Tous les écrits de
Jack London sont des récits de lutte contre l'adversité: contre le froid dans
Construire un feu, contre la sauvagerie, et pour la vie dans
Croc-Blanc ou
l'appel de la forêt, contre les inégalités sociales dans
Martin Eden.
D'extraction ouvrière, le jeune
Martin Eden a très tôt été obligé de gagner sa vie pour survivre. Il voit autour de lui sa soeur, ses compagnons, les filles de son entourage se crever à la tâche, vieillir prématurément, tomber d'ans l'alcoolisme car c'est parfois le seul plaisir immédiat disponible après des journées interminables de dur labeur et chercher un peu d'amour comme réconfort à cette vie pénible.
Par l'intermédiaire d'un jeune bourgeois qu'il vient de sauver d'une altercation, il fait la rencontre de Ruth, une jeune femme de bonne famille raffinée, pure à ses yeux et cultivée. Il tombe aussitôt amoureux et afin d'accéder à son niveau, il se met à étudier, seul, jour et nuit pour apprendre à s'exprimer d'abord, puis à accéder à toutes ces connaissances qu'on n'acquiert normalement qu'à l'école. Pour gagner sa vie, mais surtout pour gagner l'amour et l'admiration de Ruth, Martin décide de devenir écrivain. C'est alors un long parcours de refus et de vaches maigres que vivra notre héros, seul contre tous à croire en son talent.
Dans sa lutte pour s'en sortir, Martin s'isole petit-à-petit pour tenir mais aussi parce que la fréquentation de deux mondes qui s'opposent l'aliène peu à peu de l'une comme de l'autre, qu'il finit par mépriser après l'avoir adulée.
Roman majeur de
Jack London, ce qui en fait un chef-d'oeuvre tient selon moi à la fin du récit, inattendu pour peu qu'on ait eu la chance de ne pas la connaître (et pour ça je maudis ces préfaces qui ont tendance à tout dévoiler sans crier gare). Sans rien dévoiler, je dirais que les toutes dernières pages sont magnifiques.
Contrairement aux autres romans de London, on ne voyage pas dans celui-ci si ce n'est par ce que Martin partage de son passé de marin. Au contraire, l'auteur cloître le combat que mène le personnage dans un espace minime qui se resserre peu à peu autour de sa chambre, lieu de lutte pour Martin.
Ce roman est également un témoignage édifiant du chemin rempli d'embûches que parcourent parfois les vrais artistes avant d'être reconnus, comme London lui-même qui, comme
Martin Eden, avait foi en lui. Pour le reste, London tient lors des interviews à se désolidariser de son personnage qui lui ressemble comme un frère mais avec qui il ne partage pas, en tant que socialiste convaincu, l'esprit d'individualisme.
Ce roman est enfin un bel hommage rendu à ce peuple du bas qui trime toute sa vie pour quelques sous à quelques rues de bourgeois insouciants totalement ignorants de ce monde.