Ken Liu, c'est une découverte 100% Babelio pour moi. Il n'a été fait acquisition que de ce livre de lui à ma bibliothèque municipale "
L'Homme qui mit fin à l'histoire"...Quel incroyable titre. Je n'ai même pas lu la quatrième de couverture, convaincue que j'allais croquer ce petit roman. Je venais depuis peu de découvrir un autre auteur originaire de Chine,
Liu Cixin dont la "
Terre errante" m'a transportée inthemoon, un allé simple pour les étoiles, tout ce que je recherche en SF, tout ce que je recherche dans mes lectures actuelles.
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le voyage proposé par
Ken Liu, a été davantage un cauchemar.
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Avez-vous des cauchemars récurrents? Je les sens venir dans mon sommeil, je lutte pour ne pas glisser vers eux...Non pas encore celui là...J'y glisse malgré moi. C'est un peu ce que j'ai ressenti dans les premières pages de ce livre, je me croyais embarquée vers un doux rêve sur le voyage dans le temps, qui a commencé très vite à sentir l'angoisse et l'horreur. Pauvre innocente que je suis, je ne savais rien du livre avant de commencer.
Je trouve qu'il ne fait pas très bon lire ce livre dans le climat oppressant que nous subissons en ce moment à cause de la folie d'un tyran qui paraît sans limite. Nous avons peur de la guerre parce que nous avons peur de souffrir, nous, ou nos proches. Toute cette idée de souffrance me paraît condensée dans ces endroits où l'on a torturé, violé, où l'on s'est adonné à des expériences médicales sur des personnes qui n'étaient plus rien que des numéros.
Ken Liu évoque dès la page 15 cette Unité 731 qui a REELLEMENT existé, sévissant en Chine orientale à Pingfang, durant la seconde guerre mondiale, et il est évident que je peux abandonner la possibilité d'un joli voyage.
J'ai assisté à d'horribles scènes, donc, elles me sont tombées dessus, j'y ai assisté impuissante. Enfin, "impuissante" quelle ridicule comparaison avec une réelle impuissance face à quelconque violence puisqu'il m'aurait suffit de fermer mon livre pour y mettre un terme, et tâcher de penser à autre chose...
Mais c'est que ce livre est si bien fait et qu'il soulève des questions si importantes qu'il me tardait plutôt de le poursuivre!
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Ce livre est fait comme si l'on visualisait le script d'un documentaire. le titre entier du livre est d'ailleurs "l'Homme qui mit fin à
L Histoire: un documentaire". En italique, ce que l'on voit, en italique souligné, la personne qui s'exprime et en écriture scripte ce qu'elle dit. Une succession de témoignages donc, qui relatent le parcours du professeur Wei et de son épouse le professeur
Kirino afin de révéler au monde leur fabuleuse découverte de la possibilité de voir des scènes du passé. Mais il ne s'agit pas de faire la promotion de leur découverte, ni de s'en enorgueillir, car le professeur Wei n'est obsédé que par une chose: que soient reconnues les exactions commises par l'Unité japonaise 731, que justice soit faite et vérité rétablie. La fabuleuse découverte n'est ainsi qu'un outil à l'établissement de la vérité.
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Point de rêve, point de dépaysement, mais des questions éthiques et philosophiques poussées; enserrées dans la main de fer du scénario sans superflu de
Ken Liu. Doit-on juger le passé au prix de faire vaciller l'équilibre du présent? Quelle place peut avoir la mémoire privée au sein de la mémoire collective? N'est-elle qu'exemple? à quel niveau est-elle représentative? A qui profite l'établissement d'une vérité absolue? Est-il possible de le faire en matière d'Histoire? Quelle démonstration, ce livre, quel talent dans la façon dont il est mené, et quelle subtilité de nous donner autant matière à se faire son propre raisonnement.
Un mélange habile de fiction et de réalité.
Ken Liu évoque l'Histoire de la Chine et ses intrications avec le Japon au travers de ses personnages, le professeur Wei est sino-américain alors que son épouse le professeur
Kirino est nippo-américaine. Nous apprenons (enfin j'apprends) sur les rapports entre ces pays, mais aussi sur leurs rapports avec l'Occident, à savoir le poids que peut avoir le fait que le Japon soit "le chouchou" des occidentaux, aux dépens de la Chine, et comment ce qui semble ainsi "un ordre établi" peut peser sur les vérités (ou les à peu près) historiques.
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J'espérais un peu de rêve, du farfelu même peut-être?...Et j'ai reçu un message en pleine poire auquel je vais penser pour un bon moment.
Ken Liu, merci, et à bientôt :)