J'ai bien peur d'être un marchand plein de méfiance qui regarde trop attentivement les balances , pour peser votre amour et craint de s'apercevoir que le poids n'y est pas.
Être sainte en paradis, quoi de plus naturel ? Mais sainte dans un enfer de crasse, voilà la vraie merveille !
Aussitôt, son esprit se changea en une vaste chambre noire, où defilerent des images de sa vie, des images de chaufferie et de gaillards d'avant, de campements et de plages, de prisons et de bouges, d'hôpitaux et de taudis, toutes associees aux divers noms qu'on lui avait donnés.
C'était un visage transfiguré, avec de grands yeux brillants perdus dans l'au-delà, qui semblaient apercevoir, à travers le rideau des notes, la source de vie où s'abreuvaient les fantômes de l'esprit. Elle était médusée. Le rustre empoté avait disparu. Ses vêtements mal coupés, ses mains écorchées et son visage brûlé de soleil étaient comme une cage emprisonnant une grande âme bâillonnée par une aphasie maladive.
Il y a tant de choses en moi que je voudrais exprimer ! Mais je ne peux pas y arriver. Il me semble quelquefois que l’univers entier m’habite et m’a choisi pour le chanter. Je sens, non, je ne peux pas vous le décrire !… je sens la grandeur de tout ça et tout ce que j’arrive à faire, c’est balbutier comme un nouveau-né. C’est une tâche grandiose que d’exprimer des sentiments et des sensations par des mots écrits ou parlés, qui donneront à celui qui écoute ou qui lit, la même impression qu’à son créateur. Tenez ! je plonge ma figure dans l’herbe et l’odeur qu’aspirent mes narines évoque en moi mille pensées, mille rêves. C’est l’haleine de l’univers que j’ai respirée ; c’est sa chanson et son rire, sa douleur, ses larmes, ses luttes et sa mort. J’aimerais vous dire, à vous, à l’humanité entière, les visions évoquées en moi par cette odeur d’herbe… Mais comment le pourrai-je ? Ma langue est liée. J’ai essayé de vous décrire ce qu’évoquait en moi ce parfum et je n’ai fait que bafouiller.
Un vraiment grand poète n'écrit pas une ligne qui ne soit pleine de vérité et ne s'adresse à tout ce qui est noble et pur en vous. On ne devrait pouvoir supprimer aucune ligne d'un grand poète sans occasionner une irréparable perte pour le patrimoine commun!
Il était habitué aux callosités des filles d'usine et des ouvrières. Il savait bien, va! Pourquoi leurs mains étaient rêches et celles de Ruth si douce... C'était parce qu'elle n'avait jamais travaillé. Voilà le gouffre qui les séparait. Elle était de ces gens qui n'avaient pas besoin de travailler pour vivre.
Ce n'est pas dans le succès d'une oeuvre qu'on trouve sa joie, mais dans le fait de l'écrire.
Ses facultés de penser l’abstraction, telle qu'on la trouve dans les livres, étaient restées en jachère et elles étaient mûres pour les semailles. N'ayant jamais été harassées par l'étude, elles étaient encore affamées de savoir et ne demandaient qu'à mordre.
Il se rappela ses jours de misère noire où personne ne l'invitait. C'est à ce moment-là qu'il en aurait eu besoin, alors qu'il s'affaiblissait faute de nourriture... Paradoxe ridicule! Quand il avait faim, personne ne lui donnait à manger : à présent qu'il pouvait se gaver et avait perdu son appétit, les dîners affluaient de toutes parts. Pourquoi? Qu'avait-il fait qui justifie ce changement? Il était resté le même.