Dire qu'il avait été assez sot pour croire un jour que tous les bourgeois avaient de l'esprit et le sens de l'esthétique, pour croire que la culture et les faux cols allaient de pair et qu'il suffisait d'avoir fréquenté l'université pour maitriser le savoir.
Mais lui, qui connaissait la vie, sa laideur comme sa beauté, sa grandeur - en dépit de la boue qui la souillait - Bon Dieu ! il la dirait telle qu'elle est. Les saints du paradis peuvent-ils voir autre chose que de la beauté , de la pureté ? Mais les saints au milieu de la boue, voilà le miracle éternel ! Voilà qui donne à la vie sa valeur. Voir la grandeur morale se dégager de la fange ; entrevoir la beauté à travers un rideau de boue ; puis peu à peu - surgissant de l'abîme d'inconscience, de vice - la voir monter, grandir en force, en vérité, en splendeur.
Mais, bon Dieu ! qu’est-ce que vous voulez faire d’une petite bourgeoise ? Laissez tomber. Choisissez une belle créature de flamme et de volupté, qui rit de la vie, se moque de la mort, amoureuse de l’amour. Elle vous aimera autant que n’importe lequel de ces misérables produits des serres chaudes de la bourgeoisie.
Il renversa la tête en arrière et ferma les yeux. De même qu'un enfant en pleurs oublie son chagrin en voyant le soleil passer à travers le fin rideau de ses larmes, de même Martin oublia son mal, oublia Ruth, oublia tout, en contemplant les feuillages transpercés de lumière qui chatoyaient sous ses paupières.
Libérés de nos peurs et de nos espérances,
De notre soif de vie vienne la délivrance !
Remercions les dieux que toute vie s'achève,
Rendons grâces au Ciel que nul ne s'en relève,
Que même les plus lents et les plus las des fleuves
Trouvent au fond des mers le repos où ils peuvent.
J’ai bien peur d’être un marchand plein de méfiance qui regarde trop attentivement les balances, pour peser votre amour et craint de s’apercevoir que le poids n’y est pas.
L'amour ne peut pas faiblir. S'il trébuche en chemin et s'effondre comme une chiffe, c'est que ce n'était pas de l'amour.
Elle avait une de ces mentalités comme il y en a tant, qui sont persuadées que leurs croyances, leurs sentiments et leurs opinions sont les seules bonnes et que les gens qui pensent différemment ne sont que des malheureux dignes de pitié. C'est cette même mentalité qui de nos jours produit le missionnaire qui s'en va au bout du monde pour substituer son propre Dieu aux autres dieux.
Page 91 de la version de janvier 1993 de la collection 10/18 (n°776), traduction de Claude Cendrée
Il se sentit soudain très vieux. Il avait voyagé loin,trop loin pour pouvoir revenir. Tout le désappointait; il était devenu un étranger. De même que la bière lui semblait rapeuse, leur société lui semblait grossière. Il avait trop évolué. Trop de livres ouverts les séparaient. Il avait voyagé si loin au pays de l'intelligence qu'il ne pouvait revenir en arrière.
Tout peut s'en aller à vau-l'eau dans ce monde, sauf l'amour. L'amour ne peut pas faiblir. S'il trébuche en chemin et s'effondre comme une chiffe, c'est que ce n'était pas de l'amour.