Firmin a une tête de bandit, macérée depuis dix ans dans un bocal plein de crapulerie.
Les actes cruels qui marquent la carrière de beaucoup de sergents surveillants sont moins le résultat d’une décision de l’esprit que la conséquence naturelle d’une brutalité qui se croit des droits et se donne des devoirs.
Pour enquêter dans les pénitenciers, il faut comprendre "toujours" quand on vous dit "jamais".
Il fait haineux dans les pénitenciers comme il fait chaud dans une serre. S’il ne fait pas chaud dans une serre, à quoi bon y mettre des plantes ? Si ce n’est pour leur injecter de la haine, à quoi bon avoir des détenus ?
Quand un caïd perd de son prestige, son peuple, petit à petit, passe sous le joug d'un plus fort.
Pour ne pas déchoir, un caïd ira jusqu'au crime. Autant que les plus grands, il a senti que tout n'était pas fini quand on a atteint le pouvoir, mais que le redoutable était de le conserver. alors il s'improvise chroniqueur de sa propre vie. Il invente son histoire. Tel, qui n'aura pour blason qu'un vol sans envergure, sortira son couteau et dira : "c'est fine lame, il en est à sa cinquième boutonnière." Il ajoutera : "La sixième est pour celui qui en doute."
Suspendre les hommes par les reins.
Leur faire la "blague" de les laisser un après-midi dans une tinette.
Immobiliser un malheureux et lui sucrer la figure pour aguicher les guêpes et les mouches.
L'attacher de telle façon qu'il ressemble à un crapaud. Si l'on attachait des crapauds pour leur faire prendre la forme des hommes, la Société protectrice des animaux interviendrait.
Condamner un homme à la peine de la soif et, quand la soif le torture, lui faire boire du sel fondu.
Le coucher nu entre deux fagots de branches épineuses et commander des violons. Je veux dire: danser dessus.
L'obliger à porter de la chaux vive sur son épaule saignante.
L'étendre au milieu de la cour et le faire directement recouvrir d'immondices.
Le rosser, le piétiner, l'attacher à la queue d'un mulet.
Le livrer à la simplicité des bons tiraillours qui l'expédient dans un monde plus juste.
Et toute la lyre! toute la lyre!
En quel endroit de la terre règnent encore de semblables tyrans?
Ce ne sont pas des tyrans, ce sont des sergents!
L’œuvre des condamnés militaires n’est pas un mythe, elle est écrite sur la terre dure. L’une des bases de l’institution est le relèvement par le travail. Le travail est un fait ; quant au relèvement, il se pratique, de préférence, à coups de botte.
— Ici ? C'est la baraque à massacre. Je suis soldat de métier, pas ? J'suis donc pas suspect ! Eh bien ! Je deviens antimilitariste. Est-ce que vous savez ce qu'on fait dans les pénitenciers ?
— Dites.
— Les fers, les coups de bottes, la crapaudine, la pelotte, la cravache et cent mille cochonneries. Mais c'est des choses pour des bêtes, tout ça ! Je suis un vieux soldat, moi ; je proteste au nom des vieux soldats. On est fait pour se battre, non pour être battu ! Depuis que je vois ce que je vois, j'peux plus voir l'uniforme.
Et mon vieux copain changea subitement de figure :
— Y m'ont donné de la haine.
Depuis vingt ans, le monde a fait beaucoup de progrès : on voyage dans les airs, on se parle à travers l'Océan et sans fil ! L'homme est en marche, du moins il le croit ! Seule, en France, la justice est pétrifiée.