent caractère restrictif de son champ d'étude.
Comment les modestes Caduveo et Nambikwara ont pu permettre de penser l'Homme, c'est la leçon de cet ouvrage et de tous ceux de cet auteur dont l'influence continuera longtemps à s'exercer, bien au-delà des phénomènes de mode en "isme".
Commenter  J’apprécie          810
« Je hais les voyages et les explorateurs », déclare Claude Lévi-Strauss à la première page de Triste tropiques.
Il pourrait s'arrêter là, mais non, il explique d'abord son mépris pour les récits exotiques, se vantant d'avoir réussi à survivre dans des pays impossibles.
Finalement, puisqu'à son tour il va nous conter ses aventures, il se demande quel est le vrai projet de l'ethnologue : détester son propre pays, pour pouvoir encenser quelqu'elle soit une autre culture, du moment qu'elle est autre, ou, au contraire, essayer subtilement de mettre en avant les côtés rebutants et inacceptables, ce qui veut dire non acceptées par notre civilisation. Il cite le cas de l'anthropophagie, « de toutes les pratiques sauvages, celle qui nous inspire le plus d'horreur et de dégoût. »
Si l'on met à part le cannibalisme né de la famine, Lévi-Strauss analyse l'ingérence de parties du corps d'ennemis de guerre, leur consommation, non comme étant une indifférence ou un mépris vis-à-vis de la mémoire du vivant (pas plus que nos amphithéâtres de dissection) mais étant une manière d'absorber le pouvoir, d'assimiler et donc de neutraliser les forces occultes et/ou redoutables de certains ennemis.
A l'opposé, nos civilisations pratiquent l'anthropémie, ou isolement et expulsion hors du corps social : prisons notamment, où le contact est muré, ce qui inspirerait une horreur profonde « à la plupart des sociétés que nous appelons primitives ». (je pense aux asiles, à la nef des fous )
Ces Tristes tropiques sont tristes parce que démodés, l'exotisme ayant été balayé la plupart du temps par les bidonvilles. « Une agriculture de rapine s'est saisie d'une richesse gisante et puis s'en est allée ailleurs, après avoir arraché quelques profits ».
L'ethnologue se propose donc de visiter et d'expliquer au monde restant non pas la réalité d'une culture donnée, mais une caricature d'un univers perdu.
Question : les systèmes politiques déterminent-ils la forme d'existence sociale, les hommes choisissent-ils leurs croyances indépendamment de leur condition ?
Au contraire, ce qui serait moins naïf, ce sont les formes d'existence qui donnent un sens aux idéologies qui les dominent. Si, comme dans le cas de l'Inde, où la population est devenue trop nombreuse, et alors que par les castes, et le régime végétarien, on pouvait espérer une scission positive garantissant la liberté de chacun, c'est la non-reconnaissance de l'autre qui prévaut, non pas parce qu'il est différent, mais parce qu'il y a pléthore d'êtres humains : ce qui aboutit à la servitude. L'Asie en cela a échoué, et pourtant, nous dit l'auteur, c'est l'image de notre futur.
Lorsque Lévi-Strauss arrive au Brésil, ce désenchantement face à l'opportunité de ce qu'il s'apprête à faire : raconter son voyage, fait place à une analyse de ces Indiens dont le système féodal rappelle furieusement le nôtre du XVI siècle. Fort de l'idée freudienne que la réalité vraie n'est jamais manifeste, il traverse le Mato Grosso et vit dans la case d'un sorcier, s'émerveille de constater la ténacité des rites de ces paysans loqueteux, rejouant une sorte de tournois.
Parmi les Bororo, il cherche un interprète et le trouve. Ce qui l'intéresse, ayant reproduit les villages bororo toujours divisés en deux, ce sont les parures magnifiques, les coiffures en plumes, les dessins abstraits de tatouages ou de peintures corporelles dont il nous copie plusieurs exemplaires, et aussi la relation des hommes envers leurs femmes, des pères avec leurs petits, « quelque chose comme l'expression la plus émouvante et la plus véridique de la tendresse humaine ».
Grâce à son interprète/sociologue (qui avait été présenté au pape mais vit nu comme tous les Bororo, il comprend que si pour eux l'opposition nature/ culture va de soi, la mort est perçue comme naturelle, et anti culturelle. Naturelle, car un animal doit payer de sa vie lorsqu'une mort humaine advient. D'où les parures de dents, de griffes, et d'os, arborées par eux, la culture s'enrichissant.
Vivant nus, la pudeur est de mise, et Lévi-Strauss évoque les couples s'ébattant au loin du village, avec la même pudeur qu'eux et avec la même pudeur qu'il note en début de ses récits, qu'il aurait bien pu échouer dans un four crématoire.
Il a mieux valu pour la pensée humaine qu'il soit allé au Brésil en 1941.
Commenter  J’apprécie          7452
Tristes tropiques est un livre polyphonique. Malgré la haine des voyages et des explorateurs affirmée dès la première phrase, le texte est, en fait, outre sa dimension ethnologique, anthropologique, géographique, géopolitique et philosophique, un formidable témoignage des aventures et tribulations -parfois dangereuses - de l'auteur en Amazonie, à la recherche de tribus demeurées à la frange du monde "civilisé".
L'auteur, contrairement à ce qu'il proclame dans la phrase initiale, se fait aussi explorateur lorqu'il s'attarde parfois avec précision sur les préparatifs des expéditions qu'il envisage et les dangers qui peuvent survenir dans un pays où les voies de communication sont le plus souvent inexistantes et où l'on peut rencontrer des populations hostiles, aux réactions imprévisibles
L'ouvrage comprend également des descriptions sompteuses, dignes de celles des meilleurs écrivains, au sujet des paysages de savanes désertiques du Matto grosso et de la forêt amazonienne, mais aussi des pages splendides sur l'Inde et ses bidonvilles sordides, ses temples, les personnages que l'on y rencontre. On y trouve des passages descriptifs d'anthologie, le plus beau étant sans doute celui où il est question d'un coucher de soleil sur l'océan, au passage de l'équateur. Ceux qui sont à la recherche d'exotisme et de sensations fortes ne seront donc pas déçus par la lecture du livre le plus connu et le plus "abordable" de Levi-Strauss, même s'il leur faudra aussi "s'accrocher" parfois, car les réflexions de ce "voyageur" de génie, partant de faits concrets constatés lors de ses rencontres avec le monde et ses populations ne se satisfont jamais des clichés occidentaux véhiculés dans la littérature de voyage habituelle.
Au delà du pittoresque, Levi-strauss, est toujours à la recherche des "structures" profondes du tissu social, expliquant les comportements et les hiérarchies en vigueur dans une culture donnée.
La méthode structuraliste est déjà presque parvenue à maturité, mais elle s'y déploie sous une forme concrète et compréhensible ici, n'ayant pas encore atteint le degré d'abstraction des ouvrages plus théoriques. On la trouve dans la manière dont les tabous régissant les relations entre les divers clans, les interdits alimentaires et topographiques prévalants dans telle ou telle tribu sont décrits et expliqués.
On reconnait déjà la démarche propre à l'auteur, qu'il théorisera plus tard, dans la manière dont il envisage la fonction sociologique des mythes. Selon lui, il servent principalement, en dernière instance, à masquer ou à justifier les inégalités sociales qui sans cet "inconscient collectif" façonné par le discours mytologique, serait insupportable aux castes et couches défavorisées. Pas étonnant, dans ces conditions, que la pensée Marxiste se soit intéressée au structuralisme, ceci malgré les divergences fondamentales de l'anthorpologie structurale fondée par Levi-Strauss, avec les philosophies post-hégéliennes voulant que L Histoire tende vers une fin idéale en passant par des stades de plus en plus évolués.
L'un des aspects les plus intéressants du livre est d'ailleurs la façon dont la méthode d'analyse est apliquée aux sociétés non primitives, mais toujours "sous-développées" qu'il découvre lors de ses missions à l'étranger : Inde et Brésil notamment. Mais ces digressions géographiques, sociologiques et geopolitiques, éclairées par l'approche structuraliste, incluent aussi des des considérations comparatives sur l'urbanisme des cités du nouveau et de l'ancien monde, sur l'avènement de l'écriture, sur le Boudhisme, l'Islam et le Christianisme, etc...
L'un des intérêts principaux du livre réside d'ailleurs dans le fait qu'il prend le plus souvent le contre-pied des idées dominantes de l'époque sur les questions évoquées ci-dessus (et sur bien d'autres).
Le message demeure encore très largement politiquement incorrect aujourd'hui, malgré un concensus actuel - qu'il a largement contribué à construire - sur certains sujets : Les civilisations se valent, l'occident doit se départir de son attitude arrogante et ethnocentrique, nécessité de préserver la nature et les cultures premières, etc....
Je ne m'attarderai pas là-dessus, car ces choses là sont considérés comme l'héritage principal de Levi-Strauss et sont partagées désormais par le plus grand nombre.
Il n'y a pas de place, dans le cadre de cet article pour citer de larges extraits de "Tristes tropiques". Je me contenterai donc de signaler rapidement , dans les citations quelques sujets sur lesquels la pensée contemporaine aura du mal à récupérer le père de l'Anthropoogie structurale, tant ses conclusions divergent d'une lecture "progressiste", post-moderne et quelque peu anachronique de l'oeuvre :
- le dialogue des civilisations est impossible. Les "rencontres historique" entre des peuples que tout sépare se soldent toujours par l'aservissement d'une culture par celle qui est la plus technologiquement développées. Dans ces conditions, il vaut mieux que les peuples se côtoient sans se rencontrer... On ne peut être plus désabusé et pessimiste. le discours dominant veut plutôt que les échanges soient porteurs d'enrichissement mutuel...
- "Le consentement, dixit Levi Strauss, (et non la coercition comme on a tendance à le penser aujourd'hui ! c'est moi qui commente..) est le fondement psychologique du pouvoir." "la réciprocité est un autre attribut dondamental du pouvoir ....par un jeu sans cesse renouvelé de prestations et de privilèges, de services et d'obligations"
Ceci, toujours selon Levi-strauss "n'est pas un phénomène purement moderne, C'est un retour à la nature fondamentale de l'organisation sociale et politique"
- le désir d'obtenir richesses et privilèges n'explique pas fondamentalement la vocation pour devenir chef. Il ya dans tout groupe humain, des hommes qui, à la différence de leurs compagnons aiment le prestige pour lui-même, se sentent attirés par les responsabilités, et pour qui la charge des affaires publiques apporte avec elle sa récompense".

A elles seules ces deux connlusions vaudraient aujourd'hui à Levi-Strauss les pires quolibets s'il tentait de les expliquer à une assemblée incrédule, tant nous pensons que les hommes politiques sont attirés avant tout par les avantages que procure le pouvoir.

Que dire également de l'écriture, considérée par tous comme un outil d'émancipation des peuples à l'égard des puissants. Levi-strauss dit presque exactement le contraire, à savoir qu'elle apparait comme un instrument de domination de ces puissants envers les humbles. Selon l'auteur de tristes tropiques, elle parait "favoriser l'exploitation des hommes avant leur illumination" . "Sa fonction primaire est de favoriser l'asservissement". Mais il faudrait accompagner ces affirmations de larges extraits pour expliquer comment Levi-Strauss parivient à ces conclusions peu orthodoxes.

Que n'entendrait pas Levi-Strauss, quelle fatwa l'aurait frappé si les barbus fondamentalistes avaient lu le dernier chapitre du livre ! Pour l'auteur en effet, l'Islam, qui "se développe selon une orientation masculine", est, des trois religions, la pire qui soit. Son principal péché est d'avoir fait écran entre le Bouhisme (pour lequel il n'y a pas d'au-delà) et le christianisme. L'Islam comme le christianisme, cède à la peur de la mort en "rétablissant l'autre monde". Il est "l'occident de l'orient" . Il "enchaîne le monde temporel au monde spirituel", encore plus que le christianisme. Dans la religion révélée par Mahomet, "la politique devient théologie". A cause de l'Islam (et toujours selon Levi-Straus) "l'Occident a perdu sa chance de rester femme". Sans lui, une osmose de la pensée européenne eût été possible avec le boudhisme, "qui nous eût christianisés davantage et dans un sens d'autant plus chrétien que nous serions remontés en deça du christianisme lui-même". Religion intolérante par excellence bien qu'ayant inventé la tolérance envers les "infidèles", l'Islam (toujours selon Levi-Strauss) cloître et "néantise" autrui, à commencer par les femmes.
Là aussi, il faudrait citer l'ensemble du dernier chapitre pour comprendre les reproches adressés par Levi-Strauss à cette religion, qui n'on rien à voir avec une attitude raciste. Il reproche en effet à la France de ne pas donner l'égalité des droits aux µ25 millions de citoyens musulmans vivant à l'époque dans nos colonies et de ne pas faire
ce que fit l'Amérique en son temps, c'est dire de "gagner une pari dont l'enjeu était aussi grave que celui que nous refusons de risquer", à savoir de "se laisser submerger par cette vague" ... d'immigration.
Voilà de quoi montrer à l'éventuel futur lecteur de ce livre, que Levi-Strauss, tout en tenant parfois des propos "hérétiques" pour une pensée progressiste, n'est pas tout à fait le réac passéiste que certains voudraient nous présenter
- Enfin et surtout, comble du politiquement incorrect pour l'intelligentsia Française moderne, l'auteur de tristes tropiques fait un parallèle étrange, surprenant et "hérétique" pour des gens de gauche, entre la pensée issue des lumières et de la révolution d'une part et l'Islam d'autre part. Il observe, chez les musulmans et chez nous, "la même attitude livresque, le même esprit utopique, et cette même conviction obstinée qu'il suffit de trancher les problèmes sur le papier pour en être débarassé aussitôt"
Même croyance, dans les deux cultures, d'une supériorité sur les autres, même incapacité à penser les problèmes contemporains autrement que par l'évocation d'une grandeur passée :
"Nous ne nous rendons pas compte que l'univers ne se compose plus des objets dont nous parlons. Comme l'Islam est resté figé dans sa contemplation d'une société qui fut réelle il y a sept siècles, et pour trancher les problèmes de laquelle il conçut alors des solutions efficaces, nous n'arrivons plus à penser hors des cadres d'une époque révolue depuis un sicèle et demi, qui fut celle où nous sûmes nous accorder à l'histoire".

On ne peut mieux exprimer ce que je pense de la société française actuelle, de son conservatisme et de son conformisme anachonique sous un vernis de turbulence "révolutionnaire" frondeuse. Si l'on suit l'analyse telle que la propose Levi-strauss, cela expliquerait également la prépondérance de l'idéologie sur le pragmatisme chez les socialistes hexagonaux, qui prétendent avoir raison contre l'immense majorité de leurs camarades européens.

Concernant le rôle de guide historique que la France aurait à jouer dans le monde, il ne se passe pas une semaine sans que nos politiciens, de droite comme de gauche assignent au pays la tâche de montrer la voie de la justice au monde enier, qui est censé nous envier à jamais nos institutions et la politique menée par nos dirigeants. Tout ceci au motif que le siècle des lumières et la révolution (sur le papier et non dans les faits") a su théoriser les termes d'un nouveau contrat social. Comme l'a très bien dit Badinter : "La France n'est pas le pays des droits de l'homme, elle est le pays de la déclaration des droits de l'homme", ce qui fait écho à la critique exprimée ci-dessus par le père de l'anthrophologie structurale sur notre esprit livresque et utopique, rejettant le pragmatisme et la résolution des problèmes concrets se posant à notre société à un moment donné de l'Histoire....
Lien : http://jcfvc.over-blog.com
Commenter  J’apprécie          392
Mijouet trop heureux de trouver enfin cet ouvrage chez Emmaüs, l'emporta à la maison sans même l'ouvrir....
Voila qu'il découvre un petit texte charmant et drôle sur les pages de couverture et de titre .
Comment peut-on se débarrasser d'un livre aussi personnel que ça?
Ceci n'est donc pas une critique, ni une citation, mais un petit morceau de vie et de malice anonyme:

"Pour ton 23 anniversaire…
…un petit livre pour te faciliter la vie! (éviter d'avoir à penser à le réemprunter plusieurs fois par semaines, jusqu'au jour où tu te décides pour de bon à y aller… d'avoir à présenter ta carte d'étudiant, qu'il aura fallu sortir de ton portefeuille que tu auras pensé à prendre, après évidemment avoir rempli une petite fiche pour laquelle il aura été nécessaire de se munir d'un stylo qui marche correctement (donc non-unijambiste etc.), et surtout t'éviter à avoir à penser avec une anxiété croissante à le rendre devenue si forte que des mots de ventre terribles t'empêcha de suivre avec toute l'attention demandée tes cours indispensables à la réussite de tes études, obtention de diplômes, recherche d'un bon travail, belle vie!!! Tu vois, quand je te dis que ce livre te facilitera la vie, il te la rendra même plus belle… c'est un absolu!
J'aime les absolus. *
*( Mince, c'est pas pour le bon livre!)"

Tristes
Tropiques

"Je t'embrasse mon D…… et je souhaite que cette année soit pour toi remplie de petits bonheurs (ce sont les meilleurs!) et de réussite en tous genres.
Bonne lecture !
E….."




Commenter  J’apprécie          343
Écrit magistralement à la jonction de la littérature, de l'autobiographie, de la science et de la philosophie, ce livre compte parmi ceux que j'ai le plus apprécié.

Lévi-Strauss, c'est le type idéal de l'intellectuel écrivain du XXe siècle, dont le discours englobe en virtuose la philosophie, l'art et la science. Ce sera par le biais de l'anthropologie, science encore toute neuve qui demandait à être, et en empruntant de manière heuristique la notion de structure à la linguistique, que ce philosophe de formation exprimera son formidable talent d'expression.

Sont-ils tristes, ces « tropiques » (c'est-à-dire ces tribus encore plus ou moins qualifiables de « sauvages » à l'époque des débuts de l'anthropologie)? Pas vraiment, ou plutôt pas particulièrement plus que n'importe qu'elle autre réalité humaine. Ceci dit, le regard de Lévi-Strauss, à la fois aisément reconnaissable comme agencement de différentes influences de la civilisation occidentale (Rousseau, Marx, Saussure, Céline,…), et absolument unique en son agencement, leur donne une couleur délicatement idéalisée, propice aux reflets d'une fine mélancolie.
Commenter  J’apprécie          311
Un grand classique... que je n'avais pas lu!
Et j'admet que, n'étant pas spécialement intéressé par l'ethnologie,  ce n'est pas sans une certaine appréhension que je me suis lancé dans les 500 pages de tristes tropiques. Et pourtant, à la fin  de cette critique, je vous inviterai chaudement à faire le voyage!
Non parce que je me suis découvert un intérêt insoupçonné pour les Baroros Caduveo ou autres Nambikwara. Les pages qui leur sont consacrée sont intéressantes. 

Mais surtout elles s'insèrent dans une série de réflexions de Claude Levi-Strauss qu'il partage avec ses lecteurs. Par exemple réflexions sur l'objet même de l'ethnographie/logie: l'intérêt des ethnologues pour des civilisations opposées à la notre ne serait il pas en fait un malaise ... de l'ethnologue, malaise qui pourrait rendre l'impartialité de celui ci ...discutable.

Mais plus intéressantes sont les réflexions philosophiques qui émaillent ce livre. Et pourtant, Claude Levi-Strauss et la philosophie, ça avait mal commencé, comme en témoigne ce petit extrait "égratignant" la philosophie classique:" ma pensée échappait à cette sudation en vase clos à quoi la pratique de la réflexion philosophique la réduisait". Quelques chapitres plus tard, il revient à l'essence de la philosophie en inscrivant sa recherche ethnographique dans les pas de JJ Rousseau (qu'il défend vivement). Pas pour glorifier la vie dans un "idéal" de nature perdu, mais pour positionner l'ethnographie comme un moyen de déceler, comparer , évaluer des éléments susceptibles de construire un "contrat" de vie rousseauiste (il en profite pour égratigner Hume et sa critique du contrat social) , réfléchir sur les sources du pouvoir etc....

Les commentaires de Claude Levi-Strauss s'étendent aussi aux arts, comme en témoigne cette brève citation: "l'oeuvre du peintre, du poète ou du musicien, les mythes et les symboles du sauvage doivent nous apparaître , sinon comme une forme supérieure de connaissance, au moins comme la plus fondamentales, la seule véritablement commune , et dont la pensée scientifique constitue seulement la pointe acérée". Beau programme pour les arts et l'ethnographie!

Une phrase de la préface de la Pléiade résume autrement ce foisonnement : "tel est l'un des délices de l'oeuvre de Levi-Strauss: l'alliance entre la rigueur implacable de la réflexion et une souveraine liberté associative, le mélange entre l'intransigeance théorique et le plaisir des surgissements, des va et vient, des rémanences inattendues".

Un dernier encouragement à se plonger dans cet ouvrage? de belles pages de description de lieux ou atmosphères, certainement pas étrangères aux ambitions de romancier de Claude Levi-Strauss (Triste tropiques étant d'ailleurs initialement  le titre d'un roman qui n'a jamais vu le jour).

Comme annoncé au début de cette critique, un livre qui mérite d'être lu!
Commenter  J’apprécie          272
Bon, je me lance.
C'est un grand livre évidemment.
Et pourtant il est fait de bric et de broc, de morceaux disparates, de genres différents.
En fait, c'est cette variété qui fait son charme: analyse ethnographique bien sûr, mais aussi récit de voyage, roman d'aventure, description de la nature, réflexion philosophique sur les grandes civilisations, petites histoires du milieu universitaire, ...
Le livre commence par la fin, la fin des voyages, la fin d'un monde, un nouveau voyage aux Amériques pour échapper à la barbarie européenne, et la retrouver sous une forme burlesque à la Martinique. On ne peut s'empêcher de penser à Stefan Zweig, au destin si différent, d'une autre génération, mais si attaché au Brésil comme Lévi-Strauss.
On pourrait parler longuement ce livre, et cela a déjà été fait. Je vais juste essayer de dire ce qui m'y a étonné et touché.
Et d'abord, le style, magnifique, envoûtant, captivant et en même temps d'une précision chirurgicale. ça ne m'étonne pas qu'il ait été proposé au Goncourt.
Et ces descriptions! un art pictural dans la littérature, ce n'est pas donné à tout le monde. le plus célèbre tableau est cette description du coucher de soleil sur l'Atlantique sud: cinq pages de pur bonheur littéraire!
Ensuite, une lucidité sur le travail de l'ethnographe, source de tristesse. Eh bien non l'ethnographe ne débarque pas "en terre inconnue", à la rencontre d'une société vierge de toute contamination occidentale (quel aveu! notre civilisation serait-elle un poison?); les peuples étudiés ont une histoire, beaucoup ont connu le rencontre avec "l'homme blanc", ni meilleur, ni pire que les autres, mais plus puissant. Dès les années 1930, il faut faire le deuil de cette illusion. Et les cultures étudiées auront bientôt disparu.
Mais le projet de Lévi-Strauss est d'une ambition sans pareille. Ce n'est pas tel ou tel peuple qu'il veut découvrir c'est l'homme lui-même. L'ethnographe est devenu anthropologue. Il cherche à dresser le répertoire des solutions des hommes à leurs conditions de vie. C'est très impressionnant.
Mais il ne gomme pas pour autant les individualités. Au sein d'une même culture il décrit les personnalités différentes, les conflits personnels, les failles des uns et des autres. Avec ces deux aspects de son travail, on pourrait presque paraphraser Sartre: le structuralisme est un humanisme.
Là peut-être où il est le moins convaincant, à mon avis, c'est dans ses perspectives sur les grandes civilisations. La généralisation le pousse trop sans doute trop loin ou à côté, ou injustement.
Je regrette d'avoir tant traîné à lire ce bouquin qui se trouvait depuis très longtemps dans ma bibliothèque. A part quelques aspects un peu datés, il reste d'une brûlante actualité. Alors précipitez-vous, vous ne le regretterez pas.

Commenter  J’apprécie          250
J'aurais bien aimé écrire sur un tel livre une critique intelligente, érudite et structurée. J'ai bien peur que ce ne soit pas le cas ce soir...
Toujours dans la collection "Terre humaine" que j'apprécie tant, voila un ouvrage fondateur qui arrive au delà de la description des situations, des habitudes, des empreintes culturelles ou des lieux, à nous transmettre une philosophie de l'ethnologie.
L'auteur est un Grand !
Et entre autres, je retiens que ces sociétés que l'ont dit "primitives" n'en sont pas moins des sociétés.
Si l'on pouvait apprendre à ne pas tout comparer à notre monde, considéré comme modèle... on ferai des progrès.
Commenter  J’apprécie          242
Arrivée à la fin de ce livre ethnologique, j'ai appris beaucoup de choses sur l'Histoire de l'Amérique et sur d'autres continents. Cela m'a plu beaucoup !
Pour ma part, c'était un livre assez compliqué à lire et à comprendre. J'ai dû m'acharner au début, mais ensuite c'était une superbe récompense. Très franc, brutal et poétique à la fois par rapport à l'écriture et aux dits de l'auteur. J'aime les métaphores , surtout du coucher et du lever de soleil et du Pot-au-Nou sur deux climats où deux mondes s'affrontent (p. 78-79). de plus, j'aime beaucoup la comparaison entre l'Asie (l'Inde) et l'Amérique tropicale.
Souvent, il fallait que je lise plusieurs fois le même paragraphe ou la même phrase pour comprendre où Lévi-Strauss voulait en venir.
Parfois, l'écrivain nous choque par ses récits, ses avis, ses expériences...
Il nous fait réfléchir et voir la réalité en face - la vérité des illusions. En le lisant, je me rends compte de la réalité. Des choses banales que je vois différemment ou d'autres que je comprends mieux. Je me dis whoa, je n'y ais pas pensé. Il a raison !
Émouvant ! On a l'impression que Claude Lévi-Strauss raconte son histoire en étant présent à nos côtés. On est là, ensemble, autour d'un café, en train d'écouter et lui de raconter ses souvenirs.
Claude Lévi-Strauss est devenu une inspiration pour moi au sujet de l'anthropologie et l'ethnologie. Tristes Tropiques est devenu ma bible.
Mes chapitres préférés sont : Leçon d'écriture - on apprend tellement de l'écriture qu'on a envie de s'informer plus, d'approfondir le thème et qu'on s'aperçoit qu'on ignore ou que l'on ne réfléchit pas sur l'importante fonction de l'écriture en elle-même. Et pour finir, Un petit verre de rhum où l'ethnologue explique clairement sa profession.
Commenter  J’apprécie          200




Lecteurs (3165) Voir plus



Quiz Voir plus

Lévi-Strauss et son œuvre

Lévi-Strauss est mort à l'âge de...

90 ans
95 ans
100 ans
105 ans

10 questions
12 lecteurs ont répondu
Thème : Claude Lévi-StraussCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..