Un film, disait (prétendument)
Jean Gabin, c'est une histoire, une histoire, une histoire. Et on pourrait dire aussi du roman : c'est une histoire, une histoire, une histoire. À croire que, pour «
Exodes »,
Jean-Marc Ligny ait appliqué le précepte à la lettre, l'amplifiant en l'occurrence, car ce ne sont pas trois histoires qui nous sont narrées, mais le double : six ! Six histoires qui se suivent d'abord, qui font apparaître des connexions ensuite, qui se confondent enfin (pour plusieurs d'entre elles) : la famille dans une ville sous dôme préservée du changement climatique qui fait rage ; la mère italienne qui fuit avec ses deux fils ; le jeune Espagnol qui décide de partir, trop las d'une mère passant son temps au sein d'une communauté chrétienne ; la mère en question qui accompagne un prêtre bizarre dans un voyage tout aussi bizarre ; un couple de Norvégiens, enfin, qui paradoxalement quitte le nord pour le sud. Pour ma part, j'ai trouvé le résultat tout à fait réussi et la lecture de ce roman est très prenante. le récit est bien construit. Certes, l'esprit pointilleux estimera peut-être que certaines situations ou réactions de personnages ne sont pas crédibles, mais l'ensemble est plutôt convaincant. Dans le registre du postapocalyptique et si on se laisse aller à la comparaison, franchement le livre de Ligny me paraît bien meilleur que certains romans pourtant érigés comme best-sellers internationaux, entre autres exemples : « Silo » de
Hugh Howey qui – me semble-t-il – n'en finit pas de démarrer ou « Métro 2033 » de Dmitri Gloukhovski dans lequel, par moment, on se perd – c'est le cas de le dire. Ici, au contraire, la narration est toujours maîtrisée, tandis que dominent une économie de moyens et un style efficace.
Quant au sens général du livre, quant à son « message », on est loin des tendances à la mode du « hopepunk » ou du « solarpunk » qui voudraient nous faire rêver à un bel avenir, avec une méga-dose d'optimisme. Ici, c'est noir, noir, noir… Sans trop divulgâcher la fin, on se contentera de dire que les destins respectifs des personnages du roman et – on le comprend – de l'Homme en général ne sont pas semés de pétales de roses... Mais, après tout, ce ne seraient là que les conséquences terribles de siècles de négligences et de prédations vis-à-vis d'une Terre devenue exsangue et se retournant contre son destructeur. Et puis, l'optimisme est-il une catégorie pertinente pour juger d'un roman ? Pour un essai politique, pour un discours militant, sans doute, mais pour un roman, certainement pas.